YORUBAS : Du Nigéria à l’Amérique du Sud

Les Yorubas ne se conjuguent pas qu’au pluriel. Avant d’être un peuple, « le yoruba est d’abord une langue, très belle et poétique», nous a tranquillement confié Keziah Jones. S’il est un célèbre chanteur, Olufemi Sanyolu de son vrai nom, né à Lagos est l’un des 25,5 millions de Yorubas que compte le Nigéria. Mais lorsqu’il s’agit de parler du berceau de son peuple, ce n’est plus la tumultueuse capitale qui est évoquée. Pour les Yorubas, Ife est une ville sainte, située au sud-ouest du Nigéria. Plus qu’un centre urbain, l’ethnie y situe le lieu de naissance du monde. Dans ce jardin d’Éden africain, sous la tutelle d’Olodumare, dieu parmi les dieux, deux créatures auraient créé les humains. Obatala, secondé par son frère Oduduwa serait à l’origine du monde. Le roi d’Ife, le Ooni, descendrait directement de la divinité suprême pour exercer son pouvoir. Les frères sont à l’origine d’une dynastie, qui donne naissance au peuple yoruba et aux rois et reines de villes nigérianes. Ainsi, le royaume d’Oyo a été fondé par Shango. Des provinces administrées par un oba-percepteur des impôts, un art florissant, des : un vaste empire émerge. Oyo s’impose comme un centre culturel, économique essentiel en Afrique jusqu’au XVIIIème siècle. Une situation idyllique à laquelle les colons européens vont mettre un terme. Ils sèment la zizanie entre les oba, appliquant le principe du diviser pour mieux régner jusqu’au chef suprême, l’alafin. Chacune des provinces prendra son indépendance précipitant le déclin de l’empire, au bénéfice du Dahomey voisin (actuel Bénin).

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Les Yorubas d’Amérique du Sud

Le commerce triangulaire a contribué à l’éparpillement des Yorubas dans le monde. Leur culture a inséminé d’autres territoires, du fait des mouvements de population. On retrouve les caractéristiques yoruba dans le monde américain, notamment dans l’hémisphère sud du continent. Rites candomblé, santeria cubaine… Comme dans la théogonie nigériane, on retrouve le Dieu Oxala dans le panthéon des dieux brésiliens. De la Caraïbe au Venezuela, la religion yoruba est à la base de nombreux rites religieux. La musique yoruba apala constitue également l’un des fondements des genres mondialement connus que sont la samba brésilienne ou la rumba cubaine. Aujourd’hui 160 millions de personnes peuplent le Nigéria. « À l’origine de nombreuses révolutions culturelles, Fela et Nollywood en tête, mon pays risque de peser de plus en plus dans le monde », prophétise Keziah Jones. Un optimisme que l’industrie artistique mondiale partage. La révolution est bel et bien en marche.

Par Dolorès Bakela

Édition : ROOTS n°9