ROGA ROGA : Le diamant de Brazzaville

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je suis Roga Roga, fondateur du groupe Extra Musica. Je suis également le PDG de la maison de production Ibrox Production.

Peut-on revenir sur l’historique d’Extra Musica ?
Extra Musica est un groupe issu d’un quartier de Brazzaville que l’on appelle Ouenzé. Ce groupe a été créé par Roga Roga, qui était choriste à la chorale Saint-Odile de Notre Dame d’Espérance. Il a eu le goût d’apprendre à jouer à la guitare, et en exerçant dans la chorale, il a fait la connaissance de Durel Loemba et Espebas. Un jour, votre serviteur Roga Roga, après avoir fini ses répétitions et alors qu’il rentrait à la maison, s’est rendu compte de l’engouement qu’il y avait devant la télé. Il y avait l’émission diffusée depuis Kinshasa que l’on appelait Variété Samedi Soir, mais il y avait plus de monde qui regardait Empire Bakuba qui jouait. Et Roga Roga s’est interrogé en se demandant pourquoi cela ne se passait jamais au Congo Brazzaville ? Au Congo, il n’y avait que les Bantous de la capitale, mais il n’y avait pas un groupe de jeunes qui pouvait révolutionner la musique parlant aux jeunes. C’est fort de ce constat que Roga Roga décida de créer un groupe. Il a commencé à intéresser ses proches : Espebas, puis Durel Loemba et ainsi de suite. Nous avons commencé à jouer dans les veillées mortuaires. C’est là que nous avons fait la rencontre de notre premier producteur, qui nous a emmené en studio pour réaliser notre premier disque. On n’y croyait à peine car nous étions encore des étudiants qui partaient à l’école, c’était de l’amusement. Quand ce disque est sorti, c’est Africa n°1 avec Alain Saint-Pierre, qui nous a diffusé en premier, s’en est suivi RFI, etc. C’est à ce moment qu’Extra Musica s’est réellement positionné. Nous avons été appelé à jouer en Côte d’Ivoire lors d’une cérémonie et nous y avons fait la rencontre de nouveaux producteurs et là ce fut le véritable décollage.

D’où vient cette voix si spécifique aux chanteurs congolais ?
La musique, dans notre culture ancestrale, tenait une place énorme. Le roi, pour sortir, pour manger, pour dormir… il fallait de la musique. Avant d’aller à la chasse, nos ancêtres s’installaient autour du feu et chantaient. Après avoir tué 2,3,4 gibiers, on chantait encore. Cette culture est propre aux deux Congo, deux pays jumeaux.

Nous avons eu la chance d’assister à l’une de vos
prestations scéniques à l’Institut Français de Brazzaville. La salle et nous-même avons été estomaqués par l’utilisation d’un violoniste sur de la rumba congolaise, une première mondiale ?
Le plus souvent, dans la musique rumba, nous stagnons sur les mêmes instruments : guitare, batterie… J’ai alors pensé à introduire un violon. Nous avons répété de longues heures avec des violonistes et les gens présents dans cette salle ont découvert quelque chose qu’ils n’avaient jamais vu auparavant. Ce n’est que le fruit du travail bien fait. Notre mission est d’égayer et donner du plaisir à nos fans.

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2018 sera une grosse année de tournée pour vous…
Nous allons entrer en contact avec notre diaspora. Nous sommes en train de préparer un grand concert au Bataclan, le 26 mai 2018, pour immortaliser et honorer ceux qui ont perdu leur vie gratuitement à cause de l’intolérance. Cela fait 10 ans que le groupe Extra Musica n’a pas joué à Paris et ce sera donc un grand évènement. Nous avons joué partout, Australie, Afrique Australe, Afrique de l’Ouest… mais on avait perdu un peu le contact de nos fans parisiens.

À Paris, en 2017, il y a eu une vague de concerts annulés par les Combattants. Comment rassurer vos fans ?
Il faut déjà savoir que ces histoires de Combattants ne concernent pas Brazzaville. Cela fait un moment que les gens n’ont pas eu l’occasion de s’amuser. Cette année 2018 est l’année de la réconciliation, de l’amour. On ne peut pas arrêter la culture, sous prétexte que l’on est contre un président ou un gouvernement. L’existence même de la culture doit perdurer.
Nous allons entrer en contact avec la diaspora, entrer en contact avec ceux que vous appelez les « Combattants » et je pense que tout va bien se passer. Ils doivent se battre pour l’évolution de leur pays et la culture en fait partie.

Si vous aviez un ami non-Congolais qui passait 48 heures à Brazzaville, quels spots lui recommanderiez-vous ?
En premier lieu, je vais lui demander de ne pas séjourner en centre-ville. Toutes les grandes villes se ressemblent. Je vais plutôt lui conseiller d’aller à Bas-Congo, à Ouenzé, à Talangaï, parce que c’est dans ces endroits que l’on vit 24/24. Je vais aussi lui recommander qu’il fasse un tour à Kintélé pour être en contact avec la nature. En ce qui concerne la bouffe, qu’il essaie de manger de la tortue, du crocodile… Vous pouvez par exemple aller au Beach de Brazzaville, là où l’on traverse pour aller à Kinshasa. Et pourquoi ne pas tester de la chauve-souris à Bas-Congo ?
Pour l’ambiance, Brazzaville c’est non-stop : Ramdam, Red Café, Palacio, etc. Et s’il n’aime pas les boites de nuit, il y a des orchestres qui interprètent dans la ville, chaque dimanche, des spectacles de rumba.

Édition ROOTS n°20 – Spécial Kongo

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