PAPE DIOUF : « Le refus de la médiocrité »

Journaliste, ancien agent de joueur, ancien Président de l’Olympique de Marseille, le charismatique ex-boss de la Cité Phocéenne nous délivre un message d’optimisme et sans langue de bois.

De quel métal est forgé le parcours de Pape Diouf ?

Je dirais que mon parcours est une affaire de circonstances. Circonstances heureuses ou malheureuses. J’ai eu un parcours relativement atypique puisque, contrairement à certains, je n’ai pas eu la possibilité de faire de hautes et profondes études. J’ai dû très rapidement travailler. Quand je suis arrivé en France, je devais faire prioritairement l’école militaire, avec un engagement dans l’armée, ce qui ne m’enchantait pas. J’ai fait des petits boulots : coursier, manutentionnaire, postier et c’est à partir de là que j’ai pu faire des concours pour devenir journaliste, entrer à La Marseillaise et y finir responsable du football. Après quelques années de pratique, j’ai été amené à créer une société d’agents, avec plus de 70 joueurs pros, dont certains grands internationaux africains, mais pas que… Il y a eu Desailly, Bell, Boli, Drogba, Kanouté, Nasri, Foé, Abedi Pelé, Song, Bernard Lama, entre autres. Après cette période en tant qu’agent de joueur, je suis entré à l’Olympique de Marseille comme dirigeant puis comme président.

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À la suite de cette aventure olympienne, vous avez ouvert une école de journalisme ?

Oui, j’ai ouvert une école à Marseille il y a 8 ans, avec mon ami Jean-Pierre Foucault. D’ailleurs, j’y enseigne des cours d’éthique et de déontologie. J’aurais pu faire des investissements plus ludiques de style restaurants ou boîtes de nuits, mais l’éducation m’a rattrapé.

Vous avez eu 1001 vies. Vous considérez-vous comme un journaliste, un entrepreneur, un personnage hybride ?

J’ai toujours dit qu’on ne sortait pas en réalité du journalisme. Je suis journaliste, définitivement, et j’ai d’autres activités professionnelles, par ailleurs. Le journalisme est mon métier originel et celui qui reste au plus profond de moi.

« Mettre la plume sur la plaie, peu importe si cela fait plaisir ou non… Je suis comme cela. »

Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes de la diaspora aspirent à un African Dream. Vous les encouragez à se battre et entreprendre en France ou à développer le continent, ou un mix des deux ?

J’ai commencé en disant que la vie était une affaire de circonstances, heureuses ou malheureuses. Donc je ne peux pas tracer un trait égal pour tout le monde. Dans la vie, la chose la plus essentielle est le refus de la médiocrité. Je n’ai pas de ligne directrice à donner dans la mesure où chaque personne  est à elle seule une aventure. Il faut penser à trouver une synthèse entre ce qui se passe là-bas et ici. Mais honnêtement, je serais d’assez mauvais conseil étant donné que je vis ici, à Marseille. Mais ça ne m’ empêche pas, quand il s’agit de le faire, d’être en phase avec ce qui se passe sur le continent.

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On vous connaît pour  votre franc-parler – concernant notamment la thématique des relations entre la France et l’Afrique – et comme étant celui qui assène des vérités qu’on n’entend pas partout. Est-ce ce qui a fait votre force ? Et pourquoi vos messages sont-ils si peu audibles de la part d’autres figures noires ?

Il est très difficile de parler de soi. On en dit souvent trop ou pas assez. Je dirais que, chez moi, ont gouverné deux notions :

Premièrement : toujours dire les choses telles que je les sentais, telles que je les pensais. Je reprendrai ce que disait Albert Londres : le truc consiste à mettre la plume sur la plaie, peu importe si cela fait plaisir ou non, et je suis comme ça.

Deuxièmement : le refus de la médiocrité. On commence à être médiocre lorsque l’on magouille ou maltraite la déontologie.

Ce sont les deux mamelles sur lesquelles je me suis appuyé pour avancer.  Et c’est pour cela que la politique ne m’a jamais intéressé autrement que sous l’aspect sociologique et science politique, puisque la politique requiert précisément des gens capables de dire blanc le matin et noir le soir-même. Mon franc-parler ira à l’encontre de la ligne de conduite en rang d’un parti. Je ferais donc un très mauvais militant.

Que peut-on vous souhaiter de plus pour les 5 prochaines années ?

La santé. C’est ce qui reste le baromètre absolu de l’Homme. Le reste importe peu. Aujourd’hui, j’apprends avec beaucoup d’application la paresse.

Si je vous dis le mot ROOTS…

Avoir dénommé un journal ROOTS était déjà une belle ingéniosité. On le parcourt avec beaucoup de plaisir car il y a la forme et le fond. Le fond, c’est ce qu’il y a dedans, qui donne la mesure de ce que nous sommes. La forme, car il y a de très belles photos, les hommes et femmes y sont magnifiquement mis en valeur.

Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof