BAMILÉKÉ : Les éléments clés d’une immense culture

Les Bamilékés représentent un groupe socio-culturel qui occupe les hautes terres de l’Ouest du Cameroun. Ils descendraient des Baladis partis de l’Egypte au IXe siècle et qui arrivèrent en région Tikar (région des Grassland au centre-ouest de l’actuel Cameroun) vers le milieu du XIIe siècle. Peuple dynamique et entreprenant, les Bamilékés vivent dans les zones montagneuses et constituent le groupe ethnique le plus important, d’un point de vue démographique, des Grasslands.

Chefferie du village Bandjoun

Chefferie du village Bandjoun

LES CHEFFERIES
Le Pays Bamiléké est constitué d’une mosaïque de petites et moyennes chefferies qui se sont formées par segmentation à partir de quelques chefferies de base. L’organisation sociopolitique est également centralisée. L’histoire du peuple Bamiléké a été marquée par plusieurs combats pour la défense de son autonomie et de son territoire et les chefferies ont joué un rôle clé dans la préservation de leur identité.
Une chefferie bamiléké est une sorte de mini état centralisé autour d’un chef puissant et jouissant d’un pouvoir de droit semi-divin. Le chef est un descendant de la dynastie fondatrice du village. Mais ce pouvoir est modéré par l’existence de sociétés secrètes.
On distingue les sociétés secrètes administratives comme le conseil des 9 (notables représentant chacun les pères fondateurs de la chefferie), des sociétés secrètes religieuses comme le conseil des 7 et les sociétés secrètes guerrières qui combattent les sorciers maléfiques totémiques.

Le La’akam
Cela signifie « Le village des notables ». Tout futur chef doit y séjourner avant son intronisation. Cette légitimité lui confère l’autorité de chef. Il devient ainsi le garant de la prospérité et de la survie de sa chefferie. Dans toutes les chefferies bamilékés, l’accession au trône se fait généralement de père en fils, les vœux du défunt roi quant à sa succession ne constituant pas pour autant un choix définitif. C’est le conseil des 7 qui définit le futur chef lors d’une grande cérémonie d’arrestation. Le conseil des 9, quant à lui, se charge d’assurer la formation du nouveau chef durant son séjour au La’akam. C’est un lieu de retraite où, pendant 9 semaines, le nouveau chef subit une formation en investiture et initiation aux mystères du royaume. Pendant ce temps, lui sont « présentées » plusieurs femmes qu’il est supposé – en principe – mettre enceintes. À la sortie du La’akam, le chef est nettoyé de toute sa vie passée. Paré de vêtements royaux, il est alors investi devant tout son peuple au milieu des danses et chants de joie.
Le choix du successeur se fait donc par le chef lui-même, avec l’aval du conseil des notables qui seront à même de dire, après avoir interrogé le futur, si tel enfant peut garder ou non un totem, un secret d’état et s’il est disposé à gouverner. Par ailleurs, le successeur et son adjoint doivent être des fils nés durant le règne du chef.

Roi des Bana, Sa Majesté Sikam Happi V

Roi des Bana, Sa Majesté Sikam Happi V

LE CULTE DES ANCÊTRES
Le peuple bamiléké, en plus d’être connu pour ses lieux sacrés, est aussi connu pour ses rites et pratiques comme par exemple le « culte des crânes » ou « culte des ancêtres ».
Chez les Bamilékés, les morts ne sont pas morts. En fait, ils sont dans un monde spirituel et, à partir de là, veillent sur leurs proches descendants qui sont encore sur Terre. Les ancêtres sont considérés comme des intermédiaires entre Dieu et les vivants. Ils sont profondément impliqués dans les affaires des vivants car ils sont les gardiens de la famille et agissent comme police invisible de la famille et de la communauté. Le culte des ancêtres est très vif. Les Bamilékés considérant que l’esprit d’un défunt se trouve dans son crâne, ce crâne sera alors déterré et sera gardé au côté des crânes de toute la famille dans une petite maison destinée à cet effet. Des offrandes sont faites au crâne qui sera consulté fréquemment par le successeur de la lignée, notamment lorsqu’une question difficile concernant la famille se pose. Les funérailles, qui se déroulent une ou plusieurs années après le décès, rythment la saison sèche et constituent de grandes fêtes hautes en couleur.

LES SYMBOLES ET RITES
Les symboles de culte et de prestige dans la tradition Bamiléké sont constitués par un ensemble de croyances et rites qui symbolisent toute l’importance que ce peuple accorde à la tradition. Parmi ces symboles, on distingue au rang des plus importants :

Le Ndop : étoffe de rassemblement
L’histoire nous dit que cette étoffe provient de la région de la Gamawa où les tisserands Tikar l’échangeaient contre la kola. Les couleurs bleues et blanches sont les tons dominants de ce tissu qui, pendant des années, ne se faisait qu’à la main et coûtait alors très cher. Il reste l’un des symboles les plus marquants des Bamilékés. Les cercles, les losanges et les lignes sont autant d’éléments qui donnent au ndop le prestige qui est le sien. Ces différentes figures symbolisent la solidarité, la stabilité, la fécondité et la prospérité. La modernité a permis sa vulgarisation, si bien qu’aujourd’hui il est devenu tissu d’ameublement, tissu d’apparat ou vêtement ordinaire, via de simples imprimés.

Le ndop

Le ndop

La queue de cheval
C’est l’accessoire privilégié dans les toutes les manifestations de joie dans le pays Bamiléké. Les couleurs les plus récurrentes sont le noir, le marron et le blanc. Pour rythmer la danse, la queue de cheval est joyeusement agitée par les femmes ou agitée comme une lance par les hommes. Auparavant, porter une queue de cheval était synonyme de bravoure. Aujourd’hui, le faire relève tout simplement du bon goût. L’usage de la queue de cheval en pays Bamiléké lors de grandes manifestations est synonyme de victoire. C’est ainsi que, lors des funéraires, on le brandit en signe de victoire sur la mort, puisque dans la tradition Bamiléké la mort est juste le passage d’un monde à un autre. Elle symbolise aussi le pouvoir, la notabilité et le prestige, d’où sa présence pendant les danses des sociétés secrètes, les événements culturels ou encore l’intronisation d’un nouveau chef.

Le Ndinndim : Graine de bénédiction
Cette graine noire est le compagnon de protection de toute personne qui entame une mission périlleuse. Ainsi, une gousse entière dans son sac tient lieu de blindage. Dans la tradition, ces graines se mangent en chiffre impair, à l’exception des jumeaux et jumelles qui les consomment en chiffre pair.

Le ndinndim

Le ndinndim

Le Nkeng : Arbre de paix
En pays Bamiléké, la reine des plantes est partout. Sa présence à l’extérieur des maisons est non seulement signe de paix, mais témoigne aussi du fait que vous êtes devant une concession bamiléké. À l’intérieur de la maison, il sert de décoration. Le nkeng est également présent dans toutes les cérémonies. Il incarne la paix dont tout un chacun a besoin. Autrefois, brandir l’arbre de la paix était signe de reddition et de négociation. De nos jours, le brandir à celui avec qui on a un différent signifie que l’on demande l’apaisement. Il est également présenté à chaque fois qu’il y a une naissance de jumeaux dans la communauté et lors de l’intronisation des chefs. Enfin, il sera parfois jeté dans la tombe du défunt pour éloigner les esprits.

Le nkeng

Le nkeng

SPIRITUALITÉ ET LIEUX SACRÉS
Les croyances bamilékés traditionnelles sont toujours très vives. Les Bamilékés croient en l’existence d’un Être suprême appelé « Si » ainsi qu’en de nombreux esprits à portée limitée.
Dans la spiritualité bamiléké, l’être humain est considéré comme étant double dans sa constitution. D’un côté, il est physique, visible et, de l’autre côté, il est âme spirituelle et invisible. Les lieux sacrés sont ceux consacrés à Dieu. Le lieu où on va méditer et prier le Si (Être suprême) permet aux Bamilékés d’être en relation directe avec lui.
Ces lieux sacrés sont choisis à partir des oracles et des révélations reçues par les différents guérisseurs et médiums. Il peut s’agir par exemple des forêts ou de la case des ancêtres.
Dans le pays Bamiléké, l’un des signes qui montrent au voyageur qu’il est aux abords du palais royal ou de la concession d’un grand notable, c’est souvent une immense forêt manifestement bien entretenue. Le lieu sacré sert aussi pour les sacrifices. Cette forêt sacrée est donc un lieu de culte et les totems des chefs et des notables sont réputés s’y cacher. Aussi, c’est dans ses forêts que les guérisseurs vont cueillir les plantes et les herbes pour la médecine traditionnelle. Les forêts deviennent alors le siège des esprits du village.

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UNE SOCIÉTÉ ÉLITISTE
La société bamiléké est élitiste mais aussi solidaire. La réussite personnelle est encouragée et récompensée par des titres de notabilité au sein de la chefferie.

LANGUES & ORIGINE DU NOM
Aujourd’hui, on dénombre chez les Bamilékés 5 grands groupes linguistiques proches les uns des autres et subdivisionnés en une vingtaine de sous-groupes :
– Le Ghom’a-lah (Grande Mifi)
– Le Medumba (Ndé)
– Le Yemba (Menoua)
– Le Ngombaa (Bamboutos)
– Le Féfé (Haut-Kam)
Les noms de famille définissent l’origine du groupement.
Quant aux origines du mot Bamiléké, elles restent mitigées selon les différents clans.
Datant de l’époque coloniale, la première hypothèse voudrait que tout cela soit parti d’une erreur de prononciation par l’interprète et du terme « Baboté Ba Léké » qui signifierait
« Porteur des masques ». La 2ème hypothèse voudrait que cela provienne de la langue Foto et de l’expression « Pe Me Leke » et qui signifie « Habitants des montagnes ».

Par Michael Kamdem
Édition ROOTS Afrique Centrale