HAMMADOUN SIDIBÉ / QUAI 54 : LA SUCCESS STORY

Retour sur le parcours de l’initiateur du plus grand évènement de street basketball au monde : Le QUAI 54
Son ascension fulgurante, les remous de cette année… Hammadoun Sidibé ne se défile pas et nous répond en toute sincérité.

Contrôle d’identité, s’il vous plait ?
Hammadoun Sidibé. D’origine malienne et guinéenne, j’aurais 40 ans cette année. Actuellement, j’habite dans le 94 à Choisy-le-roi, là où j’ai grandi. Je suis organisateur du Quai 54, un événement de streetball à Paris.

Ton parcours…
À l’issue d’un bac ES, j’ai intégré la faculté de Créteil et ce jusqu’à la licence que je n’ai pas eu. Par la suite, j’ai travaillé trois années chez « Banque Direct », une filiale de la BNP puis j’ai été employé chez « Paris Expo », une boite d’évènementiel dans laquelle j’étais acheteur. Professionnellement, tout se déroulait très bien. Mais un jour j’en ai eu marre. J’étais malheureux, j’avais beaucoup de mal à supporter la hiérarchie et je me suis vite rendu compte que je ne faisais pas ce qui me plaisait.

À la base, tu étais un amoureux du basket ?
Je suis toujours un amoureux du basket, d’ailleurs j’y joue jusqu’aujourd’hui. Je me demandais vraiment ce que je pouvais apporter à la sphère du basket existante en France, à l’époque. Ayant ce problème avec les hiérarchies, être basketteur comme la plupart de mes potes ou devenir agent ne me correspondait pas. Cependant, il fallait que je retrouve cette énergie liée au sport, au basket. Pour être honnête, quand j’ai commencé le Quai 54, ce n’était pas un évènement mais plus un tournoi entre potes.

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Donc au départ tu n’avais pas cette vision business ? Quel en a été l’élément déclencheur ?
Non, pas au départ. À l’époque, les marques comme Adidas et Nike sponsorisaient des tournois de basket auxquels les jeunes par- ticipaient en masse. Avec le déclin de la discipline en France, ces dernières ont mis un terme à leurs opérations marketing. Je me suis donc dit que nous pouvions, nous jeunes, organiser notre propre tournoi. Entre temps, j’ai collaboré avec Nike sur un événement hors contrat, le Battle Ground, mais ce n’était pas ce que je recherchais. Après quoi, j’ai lancé mon événement en 2003. Grâce au bouche à oreille nous avons rassemblé près de 160 joueurs pour 1000 spectateurs. On a donc compris que les gens étaient en attente de quelque chose. Le jour du premier événement, tout était spontané, c’était facile. Comme je suis un peu dans le milieu de la musique et ayant grandi avec la Mafia K’1fry, mon frère Mokobé m’a dit « vas-y passe moi le micro » pour rigoler et tout s’est fait naturellement, il n’y avait rien de calculé. L’ambiance que l’on perçoit aujourd’hui n’est que la suite de ce qui s’est passé la première fois. Nous avons juste ajouté une touche professionnelle.

Et donc, c’est là que tu as décidé d’en faire une récurrence, année par année ?
Oui. Après le premier événement, on m’a réclamé une deuxième édition, j’ai donc recommencé en 2004. Ensuite, pour ne pas tourner en rond, j’ai pensé qu’il fallait un peu changer les choses. Comme depuis tout jeune je vais aux États–Unis, j’ai pensé au basket américain. De plus, mon associé Thibault de Longeville avait un contact avec l’équipe de Fat Joe, le boss de New-York à l’époque. Au début, je n’y croyais pas. Mais les gars de Terror Squad (l’équipe de Fat Joe) nous ont finalement rejoint et le streetball Newyorkais n’a pas su battre les Français ! J’ai donc surfé sur ce buzz. Nous avons continué dans cette dynamique, plusieurs équipes nous ont contacté et le tournoi a pris une dimension internationale.

Le tournant du Quai 54 est donc le moment où l’équipe de Fat Joe est arrivée ?
Le Quai 54 a eu plusieurs tournants mais je dirai qu’il en a eu quatre ou cinq importants. Premièrement, la venue de Terror Squad a suscité un vif intérêt autour de l’évènement. Par la suite, les évènements se sont déroulés dans les quartiers chics de Paris comme le Palais de Tokyo ou le Trocadéro et non plus dans le treizième arrondissement. Et là, c’est un vrai tournant, on commence à te montrer du respect… Vous savez, beaucoup de jeunes ont une vision très négative de la France, mais j’en ai une toute autre. Quand les choses sont bien menées et carrées, on te fera confiance ! Le troisième tournant a été la signature avec Michael Jordan en 2006. Le quatrième fut la première fois que des artistes comme Usher et Ludacris sont venus sur le Quai 54.

Aujourd’hui, en 2015 et avec un peu de recul, on peut parler d’une belle « success story » pour le Quai 54. J’imagine que tout n’as pas été forcément rose… Quelles ont été les difficultés auxquelles tu as été confronté tout au long de ton parcours ?
La première difficulté a d’abord été de convaincre les gens que le Quai 54 était un événement pouvant vivre en France et pas seule- ment aux États-Unis. Ensuite, il faut constamment rester « à la page ». Malgré mon âge, si je discute avec un jeune, on va parler de Meek Mill, de Rick Ross… Et je vais t’allumer mon petit, je vais t’expliquer que moi aussi je connais ! (Rires). Il faut rester jeune dans le mental, con- tinuer à côtoyer les nouvelles générations, cela fait partie du métier. Il y a aussi la difficulté de savoir contrôler ce qui se passe autour de soi, donc il faut bien s’entourer. Mais en toute honnêteté, la plus grosse difficulté… Je l’ai rencontré cette année ! Le Quai 54 a dépassé ce que je pensais, ce n’était plus l’évènement que j’organisais à Porte de Charenton. Je n’ai pas anticipé la folie et l’engouement qu’il y a eu autour de l’événement, mais surtout je n’ai pas vu venir l’énorme vague de ce jeune public qui est arrivé cette année.

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Au départ, le Quai 54 était un évènement de puristes, pour les amoureux du basket. On se demande si ce n’est pas devenu un évènement mondain, très parisien, où les gens viennent pour se montrer ?
Moi je n’ai pas de problème avec ça. Bien sûr que tous ces ingrédients font partie du Quai 54, mais la base reste le basketball. Il y a tout de même 16 matchs lors de ce week end et qu’on le veuille ou non, l’élément central reste le playground et les matchs de basket ! Ensuite, il faut bien comprendre que je n’ai pas fait cet événement pour les puristes, je l’ai fait pour développer le basket, ce sont deux choses différentes. Si le Quai avait été destiné aux puristes, j’aurais fait comme certains rappeurs qui veulent rester en mode oldschool et refusent de faire du commercial. Chacun a le droit d’avoir sa vision des choses et je pense que si le Quai 54 ne s’arrêtait qu’au basket, toi (Michael Kamdem, directeur de publication) et moi ne serions même pas en train de parler de cela ensemble, aujourd’hui. Mais pour être honnête, le Quai 54 c’est très politique. Je voulais montrer que des gens comme nous pouvions aussi faire des choses, en grand et avec la manière ! À partir de l’année prochaine, le Quai 54 sera payant, car on est arrivé au maximum de la gratuité afin d’accueillir les gens dans de meilleures conditions. Viendront dorénavant que ceux qui sont vraiment intéressés.

Il y a eu beaucoup de polémiques sur le fait que Michael Jordan ne se soit pas présenté cette année. L’as-tu pris comme une déception ou un échec personnel ?
Tu sais, j’ai beaucoup de recul et je suis aussi croyant. La réalité des choses est que je l’attendais surtout pour le plaisir que cela procurerait aux gens et pour montrer aux jeunes que tout est pos- sible. Me concernant, Jordan, je le vois chaque année, je suis invité à son anniversaire… Donc ce n’était vraiment pas un caprice person- nel. Je comprends la déception des gens mais Michael Jordan est un personnage très occupé et surprotégé, autant qu’un chef d’état. Je ne peux pas l’obliger à venir au Quai 54. Personnellement, ce qui m’importe est le symbole, nous avons la validation de Michael Jordan depuis bien longtemps et je sais que si il est venu à Paris, c’est spécialement pour le Quai 54. Malheureusement, les soucis de sécurité ont rendu les choses impossibles. Enfin, il faut bien garder à l’esprit que Le Quai 54 n’a jamais communiqué sur le fait que Michael Jordan serait là, le staff était au courant mais jamais l’information n’a été diffusée. Maintenant, il n’est pas mort, il ne faut pas désespéré et il sera donc invité une prochaine fois.

Si tu avais des conseils à donner à des lecteurs et jeunes entrepreneurs, lesquels seraient-ils ?
Première chose, je dirais de bien s’entourer, parce que dans l’entrepreneuriat les gens ont beaucoup d’égo. J’ai eu la chance de rencontrer des gens sur mon chemin qui m’ont beaucoup aidé, qui m’ont fait grandir, notamment Thibault De Longeville avec qui j’ai développé l’événement et Said El Ouardi qui est mon bras droit.

Si je te dis le mot « ROOTS » qu’est ce que ça t’évoque ?
Le mot qui me vient à l’esprit en premier est “authenticité”.

Édition : ROOTS n°15