JOSEPHINE GARRICK : Fondatrice de WE EXPORT

« WE EXPORT est une marketplace connectant les fournisseurs africains et caribéens aux acheteurs internationaux. »

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Josephine Madina Olabisi Thiecou GARRICK, Sénégalaise et très fière de l’être ! Je suis actuellement Business Process Manager pour un grand groupe industriel français. J’ai également repris mes activités entrepreneuriales au second semestre 2020 et j’ai lancé la plateforme WE EXPORT avec une équipe de passionnés.

Revenons sur votre parcours.
Je suis née et j’ai grandi au Sénégal dans une belle famille de 5 enfants. Au vu de mes prénoms, vous pouvez sans aucun doute percevoir le poids de l’histoire et la fierté de mes parents de nous transmettre ce riche héritage culturel !
Très tôt, nous avons eu la chance de parcourir le monde et cette passion pour les voyages m’a permis d’avoir une réelle ouverture d’esprit, de relativiser mon existence et surtout de rêver grand !
Après l’obtention de mon BAC, je quitte le Sénégal pour intégrer une faculté de médecine en France. Après 2 ans, je réalise qu’il y a un décalage entre mes aspirations professionnelles et la voie choisie pour y arriver. En effet, j’ai toujours voulu gérer des missions humanitaires d’urgence, mais plus sur les volets organisationnels et financiers que médicaux. Je décide donc d’arrêter mes études de médecine et d’intégrer une école Supérieure de Commerce qui proposait une spécialité Management de projets humanitaires / Gestion de crise. J’ai également eu la chance de faire une spécialité achats et négociation internationale au Tec de Monterrey de Mexico DF.
Ma famille n’a pas tout de suite compris mes choix mais je me suis accrochée en me fixant des objectifs et en prenant mes responsabilités pour mes frais de scolarité. J’ai enchaîné des fois jusqu’à 3 petits boulots pour faire face. Cette période a été très dure mais très formatrice pour moi. Je n’avais pas droit à l’échec.Je me suis forgée un tempérament à toute épreuve, un véritable bouclier avec déjà de grandes ambitions.
En décembre 2004, alors que je faisais un stage au sein de la direction d’une grande ONG internationale, j’ai eu la chance (ou la malchance) de vivre de l’intérieur l’organisation de l’aide internationale pour le tsunami de 2004 dans l’océan Indien. J’ai eu l’occasion de découvrir la face très sombre des ONGs et de l’aide internationale… Cette expérience m’a bouleversée et a marqué un grand tournant dans ma vie. Je n’aspirais pas à être un requin déguisé en dauphin (lol)!
A partir de ce moment, j’ai bâti une véritable stratégie avec comme ambition d’aider les plus fragiles à se développer à travers le business. Je décidais de faire du Fair Business mais il fallait que je sache comment marchait la “Matrice”!
En 2008, après mes études, j’intègre une des directions du Groupe leader ultramarin en Guadeloupe et encore une fois, chance ou malchance, je vis de l’intérieur les événements du LKP contre la vie chère… Mon combat commence alors. Après avoir acquis compétences et expériences, je m’engage définitivement auprès des entrepreneurs pour valoriser le savoir-faire et l’excellence caribéenne à travers le monde.
Neuf ans plus tard, je décide de revenir en métropole pour continuer à développer mes activités tournées vers l’international et réussir à créer de véritables ponts entre l’Afrique et la Caraïbe.

« Nous devons nous battre et agir pour changer le système en mettant en place des stratégies et des actions concrètes, rigoureuses et structurées. »

Comment décririez-vous votre mindset ? Et pourquoi s’être lancée dans cette aventure entrepreneuriale ?
Vous savez, encore aujourd’hui, l’organisation des flux logistiques internationaux est similaire à celle du commerce triangulaire. En d’autres termes, dans le jargon, nous appelons cela Third-Country. Je m’explique. Aujourd’hui, si vous souhaitez envoyer de la marchandise du Sénégal à la Guadeloupe, vous êtes obligés de passer par la France. Vous êtes en Guadeloupe et vous souhaitez envoyer de la marchandise aux Etats-Unis, 9 fois sur 10, l’itinéraire proposé vous fera passer par le port du Havre ou d’Anvers. Pour finir, si vous voulez envoyer de la marchandise d’Abidjan à Dakar, en faisant un Abijan-Paris / Paris-Dakar cela vous coûtera deux fois moins cher. Absurde! et il faut que tout cela change !
Aussi, l’un des puissants leviers de développement économique est l’industrialisation de nos régions qui garantit la préservation de la valeur ajoutée au profit de nos économies. Je milite donc pour pousser les producteurs, les designers à transformer nos matières premières dans leur pays d’origine car cela est un réel vecteur de créations d’emplois et de richesses.
Après avoir parcouru une bonne partie du monde, j’ai conscience de l’énorme potentiel des économies africaines et caribéennes et de la qualité des produits que nous pouvons offrir au monde. Mon objectif est également de multiplier les échanges entre la Caraibe et l’Afrique. Car, en créant de réels ponts entre les deux continents, nous pourrions multiplier les transactions commerciales, montrer de quoi nous sommes capables et nous asseoir à la table de négociations enfin équitables. Nous devons nous battre et agir pour changer le système en mettant en place des stratégies et des actions concrètes, rigoureuses et structurées.

Qu’est-ce que We Export ?
WE EXPORT (we-export.com) est une marketplace connectant les fournisseurs africains et caribéens aux acheteurs internationaux. Notre objectif est de faciliter les échanges commerciaux BtoB (Sud / Nord) tout en sécurisant les transactions financières et en assurant une traçabilité des commandes. En mettant en place des process pointus de compliance et de contrôles qualité, nous instaurons un climat de confiance pour qu’un acheteur international soit rassuré de passer une commande en direct avec un fournisseur africain ou caribéen. Nous nous attaquons également aux problématiques de faible bancarisation et de paiements dont souffrent nos marchés quand il s’agit de payer un fournisseur en Afrique ou dans un pays de la Caraïbe.
Enfin, quand vous faites une recherche sur Internet “export Afrique’’, les moteurs ne remontent que des sociétés occidentales qui veulent exporter vers l’Afrique. Nous souhaitons, mon équipe et moi, inverser cette fâcheuse tendance en mettant en lumière cette grande communauté d’exportateurs.

A qui s’adresse cette plateforme et quelle est votre vision à 5 ans ?
Cette marketplace s’adresse aux professionnels. Les acheteurs ciblés sont ceux de la grande distribution et de la distribution sélective (épicerie fine, concept stores, Café Hotel Restaurant). Nous visons également le commerce intracontinental qui représente aujourd’hui un trop faible pourcentage des échanges économiques (ex: 18% seulement en Afrique).
Il est temps de dépoussiérer et d’apporter de réelles innovations dans le secteur du commerce international qui apparaît comme un véritable casse-tête. Notre objectif est de devenir le leader de la digitalisation de l’export qui est un réel levier de croissance et de développement économique.

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Revenons à vos racines. Que représente le Sénégal et y avez-vous des projets d’actions ?
Comme je le disais à l’entame de notre entretien, je suis très fière d’être Sénégalaise et je tente de porter haut les couleurs de mon pays au quotidien. Je suis très attachée à nos valeurs, à notre culture et à notre gastronomie!
Nous allons prochainement ouvrir un bureau We Export au Sénégal.
J’ai commencé à y investir et j’ai plusieurs projets économiques que je projette de mettre en place à moyen terme. On en reparle pour les 15 ans de ROOTS !

Une édition des 10 ans spéciale “Boss Ladies”, un message à adresser aux femmes ?
La pandémie du COVID-19 a démontré notre capacité de résilience. Cette crise a rebattu les cartes. C’est une réelle opportunité de réinventer nos économies.C’est le moment de bouger les pions et de prendre nos positions dans le jeu. So let’s go Queens, we can change the system! Ensemble faisons rayonner la “Black Excellence”.

Si je vous dis le mot « Roots », vous me répondez ?
TRANSMISSION !