B-GUINÉA : La coqueluche du web

Son envie de monter sur scène, son rêve de cinéma, B-Guinéa se livre sur son parcours et sur ces objectifs à courts et moyens termes.

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Je m’appelle Fatoumata, plus connue sous le nom de “B-Guinéa” sur les réseaux, j’ai 23 ans, j’habite en Seine-Saint-Denis et je suis comédienne.

Comment s’est construite la comédienne B-Guinea ?

Je suis passée par pas mal de choses, ça a commencé très tôt, dès l’âge de huit ans. Je m’amusais à rassembler mes camarades d’école pour faire des petites blagues : j’imitais mes parents, mes amis, les maîtres et même les surveillants de cantine. Tout le monde était mort de rire ! En arrivant au collège, période où tout le monde se découvre, je pratiquais l’autodérision. Je ne me trouvais pas belle à ce moment-là, je n’avais pas confiance en moi, mais je me moquais de moi-même ! Le fait de pouvoir dire tout haut ce que les gens pensent tout bas, tout en faisant rire, je me suis dis : pourquoi ne pas monter sur scène un jour ? Je n’ai pas trouvé le courage parce que mes parents ne le voulaient pas, ils ont étudié toute leur vie et partaient du principe que tous leurs enfants devaient étudier et se concentrer uniquement sur l’école. Ma sœur a fait du droit, mes frères ont fait de la finance et moi j’ai dû me résoudre à faire du commerce et du marketing. J’ai commencé à faire du théâtre dès que je suis entrée en CFA, après le Bac. J’ai débuté dans une première pièce, Un fil à la patte de Georges Feydeau, en jouant Bouzin, à l’Odéon. Ensuite, j’ai continué avec le Bourgeois gentilhomme (Molière), Roméo et Juliette (Shakespeare), La Nuit des rois (Thomas Ostermeier)… J’ai fait tout genre de pièces, comiques et dramatiques, qui envoyaient des messages forts. Puis, je me suis arrêtée. Par la suite, j’ai réalisé des vidéos avec Tonio life (youtuber) qui me trouvait drôle et me proposa d’en faire. On a eu une alchimie immédiate, on s’est super bien entendus, c’est quelqu’un que j’apprécie énormément. J’ai pris du temps avant de faire des vidéos seule parce que j’allais encore à l’école, j’étais dans l’optique où il me fallait mon Bac+5 sinon je n’allais pas y arriver. À ce moment, ma famille m’a beaucoup soutenue et poussée à me lancer sur Instagram en me disant : « Pourquoi ne leur apporterais-tu pas cette touche de rire qui manque peut-être aux gens, cette touche féminine dans l’humour ? ». On peut voir que la plupart des « grosses têtes » sont des hommes: Tonio Life, JayMax VI, Noah Lunsi, Docteur Idéologie en Belgique et j’en passe. Il y a quelques femmes, je pense à Vanessa Caixeiro ou Tata Oscarine, mais ce n’est pas exactement le registre pur de l’humour. Ma famille m’a alors mise à disposition une caméra, ainsi que des gens pour me filmer et monter mes vidéos. Au départ, j’avais très peur. J’ai pris trois mois avant de tourner la première vidéo et quelques jours avant de la publier ! Une fois diffusée, j’ai cumulé 200 000 vues en peu de temps, je ne m’attendais pas à autant de succès ! Cette année, j’ai donc décidé de faire une année blanche et de vivre de ce que j’aime vraiment. Par la grâce de Dieu, ce que je fais marche et je ressens un réel plaisir à faire rire les gens. Je me dis qu’on est dans une période dans laquelle on vit tellement de choses dramatiques comme les attentats, la famine au Yémen ou les meurtres qui se perpétuent en Afrique… Le fait que quelqu’un puisse prendre son téléphone et s’évader dans le rire pendant une minute, c’est déjà énorme !

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Quel a été l’élément déclencheur pour que votre notoriété explose ? Et comment la vivez-vous ?

C’est ma mère ! Il faut savoir que ma mère est extrêmement drôle et très spontanée ! (rires). J’adore « emmerder » ma mère, c’est mon truc préféré, alors je me suis dit : pourquoi ne pas la filmer à son insu ? Cela fait 55 ans qu’elle va aux Etats-Unis et ne parle toujours pas anglais. Puis moi, j’arrive et je lui dis quelque chose en anglais et elle réplique de façon trop drôle. La vidéo a tournée, j’étais choquée et elle aussi ! Mes vidéos marchaient avant, mais celle-ci elle m’a vraiment propulsée. Je ne montre pas le visage de ma mère sur les réseaux, mais j’ai compris que j’avais vraiment du succès lorsqu’elle est partie à une soirée guinéenne et que les gens ont reconnu sa voix ! Ils disaient « Ah mais c’est la mère de Fatou ! » et, ce jour-là, ils se sont super bien occupés d’elle. Elle a été tellement touchée qu’elle a ensuite remercié les gens sur mon Snap, toujours sans montrer son visage. Du coup, j’ai continué à la filmer spontanément, sauf que maintenant elle s’y attend un peu, donc c’est moins drôle (rires). Ensuite, j’ai commencé à recevoir des messages d’encouragements de personnalités comme Végédream ou MHD qui me repostent (partagent) régulièrement et commentent mes posts.

Dans toutes mes vidéos, il y a un message, surtout dans celles avec ma mère : la complicité avec ses parents. Quand il n’y aura plus rien, ni Snapchat, Instagram et j’en passe, ma mère sera toujours là, me soutiendra et me fera toujours rire. 77% de ma communauté de followers est féminine, je veux leur transmettre le message qu’on est fortes, indépendantes et qu’on peut faire rire quoi qu’il arrive.

Quels sont vos défis pour 2019 ?

Monter sur scène. Avoir le courage de monter devant les gens, prendre le micro et tout lâcher ! Ils prennent, c’est cool, ils prennent pas, c’est chaud (rires). Blague à part, ce serait un vrai rêve qui se réaliserait.

Que représente la Guinée pour vous ?

De base, je suis Française, je suis née ici, j’ai grandi ici, je ne connais que la France. Mais, la Guinée représente beaucoup parce que c’est le pays de mes parents. Très tôt, ils m’ont inculqué les valeurs de mon pays, ils tenaient à parler la langue à la maison et me l’ont enseignée, bien qu’ils parlent très bien français. Depuis petite, je mange les plats de chez nous, que j’adore d’ailleurs ! Le fait d’y être allée durant deux mois, d’avoir vu certaines choses, me conforte dans le fait que les gens comptent sur nous, comptent sur moi. Je le vois également dans les messages que je reçois, je ne peux pas répondre à tout le monde mais je sais qu’ils comptent sur moi pour représenter la Guinée. Ils me soutiennent constamment et me rappellent qu’il n’y a pas beaucoup d’icônes guinéennes en France. À part peut-être MHD ou Black M dans la musique, il n’y a pas de comédiens qui « cassent » tout. On avait Moussa Koffoe, à l’époque, mais aujourd’hui il n’y en a pas. Cela m’a rapprochée de mon pays et poussée à me renseigner, à savoir qui on était vraiment. Je me suis rendue compte qu’on est un peuple très courageux ayant traversé de nombreuses épreuves. C’est pour cela que je m’appelle B-Guinéa, pour que les gens sachent que je suis Guinéenne et porter haut les couleurs de ce fabuleux pays.

Si vous aviez un message à faire passer à la jeunesse guinéenne ?

Allez à l’école. Il faut s’accrocher, serrer les dents et ne jamais lâcher ses rêves. Il faut toujours croire en ce que l’on veut parce que, si c’est fait pour nous, le bon Dieu fera en sorte que cela se réalise.

Si je vous dis le mot ROOTS, cela vous évoque quoi ?

C’est un vrai honneur et un plaisir d’être interviewée par vous aujourd’hui. Bien avant que j’ai des followers, je vous suivais, je vous connaissais et je me disais « wow ! ». Même si ce sont des Noirs qui vous poussent, il y a de tout qui vous lit : Blancs, Asiatiques, Maghrébins… et j’ai pu le constater dans mon entourage. Selon moi, le fait que vous arriviez à rassembler toutes les communautés africaines, vous avez gagné ! Et vous devez continuer dans cette voie !

Édition ROOTS n°21 – Spécial Mandé