Classée au patrimoine de l’Unesco depuis 1980, la basse vallée de l’Omo, au sud-est de l’Éthiopie, abrite 200 000 indigènes, répartis en huit ethnies, dont la survie est menacée. Reportage.
Au carrefour des frontières de l’Éthiopie avec le sud Soudan et le Kenya se situe la vallée de l’Omo. Cette rivière prend sa source au sud-ouest de la capitale, Addis- Abeba, et s’étend sur plus de 700 kilomètres. Elle se jette ensuite dans le lac Turkana par un delta. Ces peuples en dépendent étroitement. Durant des siècles, ils se sont adaptés à cet environnement, aux conditions climatiques difficiles et imprévisibles, caractéristiques de cette région semi-aride.
Rituels ancestraux et conflits interethniques
Les Bodi (Me’en), les Daasanach, les Kara (ou Karo), les Kwegu (ou Muguji), les Mursi et les Nyangatom vivent le long de l’Omo. La crue annuelle de la rivière alimente la biodiversité et leur garantit une sécurité alimentaire lorsque les précipitations se font rares. Ils pratiquent ainsi une agriculture « de décrue », en utilisant le limon déposé sur les berges du fleuve, ainsi qu’une agriculture pluviale et itinérante, produisant du maïs, des haricots et du sorgho. Le bétail joue également un rôle essentiel dans le mode de vie de la plupart de ces peuples.
Un réseau d’alliances interethniques s’est développé avec d’autres ethnies vivant plus loin (Hamar, Chai, Turkana), pour leur faciliter l’accès aux plaines inondées, en particulier en période de famine. Malgré cette coopération, des conflits éclatent périodiquement : le gouvernement s’étant accaparé de plus en plus de terres indigènes, la compétition pour les ressources s’est intensifiée.
Un barrage aux effets dévastateurs
Les populations de la vallée jouissent de moins en moins de ce territoire. Deux parcs nationaux, créés dans les années 1960 et 1970, les empêchent notamment de disposer de ressources es- sentielles à leur survie. Et comble de l’ironie, si les touristes peu- vent y chasser le gibier, les résidants indigènes, eux, n’en ont pas le droit.
Par ailleurs, Alemayehu Tegenu, le ministre éthiopien de l’eau et de l’énergie, a annoncé que le controversé barrage hydroélectrique Gilgel Gibe III démarrera sa production d’énergie après la saison des pluies, qui s’achève au mois d’août. L’énergie produite par le barrage sera destinée à l’alimentation du secteur industriel et à l’exportation. Mais ce dernier coupera la partie sud-ouest de la vallée l’Omo de tout accès à l’eau et mettra en péril le quotidien des peuples ancestraux.
Par Ekia Badou
Édition : ROOTS n°15
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