TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS : Les soldats de l’ombre

Longtemps méconnus, ces héros que Léopold Sédar Senghor appelait ses « frères obscurs », formaient un corps de militaires dans l’Empire colonial français en 1857. C’est au Sénégal que s’est constitué le premier régiment de soldats africains, à l’initiative de Faidherbe. Cette primeur dans le temps explique pourquoi l’Histoire n’a retenu que les Sénégalais, alors que les tirailleurs venaient en réalité de différents pays d’Afrique sub-saharienne.

L’origine de l’expression « Tirailleurs » :

Le terme apparaît fin XVIIe – début XVIIIe siècle.
La légende raconte que lorsque l’on demandait aux tout premiers soldats des troupes coloniales françaises de tirer ici ou là, bien souvent ils tiraient ailleurs, d’où « Les Tirailleurs».

Qui sont-ils ?

Avant d’être des soldats, ce sont des hommes d’une très grande dignité qui ont combattu lors de la Première et Seconde Guerre Mondiale aux côtés de la France. Au départ, s’effectue un processus de recrutement forcé, il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour qu’ils deviennent volontaires. À la Libération, la France ne leur accorda que de maigres droits et gela leurs pensions. Certains sont retournés au Pays, d’autres sont restés en France… Ils demeurent néanmoins quelques temps des oubliés de l’Histoire.

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Durant la Première Guerre Mondiale

De 1914 à 1918, près de 170 000 hommes, recrutés en Afrique Occidentale Française (AOF) ont combattu au sein de l’armée française et dans les Balkans. Communément appelées « la force noire », les unités de troupes africaines ont contribué à la bataille contre les troupes allemandes, bulgares et turques.

Durant la Seconde Guerre Mondiale

150 000 tirailleurs prennent part à la Seconde Guerre Mondiale pour défendre le drapeau tricolore. À l’issue des deux guerres, le retour des tirailleurs sénégalais est difficile, pour de multiples raisons mais notamment une : ils font face à la lenteur de la bureaucratie française. On rechigne à leur verser une pension ou une retraite. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, beaucoup de ces tirailleurs sont blessés et mutilés et ne bénéficient d’aucune prise en charge. Bien que leur salaire ait toujours été moindre que celui de leurs compagnons d’armes métropolitains, le sort semble s’acharner contre les tirailleurs lorsque le 26 décembre 1959 un décret bloque les retraites, pensions et allocations payées par l’État français. En 2001, le Conseil d’État condamne l’administration française car celle-ci pratiquerait « une différence de traitement entre les retraités en fonction de leur seule nationalité ». Ce n’est qu’en janvier 2007 que les tirailleurs sénégalais peuvent enfin bénéficier comme les soldats français d’une pension « normale ». Un moindre mal, dont beaucoup n’eurent le temps de pouvoir en profiter.

Toujours est-il qu’il convenait de saluer la mémoire de ces héros d’un autre temps, que l’Histoire a parfois eu tendance à minimiser, au mieux, négliger, au pire.

Par Fidievna Melouni Nkoulou

Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof