MOKOBÉ : Ambassadeur culturel du Mali en France

“ L’empire du Mali, c’est pas une petite blague. Ça n’a rien à envier aux récits de Napoléon, c’est du sérieux ! ”

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Traoré Mokobé, 42 ans, je suis d’origine malienne Soninké. Mes parents sont originaires de la région de Kayes. De par mon histoire et nos frontières, j’ai également des origines sénégalaises du côté du père et mauritaniennes du côté de la mère.

Vous êtes l’un des premiers ambassadeurs culturels du Mali en France. Que représente le Mali pour vous et qu’est-ce qui a fait que vous vous sentiez à ce point redevable de représenter le Mali, contrairement à d’autres rappeurs de votre génération ?

J’ai été éduqué dans cette culture et dans la tradition malienne. Comme tout le monde, étant petits, on rêvait des États-Unis. Ma première claque, je l’ai prise en 1991, quand j’ai fait mon premier voyage au Mali. Le Mali est entré à l’intérieur de mon cœur, c’est ma terre, mes racines. De là, il n’y avait plus de retour en arrière possible, dans ma tête tout était clair : mon cœur est devenu vert/jaune/rouge. Au fur et à mesure, j’ai enchaîné les voyages et je me suis toujours dit qu’à travers ma musique je devais valoriser le Mali. On a eu la chance, avec mon groupe 113, de vendre plus de 3 millions de disques, on a eu 2 Victoires de la Musique, on a eu énormément de récompenses, on a fait des concerts partout dans le monde et on aurait pu ne pas prendre le risque de vouloir représenter le pays des parents et des ancêtres. Pour moi, c’était important, cela me tenait à coeur de le faire. Le hasard fait bien les choses puisqu’il s’agit d’un numéro spécial Mali/Guinée, et mon premier morceau solo a été Tonton d’Afrique, il y a 19 ans, sur un sample de Sekouba Bambino. C’est un doyen de la musique guinéenne et je réalisais un rêve en faisant un duo avec lui. Dans ce morceau, je parlais justement du Mali.

Aujourd’hui, l’Afrique est devenue hype et le hip-hop français n’y échappe pas. Cette situation n’était pas du tout d’actualité au début des années 2000 alors pourquoi vous étiez-vous positionné sur ce créneau ?

Dans notre équipe, tout le monde pensait “kainfry”, mais on va dire que je voulais aller un peu plus en profondeur. À l’époque, c’était compliqué car, si un artiste rap voulait revendiquer ses origines africaines, c’était vu comme un risque pour les maisons de disque, un voyage vers l’inconnu. Du coup, quand je suis arrivé avec ce style qui mélangeait hip-hop et musique africaine, on m’a regardé  avec de gros yeux. J’avais envie de montrer au public français que l’Afrique est la base, le berceau de l’humanité, la terre mère, la source de tellement de courants musicaux, du jazz en passant par la soul et le hip-hop.

Si vous aviez un message à adresser à la diaspora malienne et aux Maliens ?

Notre histoire est tellement riche, c’est une fierté pour moi. Lorsque tu vois que Jay-Z parle de Mansa Moussa, un roi malien qui fut l’homme le plus riche de l’histoire de l’humanité… Pour moi, c’est toujours un réconfort même si on a tellement à faire. On a une vraie histoire. L’empire du Mali, c’est pas une petite blague. Ça n’a rien à envier aux récits de Napoléon, c’est du sérieux ! Je dirais à la jeunesse malienne d’être debout, de ne pas baisser les bras et surtout d’être fière de notre nation. Chacun doit essayer de faire en sorte d’apporter quelque chose au pays.  Pas seulement dans les mots, mais aussi dans les actes. C’est le plus important, c’est notre devoir, on ne va rien emporter dans nos tombes, si ce n’est que nos bonnes et nos mauvaises actions. En tant qu’être humain, artiste et leader d’opinion, il est important pour des personnes comme moi te tenir ce genre de messages.

Quels sont vos projets pour début 2019 ?

Début 2019, InshAllah, j’espère revenir avec un album. J’ai pris mon temps mais, Dieu merci, ce sera un gros album ! En parallèle, je me suis mis dans la restauration en créant une franchise de tacos : TacoShake. À l’heure où je te parle, on en est au 6ème restaurant. Je suis donc content de me dire qu’au-delà d’être un artiste, je peux aussi être un entrepreneur. Cela a beaucoup d’influence sur les gens qui nous suivent et je reçois de nombreux messages qui motivent. Il est important de souligner qu’il y a, dans la communauté, de plus en plus d’entrepreneurs, hommes et femmes, et c’est une bonne chose, ça fait plaisir.

Si je vous le mot ROOTS, cela vous évoque quoi ?

Cela me fait penser à Racines, à Kunta Kinté. Je suis d’une génération qui a été marquée, très jeune, par cette série et elle nous marque toujours parce que c’est notre histoire, malheureusement.

Édition ROOTS n°21 – Spécial Mandé

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