MARIAME TOURÉ : L’avocate au grand coeur

Contrairement aux idées reçues […] il y a énormément d’avocats noirs à Paris, notamment en droit des affaires, mais on ne les voit pas parce qu’ils ne plaident pas.

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Oui, oui, oui j’ai des papiers ne vous inquiétez pas (rires).
Je m’appelle Mariame Touré, la trentaine, Parisienne d’origine gambienne. Je suis avocate au barreau de Paris, j’ai mon propre cabinet dans le 8ème arrondissement de Paris.

On avait eu l’honneur de vous avoir dans les pages du ROOTS édition Djolof. Revenons rapidement sur votre parcours ?
J’ai toujours voulu être avocate. J’ai un parcours scolaire assez atypique. Après un Bac technologique, dans lequel on étudiait le droit et l’éco-droit, je me suis inscrite à la faculté de Paris VIII, j’ai validé un master en Droit des affaires avec M. Jérôme Bonard qui est un des ténors de la discipline. Ensuite une formation à l’IEJ (Institut d’études judiciaires) m’a permis d’intégrer l’école de formation du barreau pour décrocher mon C.A.P.A (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat). J’ai prêté serment à la Cour d’Appel de Paris et ouvert directement mon propre cabinet dans un bureau d’avocats indépendants, à la Madeleine, puis rue de Constantinople (75008 Paris). Le 13 février 2022, cela fera 5 ans que j’exerce la profession d’avocate.

Comment jugeriez-vous l’évolution de Maître Mariame Touré en 5 ans ?
Je suis partie de rien et je n’avais pas de dossiers. Pour tout vous dire, j’ai démarré avec une domiciliation grâce à une avocate d’expérience d’origine antillaise qui avait ses propres locaux place de la Madeleine. Aujourd’hui, j‘ai un bureau et commence à développer une véritable clientèle. J’ai gagné en assurance, en charisme et je vois chacune de mes audiences comme un combat de boxe. Depuis 5 ans, je me sens beaucoup mieux armée pour ces batailles judiciaires.

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Avez-vous conscience de faire partie d’une petite caste, tant les avocats noirs sont rares. Ressentez-vous un quelconque devoir de représentation ou pas du tout ?
Oui peut-être que nous sommes peu nombreux à exercer cette profession mais, contrairement aux idées reçues, j’ai envie de répondre qu’il y a plus d’avocats noirs qu’on ne pense, notamment en droit des affaires, mais on ne les voit pas parce qu’ils ne plaident pas souvent. Toutefois, cela commence réellement à évoluer, donc je ne me considère pas spécialement comme une exception. J’ai d’ailleurs des copines avocates qui exercent, au barreau de Paris, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis ou des Hauts-de-Seine.
Oui je me rends compte que je représente un peu notre communauté, involontairement, mais en restant très modeste et sans prétention.

Comment expliquer que votre trajectoire suscite toujours autant d’étonnement ou d’admiration ?
Je pars de loin. Ayant un parcours atypique, j’ai beaucoup travaillé autant pour obtenir mes diplômes que pour payer mes études. En effet, j’ai été assistante de justice et j’ai même travaillé dans un fast-food plusieurs années. J’avais conscience que ce n’était pas facile mais, avec de la passion, de la persévérance et de la volonté, tout le monde peut y arriver.

Il suffit de vous suivre sur vos réseaux sociaux pour voir que vous êtes une femme très engagée…
Je suis une femme qui déteste l’injustice, les discriminations ainsi que les violences… C’est la raison pour laquelle je me suis tournée vers le métier d’avocate. J’aime les gens, j’aime l’humain et je crois que ça se voit. Quand vous venez chez Mariame Touré, vous arrivez souvent avec des larmes mais repartez avec le sourire. J’essaye de dédramatiser des situations et d’accompagner au mieux mes clients.

Énormément de familles sont suivies par des juges pour enfants, eux-mêmes suivis par des éducateurs. Lorsque ça ne se passe pas bien, ces enfants vont être placés. […] Mais les parents, bien souvent, se retrouvent démunis car ils ne savent pas qu’ils ont droit de faire appel à un avocat.

Décrivez-nous une semaine type dans la vie de Mariame Touré ?
Aucune journée ne se ressemble et heureusement. Je suis toute seule à gérer mon cabinet, je reçois mes clients, je rédige des actes, je vais plaider au Tribunal ou je négocie des solutions concertées avec mes confrères. Depuis quelques temps, je fais appel à des stagiaires, j’ai des étudiants en master ou sciences po qui m’aident en échange d’une formation au métier d’avocat.

Quels genres de dossiers traitez-vous ?
Principalement, je traite des dossiers au pénal. Côté victime comme côté auteur. Pour ma part, je pense qu’il est important de faire les deux.
Hormis le pénal, je fais également pas mal de procédures en droit de la famille, c’est-à-dire tout ce qui est relatif aux divorces, pensions alimentaires, délégations d’autorité parentale etc…
J’interviens, en outre, dans les procédures d’assistance éducative. Il faut savoir qu’il y a énormément de familles qui sont suivies par des juges pour enfants. Les enfants dans le cadre de ces procédures sont eux suivis par des éducateurs. Lorsque la vie au sein du foyer ne se passe pas bien et qu’il y a des carences éducatives, ces enfants peuvent être placés, parfois même très longtemps. Les parents, dans la majeure partie des cas, se retrouvent démunis car souvent ils ne savent pas qu’ils ont le droit de faire appel à un avocat. Ils sont débordés par leur situation et très souvent abandonnent la procédure.
Enfin, je m’occupe aussi de tout ce qui est expulsion locative, les problèmes de baux d’habitation ou commerciaux. Je préconise de prendre un avocat avant l’expulsion mais, trop souvent, les gens viennent vous voir quand la maison « brûle » déjà et qu’ils se retrouvent dans des procédures qu’ils ne maîtrisent pas du tout.

Vous oeuvrez également dans l’associatif pour la protection des femmes…
Je fais partie d’une association qui s’appelle Lotus Community et qui vient en aide aux femmes victimes de violences conjugales. Nous les suivons du début jusqu’à la fin de la procédure. Je suis responsable du pôle juridique, j’aide les femmes à constituer un dossier d’aide juridictionnelle et je les assiste à toutes les audiences. Pour ces femmes qui ont subi des violences, il y a généralement plusieurs procédures, un dossier pénal ainsi qu’un dossier civil. Généralement, pour les femmes victimes de violences conjugales, nous allons constituer un dossier pour écarter le conjoint violent et saisir le J.A.F en urgence (juge aux affaires familiales) pour qu’il délivre une ordonnance de protection.

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Numéro spécial 10 ans avec pour thématique : La Black Excellence. Cela vous évoque quoi ?
Soyez passionné et vous deviendrez excellent.
Si j’avais un message en direction de vos lecteurs, je dirais que la vie est remplie d’opportunités et qu’il faut savoir sauter dans le train au bon moment. Il faut juste foncer !

Si je vous dis le mot “Roots”, vous me répondez…
Si la branche veut fleurir, qu’elle honore ses racines. Ce que je souhaite à ROOTS pour ses 10 ans est de continuer à nous faire briller et à nous inspirer !

Instagram : me.mariame.toure.avocat
Site web : www.mariametoure.com