DIÉTÉTIQUE ET CUISINE AFRICAINE SONT-ELLES ANTINOMIQUES ?

Souvent rangée au rayon de cuisine lourde et grasse, nous avons interrogé Alice Abeng, propriétaire du Massaï Mara, sur la problématique du Bio et de la Diététique dans la gastronomie subsaharienne.

Cuisine africaine, Bio et Diététique peuvent-ils aller de concert ?
Je me referre à mon pays d’origine, où même en cas de crise, chaque came- rounais a son lopin de terre pour cultiver lui-même ses aliments, notamment pour que cela coûte moins cher. Le seul engrais qu’ils utilisent est peut être le fumier et encore s’ils y pensent. Ça pousse, on arrache et on mange. Tout ceci pour vous dire que nous avons tous été élevé, dès la racines, par le bio ou des aliments sains : l’igname, etc. Ce qui fait peut être que l’Africain a cette force, cette faculté d’adaptation. Nous arrivons en France, dans une culture qui voudrait que tout soit fait vite, tout soit gros, tout soit beau. Dans mon restaurant, au Massai Mara, nous faisons l’effort d’aller nous approvisionner chez cette «maman», à Châtau Rouge, qui fait encore venir ses aliments du Cameroun, que ce soit le macabo ou la banane plantain.
Aujourdhui, nous nous adaptons au mode de vie des parisiens, de plus en plus soucieux de leur ligne. Hommes ou femmes, plus personne n’a envie de grossir. On va donc avoir tendance à mettre moins d’huile, ce qui ne dénature pas du tout le plat. Par exemple, un bon ndolé peut être fait sans utiliser d’huile, si ce n’est quelques gouttes pour faire revenir les oignons. Je pense donc que l’on peut allier cuisine africaine, bio et diététique.

Alors pourquoi cette image de la cuisine africaine comme l’une des plus grasses au monde ?
Tout simplement parcequ’elle est méconnue. Prenons l’exemple du mafé, ce plat avec sa sauce d’arachide. Chaque pays a sa propre façon de le cuisiner. Au Mali, il faut que la cacahouète ait sorti toute son huile pour le mafé soit prêt. Au Cameroun, à Yaoundé, ce sera une sauce ultra légère. Ma grand mère mettait de l’eau au feu, mettait un peu de pâte de cacahouète dedans, tournait le tout, cela donnait la couleur et le mafé
était prêt. «La cuisine africaine» n’existe pas, il s’agit de «la cuisine des pays d’Afrique». Chacun a sa propre façon de faire. Certains pensent qu’elle est grasse, lourde, sale et pire, alors que c’est faux! En Afrique, un dicton veut que «pour être propre, il faut laver les aliments». Ainsi, j’en connais même qui vont jusqu’à laver le poulet avec du savon!! Je pense que «les mquis» ont desservi la gastronomie d’Afrique, avec un accueil rude, des toilettes sales, de la médiocrité… Il n’y avait que les courageux pour y aller (rires).

La corrélation entre la cuisine africaine et les fessiers rebondis, est-ce donc un mythe ou une réalité ?
C’est la mode des fesses volumineuses, et beaucoup de femmes font des implants ou usent de crèmes pour avoir des fesses «d’africaine». Dites leur alors de stopper et de ne manger qu’africain, on verra si cela FONCTIONNE (RIRES).

Édition : ROOTS n°6