AÏTA MAGASSA : Fondatrice de Nawali Group

Nawali couvre 3 secteurs d’activité :
1. La vente de terrains contrôlés et sécurisés.
2. La construction de maisons individualisées et de petits immeubles.
3. Le financement…

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Aïta Magassa, j’ai 36 ans et j’habite à Cergy. Originaire de Mauritanie, je suis mariée à un homme d’origine gambienne et nous avons 4 enfants. Je suis la fondatrice de Nawali Group.

Quel est votre parcours professionnel jusqu’à la création de Nawali ?
J’ai une formation de BAC Pro Secrétariat. Ensuite, j’ai fait un BTS Assistante de Gestion de PME/PMI. J’ai fait cela en alternance et je travaillais, en même temps, dans une société de gestion de logements sociaux. Suite à cela, j’ai travaillé pour plusieurs groupes immobiliers sociaux. En totalité, j’ai cumulé 12 années d’expérience dans le domaine, j’ai occupé des postes d’assistante de gestion, jusqu’à monter en tant que responsable de secteur. Puis, je me suis lancée et j’ai créé Nawali. Le déclic a eu lieu il y a 6 ans. J’étais en voyage en Mauritanie, mon pays d’origine, et j’ai voulu m’acheter un terrain.

Pourquoi le nom « Nawali » ?
Je suis Soninké et le mot « nawari » veut dire « bienvenue ». Quand j’arrivais en Mauritanie, à l’aéroport, il y avait souvent une pancarte « Nawari » en soninké, à côté du « Bienvenue » en français et d’autres langues. C’est la première chose qu’on voit à l’entrée du pays. Ce mot signifie aussi « merci », donc je dirais que c’est un joli clin d’œil à mes origines.

Aujourd’hui, quel est le champs d’action de Nawali ?
L’agence Nawali couvre 3 secteurs d’activité :
1. La vente de terrains contrôlés et sécurisés.
2. La construction de maisons individualisées et de projets un peu plus conséquents, comme de petits immeubles.
3. Le financement.
J’ai constaté que ces 3 problématiques étaient les plus récurrentes pour freiner les investissements immobiliers en Afrique. 1) Tout d’abord, la sécurité, avec un manque de structures pour accompagner les membres de la diaspora dans un achat serein.
D’autant plus que ce sont des ventes qui s’effectuent généralement à distance. Il fallait une agence qui sécurise le foncier. On est un intermédiaire de garantie pour que le client puisse faire un achat aisé et certifié. On s’assure qu’ils n’auront pas un terrain qui a été vendu à plusieurs personnes, ils n’auront pas un terrain qui appartient à l’état, un terrain qui est bien dans une zone constructible, etc. En résumé, on veille à ce qu’il n’y ait aucun vice caché. 2) La deuxième chose que j’ai remarqué est que beaucoup étaient fâchés avec la construction (rires). Quand je pense à la génération de nos parents, beaucoup ont essayé de construire leur maison sur énormément d’années car il est difficile de trouver des personnes de confiance. Si je me réfère à mon histoire personnelle, mon propre père a mis quasiment 15 ans pour construire sa maison, en Mauritanie, et je sais qu’ils sont nombreux dans son cas. Il a fallu qu’il y aille, à chaque fois, pour superviser l’avancée des travaux. Et, lorsque l’on envoie l’argent à distance, il n’est pas toujours utilisé à bon escient. J’ai donc décidé de mettre en place, dans mon agence, la possibilité de construire sa maison en toute sécurité et en toute tranquillité, avec des partenaires de confiance. 3) Enfin, le troisième problème est le financement. Comment financer son terrain et sa construction si on n’a pas l’argent ? Pour ma part, je faisais partie de plusieurs tontines avec la famille. C’est un moyen qui permet d’économiser de l’argent. J’ai décidé d’utiliser cet outil d’épargne que l’on connaît tous, au sein de la communauté africaine, pour pouvoir proposer une solution de financement intermédiaire à la banque. Ainsi, Nawali propose des tontines qui sont mises en place pour l’achat de terrains. Ce sont des tontines de 5000 €, sur une période de 20 mois, c’est-à-dire 250 € de mensualité pour 20 personnes. Ces tontines sont entièrement structurées et organisées par Nawali. Actuellement, nous avons 8 tontines en cours pour de l’acquisition de terrains. La première a démarré en 2018 et s’est très bien passée ! Nous en avons plusieurs autres en cours, on en met en place tous les deux mois, avec des inscriptions qui se font très rapidement. Voici notre solution pour palier toutes les inquiétudes de financement. On a également mis en place des solutions de financement pour la construction, sur le même mode de financement participatif et on va également proposer, d’ici quelques mois, des financements pour des projets sociaux. Les gens auront la possibilité de participer à une cagnotte participative pour la construction, par exemple, d’une école ou tout projet qu’on va leur proposer en Afrique.

Parlez-nous de cette technique révolutionnaire, le BTC, dont vous faites la promotion ?
Merci de l’évoquer ! Effectivement, depuis le mois d’octobre 2020, on propose de la construction de maisons individualisées et on a décidé de s’orienter sur des bâtisses plus écologiques, de type BTC, c’est-à-dire en briques de terre comprimée. Cette une méthode plus éthique et qui va surtout permettre une énorme économie d’énergie ! C’est la technique de construction la plus adaptée au climat local.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans la création de votre entreprise ?
Cela fait, maintenant, pratiquement 3 ans que j’ai lancé mon entreprise. Oui, j’ai rencontré des difficultés, je ne vous le cache pas. Je suis ici, en France, et mon équipe est basée en Afrique. J’ai souvent dû changer mes effectifs. Quand on est en dehors du pays, c’est parfois difficile de piloter l’ensemble des équipes. Le fait d’être une femme pousse aussi certaines personnes à vouloir, parfois, en abuser. Je suis dans un domaine qui est assez rude, il y a beaucoup de travail et c’est un univers très masculin. J’ai pu être confrontée à de véritables requins, en affaires, mais il faut savoir rester pro, déterminée et toujours être fidèle à ses valeurs. Heureusement, mes clients ont confiance en moi et les choses se passent relativement bien. Donc si j’avais un message pour toutes les femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat, je leur souhaite beaucoup de courage et de ne surtout s’arrêter au premier obstacle !

Ce numéro sera un spécial Afrique de l’Ouest, quel est votre rapport avec la Mauritanie ? Avez-vous des projets ?
La Mauritanie représente mes racines. Quand je pense à la Mauritanie, je pense beaucoup à mes parents, surtout à mon père. Actuellement, ils y sont. Ils ont tout fait pour qu’on puisse aimer notre pays. Il y a quelques années en arrière, je connaissais mon pays d’origine, mais ce n’était pas forcément quelque chose de très important pour moi. Aujourd’hui, plus les années passent et plus je me sens rattachée, plus j’ai envie d’y retourner. Mon objectif, dans les 5 années à venir, est de retourner en Afrique. Je ne sais pas dans quel pays, certainement la Mauritanie ou la Gambie – étant donné que mon mari est d’origine gambienne. Quoiqu’il en soit, l’Afrique a pris une place très importante dans ma vie et je pense fortement à m’y installer.

Si je vous dis le mot « Roots », vous me répondez ?
Un baobab.

www.nawali-group.com