Rencontre avec Amy Bello, la fondatrice nigérienne de l’un des restaurants africains les plus huppés de France : African Lounge.
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Aminata Bello, mais tout le monde m’a toujours appelé Amy. Je suis Nigérienne, plus précisément de Saga, la région dont est originaire mon père. Cela fait plus de 25 ans maintenant que je suis en France. Je suis la propriétaire du restaurant African Lounge, de spécialités d’Afrique centrale et Afrique de l’Ouest.
Votre parcours avant l’ouverture du restaurant ?
Je suis arrivée en France après le BAC et j’y ai fait une école de communication. J’ai ensuite enchainé les petits boulots avant de travailler chez un sous-traitant de Nina Ricci. J’étais engagée pour m’occuper de tout ce qui est stock, pendant 4 ans. Puis je me suis mariée et me suis installée dans le 16ème arrondissement de Paris. Je me suis alors demandé pourquoi il n’y avait pas de restaurant africain digne de ce nom, propre, classe, avec du beau monde. Dans cette même période, j’avais une copine qui tenait un restaurant à Passi. Je venais souvent lui donner un coup de main et, lorsqu’elle partait en voyage, je m’en occupais intégralement. Cela a été mon premier pas avec la gestion d’un restaurant et j’ai senti que j’en étais capable. Nous étions en 98. J’ai fait mon étude de marché et je me suis dit : “pourquoi ne pas oser ce pari ?”
L’ouverture d’African Lounge, un restaurant africain dans le 16ème arrondissement de Paris, l’un des plus huppés de la capitale, n’a pas été de tout repos…
En effet, les débuts furent très difficiles. Les riverains étaient tous opposés à l’ouverture du restaurant. Pour eux, un restaurant africain était synonyme de bruit, de bagarres et tous les fantasmes qui vont avec. Tous les soirs, la police venait pour cause de plaintes anonymes disant qu’il y avait du bruit ou des perturbations à l’African Lounge. À force de se déplacer pour rien, même parfois en civils, les policiers ont fini par comprendre qu’il s’agissait tout simplement de malveillance de la part des voisins. Aujourd’hui, tout ceci appartient au passé. J’ai du très beau monde qui vient dans mon établissement. Mes premiers clients sont toujours présents et reviennent avec de nouvelles personnes qui, elles-mêmes séduites, en amènent d’autres et ainsi de suite. Dans le restaurant, tout le monde se parle, les gens se lient d’amitié, font du business… C’est plus qu’un restaurant, c’est devenu un lieu de vie. Et tout nigérien passant par Paris se doit de venir au moins une fois à l’African Lounge.
Pour l’anecdote, Jacques Chirac fut l’un de nos clients. C’était “son” adresse de la gastronomie africaine à Paris et c’est évidemment une grande fierté !
Vous avez une gastronomie de plusieurs pays d’Afrique: les classiques d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale, mais vous n’oubliez pas pour autant la cuisine de chez vous : la cuisine du Niger…
Nous avons un plat nigérien que l’on appelle le “dambou” : de la semoule cuite à la vapeur, mélangée avec des sortes d’épinards. C’est un assaisonnement qui vient en accompagnement des grillades.
Sinon, nous cuisinons le gombo, qui est propre à toute l’Afrique et donc au Niger. Nous avons également les trippes à la nigérienne, et bien évidemment les grillades faites au feu de bois qui sont la spécialité culinaire du Niger avec l’agneau et le mouton, notamment.
Quel est votre plat nigérien préféré ?
Je raffole des trippes à la nigérienne et bien sûr la viande grillée comme l’ensemble des nigériens, je pense !
Vous avez toujours eu cette fibre culinaire en vous ?
Vous savez, plus que tout, j’aime recevoir des convives ! Que ce soit chez moi ou dans mon restaurant. Quand les gens viennent, je veux qu’ils mangent bien et passent un bon moment. Je ne m’occupe pas des fourneaux à l’African Lounge mais je valide chacun des plats.
Vous êtes aujourd’hui l’un des restaurants cultes de la grande gastronomie africaine à Paris et un exemple de réussite pour la diaspora nigérienne. Quels conseils donneriez-vous à un de vos compatriotes qui aimeraient entreprendre ?
Il n’est jamais trop tard pour réussir dans la vie. Et il n’y a pas de secret : le travail ! Il n’y a que cela qui paye. Il ne faut pas attendre que les choses tombent du ciel ou se reposer uniquement sur les personnes qui ont réussi dans votre entourage. Ne surtout pas se dire : “parceque mon oncle, ma tante ou mon frère a réussi, je vais compter sur lui…” Et c’est trop souvent ce qui est ancré dans la mentalité du nigérien. Dès qu’une personne réussit, tout le monde se penche sur elle, alors que cette personne a trimé et travaillé dur pour s’en sortir. Tout le monde peut réussir dans la vie, il faut simplement en avoir la volonté, ne pas avoir peur des défis et foncer ! Je le répète : le travail et encore le travail !
Des projets de développement sur le continent africain ?
Mon souhait est d’ouvrir des African Lounge dans un maximum de pays en Afrique. Je suis actuellement sur l’ouverture des premiers au Sénégal : un à Saly et un second à Dakar.
Si je vous dis le mot “Roots”, vous me répondez ?
L’Afrique, mon continent !
Édition ROOTS Afrique de l’Ouest
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