« Je considère les plafonds d’un espace comme un élément moteur et vous le remarquerez sur toutes mes réalisations. »
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Tiery Janet, 49 ans, né à Paris et d’origine guyanaise. Je suis designer et architecte d’intérieur.
Revenons sur votre parcours car vous êtes un jeune autodidacte dans l’univers du design ?
Je me suis retrouvé dans l’univers du design suite à une déception dans la musique. J’ai chanté pendant plus de 25 piges. J’avais un contrat signé chez MCA, un label d’Universal. Le projet n’est jamais sorti et je me suis accordé un mois de relâchement total où j’ai rénové mon appartement. À leur retour de vacances, mes enfants se sont mis à pleurer devant le travail effectué et j’ai trouvé magnifique de procurer des émotions grâce au design, autrement que dans la musique. J’ai commencé à proposer mes services sur des plateformes qui recherchaient des designers non confirmés, mais passionnés. On m’a donné ma chance, une fois, deux fois, trois fois jusqu’à un ce qu’un professionnel fasse appel à moi et c’est ainsi que tout a décollé.
Vous ne vous êtes pas dit : « Bon, ce sont mes enfants, peut-être sont-ils juste excessifs » ?
Pour être sûr de mon don, il a fallu que je me teste avec d’autres personnes. J’ai eu la confirmation dès ma première cliente qui s’appelait Marie-Odile Bachelet. Il s’agissait d’un appartement à Franconville et elle a eu la même réaction que mes enfants à la livraison du projet, elle a pleuré ! Chacun de mes projets sort purement et simplement de mon imagination et je m’applique à ne pas regarder ce que font les autres pour ne pas reproduire.
Mais alors, d’où puisez-vous votre inspiration ?
J’ai des flashes, mais vraiment (rires) ! Alors évidemment, je m’adapte d’abord à celui qui m’emploie. Je fais connaissance avec la personne et avec ses émotions, je me balade dans les lieux en question. Et, en quelques minutes, tout se dessine comme une photo devant moi. Et je dis aux clients : « Je vais vous montrer ce que j’ai vu ». Je n’ai pas d’autre argument que celui-là. Je leur montre, à travers mes images 3D, ce que j’ai vu au moment présent, avec les émotions du moment.
Quelle réalisation vous a rendu le plus fier ?
C’est comme avoir 5 enfants et tu les aimes tous parce qu’ils sont différents. La réalisation dont je suis le plus fier est celle où le client va être le plus content. Et je pense que, jusqu’à présent, la Peausserie Clément figure en tête de liste. Entre les plans proposés sur maquette et la réalité, nous sommes à quasiment 100% de réalisme. La réaction du patron fut l’une des plus belles que j’ai vécue, d’autant plus qu’il s’agit de quelqu’un qui fréquente vraiment le très haut de gamme. La Peausserie Clément est une institution qui vend du cuir pour les plus grands, Dior, Saint-Laurent, Balmain… Et quand on lui a livré son showroom qui était auparavant un entrepôt, il avait les larmes aux yeux. Il a fait une super soirée d’inauguration et m’a chaleureusement remercié. Par la suite, il m’a recommandé auprès de son carnet d’adresse, c’était juste fou !
Comment décrire votre ADN, la touche Tiery Janet ?
Je travaille beaucoup les plafonds. Je considère les plafonds d’un espace comme un élément moteur et vous le remarquerez sur toutes mes réalisations. Enfin, je dirais que mon travail est unique, tu ne pourras pas le voir ailleurs puisque tout sort de ma tête. Je pense, par exemple, aux plafonds que j’ai réalisés lors de 2 prestations : l’un avec des stylos à plume qui tombent d’un livre de 17 mètres supsendu au plafond, l’autre maintenu par des poutres IPN avec des fermetures en cuir. Je n’ai pas réfléchi, je l’ai visualisé et je l’ai fait.
Sur votre chemin, avez-vous croisé un mentor ?
En quelque sorte oui et notre rencontre fut assez incroyable. J’ai croisé sur ma route Dominique Roitel, PDG de la Maison Henryot & Cie 1867, qui a eu un coup de cœur artistique sur moi. On s’est interpellé à un feu rouge, à la sortie d’un événement professionnel, on s’est parlé, il m’a demandé ce que je faisais, je lui ai expliqué que j’étais designer et on a bu un café. Je lui ai montré mon travail et il m’a expliqué en retour son activité. Il était ébéniste, mais j’étais loin de m’imaginer que j’avais en face de moi le plus important ébéniste de Paris ! Les fauteuils de Matignon, l’Opéra de Paris, le Ritz, la fondation Louis Vuitton, le Hayat, c’est lui. Conquis par mon travail, il m’invite à Monaco. Je vois le yacht d’un de ses amis et, même chose, j’ai un flash ! Je lui explique la vision que je viens d’avoir et je lui dessine ce que j’ai en tête. Il est littéralement tombé amoureux de ma proposition et m’a alors proposé que l’on présente uniquement mon œuvre, sous sa bannière, lors du Yacht Show de Monaco, fin septembre 2024. En à peine 2 ans d’activité, je me retrouve à Monaco, à
côtoyer les plus grands… C’est juste incroyable.
Originaire de Guyane, cela représente quoi ?
C’est la terre de mes parents. Tous mes souvenirs de vacances me reviennent. Je suis Guyanais dans l’âme, j’ai été élevé avec cette culture à la maison. J’aime mon pays comme tu aimes ta mère, c’est une question que tu ne te poses pas. En ce qui concerne les projets architecturaux, ce serait évidemment un honneur que quelqu’un me dise : « Écoute, j’ai un projet en Guyane et tu es le seul à qui on peut le confier ».
Si je vous dis « Roots », cela vous évoque quoi ?
Je pense à « That’s the way love goes » de Janet Jackson.
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