KWANZAA : « Back to the roots »

Inventée par un activiste du black power, Maulana Ron Karenga, en 1966 en Californie, Kwanzaa est une fête, plus spirituelle que religieuse, qui se tient sur une semaine du 26 décembre au 1er janvier. Elle est plus particulièrement célébrée par une frange de la communauté noire-américaine.
Dans un contexte de lutte pour les droits civiques des Noirs, de vives tensions interraciales notamment après les émeutes de Los Angeles, le but était de réunir la communauté noire-américaine autour de la commémoration de ses ancêtres et de son héritage culturel africain. Kwanzaa, qui vient du swahili « kwanza » voulant dire « premiers fruits », s’inspire des fêtes de moisson célébrées notamment dans certaines tribus africaines.
À chaque jour correspond un principe, « nguzo sabe »- l’unité, l’auto-détermination, le travail et la responsabilité collectifs, la coopération économique, le fait de se définir un but dans la vie, la créativité et la foi – autour duquel les familles focalisent leurs discussions et débats durant les repas. À chaque jour correspond aussi l’allumage d’une bougie du chandelier à sept branches, symbole de Kwanzaa. Les couleurs noire, verte et rouge des bougies correspondent au drapeau du panafricanisme.
Néanmoins, sous le masque de la célébration d’un lien avec le continent mère, se cache une fête limitée, image du doux rêve un peu faussé de certains noirs-américains de renouer avec des racines africaines qu’ils ont parfois tendance à résumer en de grandes lignes très restreintes.

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Alors qu’elle se voulait alternative à Noël, Kwanzaa est devenue aussi mercantilisée que la fête chrétienne, détournée par les médias et pouvoirs politiques qui, en adressant un « joyeux Kwanzaa » à la télévision, veulent gagner les faveurs d’une partie de la communauté noire. L’usage de quelques mots swahili ne suffit pas à renouer avec le patrimoine de ses ancêtres surtout avec une langue qui, certes une des plus parlées en Afrique, se limite à la région des Grands Lacs, région peu concernée par le commerce triangulaire à l’origine de l’arrivée des esclaves en Amérique, à la différence de l’Afrique de l’Ouest et équatoriale.
S’il aurait été plus cohérent de choisir un dialecte de cette région, là aussi (et vous vous direz peut-être « mais faudrait savoir ce qu’elle veut ! »), j’aurais rétorquer que borner d’emblée une fête célébrant le panafricanisme à un dialecte spécifique aurait été une erreur. Bien sûr, il faut saluer de tels efforts pour renouer avec son passé, mais il serait intéressant d’approfondir sur le moyen de célébrer la culture africaine autre qu’en portant simplement un pagne pendant une semaine. Malheureusement, les détails de cette fête (dont les rituels dépendent de chaque famille) restent généralement assez superficiels, étant donné l’extrême richesse des cultures africaines. Kwanzaa, ou quelque soit le nom qu’on veut lui attribuer, devrait être dans l’esprit des afro-américains une fête permanente, plutôt que ponctuelle.

Édition ROOTS n°20 – Spécial Kongo
Par Anne Duret