DAWALA : De Nioro à l’Olympe

“Beaucoup de communautés nous montrent, qu’en étant unis, ils arrivent à se développer et faire de grandes choses. La Nuit du Mali ne doit être qu’un début.”

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Diakite Badiri, surnommé Dawala ou Wati Boss. Né à Paris 12, j’ai grandi à Nioro, dans un village de la région de Kayes au Mali et, à 11 ans, je suis revenu vivre dans le 19ème arrondissement. Je suis producteur du label Wati B, initialement spécialisé dans la production musicale, ce qui nous a permis d’être largement connu du grand public en lançant le groupe Sexion d’Assaut. On investit également dans le sport, notamment le football que j’ai pratiqué pendant plus de 30 ans. On a réalisé un long métrage qui s’appelle La Pièce. On organise l’un des plus gros événements de la diaspora qui s’appelle La Nuit du Mali. D’ailleurs, le 2ème volume de cette Nuit du Mali aura lieu le 17 septembre 2019, à l’Accor Hôtels Arena de Paris.

Comment a débuté l’aventure musicale ? Était-ce une ambition de toujours ou un simple pari gagnant ?

Contrairement à ce que beaucoup pensent, mon premier succès n’est pas venu avec la Sexion d’Assaut. Mon 1er succès a été la mixtape P.S.G (Pur Son Ghetto) sortie en 99 et regroupant plusieurs stars du hip-hop comme Oxmo, Rohff, le 113 ou Idéal J. Cela mélangeait mes deux amours : le football et la musique. Mon aventure de producteur a commencé en 2005 avec le groupe Intouchable (Dry et Démon One), puis la Sexion d’Assaut. Pour résumer, je dirais que le vrai tournant musical a été en 99 avec Pur Son Ghetto, l’explosion et la reconnaissance sont venus avec la Sexion. Puis, j’ai eu la chance d’avoir des artistes comme Shin Sekaï ou Dry. Aujourd’hui, on s’occupe des 4 Keus, Adryano et d’autres artistes qui sont en train d’émerger. Évidemment, tout n’a pas toujours été rose et c’est justement cette culture malienne qui m’a permis de m’accrocher. Ma détermination a fini par payer et me donner raison. À travers toutes les difficultés rencontrées, je savoure encore plus ma réussite actuelle.

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Avez-vous eu un modèle de réussite pour dessiner votre carrière ?

Je n’ai pas eu de modèle à proprement parler. Ce qui m’a beaucoup aidé est ma double culture franco-malienne. Je n’ai pas réellement calqué mon parcours sur des producteurs à succès américains car leur système et façon de fonctionner sont totalement différents des nôtres. Par exemple, aux Etats-Unis, lorsqu’un morceau fait un carton, tout le monde va le reprendre, il y aura un remix avec de nombreux autres artistes. En France, chacun est dans son coin, chacun son secteur, chacun son clan. J’ai puisé mes modèles d’inspiration dans mon cercle familial : mon père, ma mère… Mon père, c’est au niveau de la relation humaine. Il est un des plus anciens Maliens présents en France, a fait venir énormément de ses frères et cousins, avant de leur trouver du travail sur place. Il s’occupait des problèmes des gens avant de s’occuper de ses propres problèmes. Quant à ma mère, elle s’est toujours battue et a toujours fait du business. Elle allait au marché, elle travaillait dur et j’ai pris exemple. Pour le reste, j’ai tout appris sur le tas.

Beaucoup aimeraient être assis à votre place. Qu’est-ce qui fait la touche Dawala, ce petit truc en plus ?

La patience, l’expérience et le travail. À part, peut-être, Bomaye (label de Youssoupha), la plupart des producteurs qui se lancent sont des nouveaux dans le game. J’ai compris, dès le départ, que le but n’était pas d’arriver mais de rester. Pour durer, j’ai observé ceux qui ont été éphémères et j’ai tiré leçon de leurs erreurs.

Ce numéro est un spécial Mali/Guinée. Pouvez-vous nous dire ce que représente le Mali pour vous et pourquoi cette envie de vous investir auprès de la diaspora ?

J’aime le Mali, j’y ai passé mon enfance, j’y suis chez moi. Je me dois de m’investir auprès des Maliens et de la diaspora car, à mes débuts, j’aurais aussi aimé que quelqu’un m’aide. J’ai développé un centre pour jeunes et des associations au Mali. Je me vois à travers cette jeunesse, c’est comme si c’était moi, quelques années en arrière. Pour la diaspora, on a créé la Nuit du Mali. Nous sommes la 2ème génération d’immigrés et nous sommes (les Maliens) les 2ème en termes de nombre, après les Algériens, sur le territoire français. Je me suis dit qu’il fallait un évènement pour rassembler cette jeunesse malienne dispersée à gauche, à droite. Beaucoup de communautés nous montrent qu’en étant unis elles arrivent à se développer et faire de grandes choses. La Nuit du Mali ne doit être qu’un début. Notre pays a connu la guerre, des atrocités et, en tant que producteur, cela m’a semblé être un bon axe pour commencer à montrer le Mali autrement et valoriser nos talents. Pour la première édition, ce fut uniquement un concert. Pour la seconde edition (21 septembre 2019), il y aura des découvertes d’artisans qui travaillent le produit malien. On essaye d’ouvrir la voie mais, en réalité, La Nuit du Mali nous appartient à tous. Réunissons-nous autour d’un projet qui va permettre de nous faire entendre et faire découvrir notre culture.

Que peut-on vous souhaiter pour les 5 prochaines années dans le meilleur des mondes ?

Que mes différents projets aboutissent. Je suis quelqu’un de polyvalent, qui aime toucher à tout : musique, sport, cinéma, événementiel… Aujourd’hui, je veux pouvoir aider un maximum de personnes. Quand je regarde mon parcours, je me suis fait en aidant les gens. Par exemple, on m’a nommé ambassadeur de la fédération malienne de football. J’ai notamment pu aider ces jeunes qui font du sport, en leur donnant des équipements, en partenariat avec la ligue de Paris. Je souhaite, lors de ces 5 prochaines années, pouvoir redistribuer et booster les plus jeunes, ceux qui en veulent réellement.

Quels endroits recommanderiez-vous à un ami non-Malien qui passerait 48h au Mali ?

Les gens aiment beaucoup “tailler” le Mali (rires) en disant qu’il n’y a que du désert ou des rochers, mais il y a des tas d’endroits à voir. Je dirais à mon ami d’aller à l’hôtel Le Campement, à la sortie de Bamako, un site exceptionnel bâti sur des rochers, avec piscine et tout le confort. S’il a du courage, je lui dirais d’aller à Tombouctou ou dans les villes environnantes de Bamako. Le Mali est en plein développement et il y a beaucoup à faire et visiter.

Si je vous dis ROOTS, cela vous évoque quoi ?

Je vais penser à une famille, à l’exemplarité, à la continuité du travail des parents. Le respect, l’union… Tout ce qui est sacré !

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