VALÉRIE AYENA : Le conte de fée de l’étoile du Cameroun

Contrôle d’identité s’il vous plait ? 

Bien sûr monsieur l’agent (rires). Je suis Valérie Ayena, Miss Cameroun 2013 et aujourd’hui mannequin.

Revenons sur ton parcours de miss Cameroun 2013. Comment t’es-tu retrouvée dans cette élection ? 

En fait, ce n’était pas un projet « prédestiné », tout est vraiment arrivé par hasard. Tout commence en 2011, au Cameroun, où je fus repérée pour travailler en tant que mannequin en Afrique du Sud. Étant donné que je suis francophone de naissance, il a fallu que je m’inscrive pour des cours en anglais, mais cela m’obligeait à changer de statut. Etant mannequin, j’étais considérée comme une salariée et là je devenais étudiante. Il a donc fallu que je retourne au Cameroun pour régler les soucis inhérents à mon statut et ainsi modifier mon visa. La procédure prenant un temps fou, me voici un soir à Sangmélima, une petite ville du Cameroun, avec mes parents, en train de voir à la télé une annonce : “vous êtes jeune, belle, tentez l’aventure Miss Cameroun”. J’ai alors demandé à ma mère de m’inscrire, mais elle était dubitative car le rôle de miss n’a rien à voir avec celui de mannequin sur lequel je m’étais orienté au préalable. Mais je suis quelqu’un de tellement curieuse que j’ai eu envie de découvrir et postuler à ce concours Miss Cameroun. C’est donc par pur hasard que ma mère m’a inscrite et la suite vous la connaissez… J’ai été élue miss Cameroun 2013.

Comment s’est déroulée cette année de miss ? Ta vie a dû basculer du jour au lendemain ? 

Complètement, oui ! Tout d’abord parce que je ne suis plus jamais retournée en Afrique du Sud. Il a fallu que je reste au Cameroun, à Yaoundé, pour régner comme il se devait et honorer mon mandat. C’était une expérience très enrichissante. Je pense avoir fait de mon mieux parce qu’aujourd’hui encore, les gens m’arrêtent dans la rue pour me féliciter du travail accompli en 2013, et j’en suis extrêmement fière !

Comment expliques-tu aujourd’hui, a posteriori, qu’il y ait eu un tel engouement autour de ta personne ? C’est comme si tu étais LA miss Cameroun ayant marqué ces 10 dernières années et cela se ressent même sur les réseaux sociaux. 

Le fait d’avoir été une étudiante en communication m’a certainement aidé. J’aime communiquer, j’aime aller vers les gens. L’organisation Miss Cameroun, avant mon sacre, vivait plus ou moins en autarcie. Le comité communiquait peu et j’ai amené les dirigeants à comprendre l’importance de partager ce qui se passe en interne pour que le public puisse s’attacher aux miss élues, afin qu’elles puissent développer un sentiment d’appartenance. Mais je crois que c’est à la suite de l’élection Miss Monde 2013, qui a eu lieu en Indonésie, que le public s’est profondément rapproché de moi.

Et donc justement, comment s’est déroulé cette compétition ? Tu étais la première Camerounaise à y participer ? 

C’était juste… Waouh ! Je représentais le Cameroun pour la première fois dans l’histoire d’une compétition de beauté d’une telle envergure et personne ne m’a vraiment préparée. Pour autant, j’y croyais très fort et je me suis rappelée un adage, propre au Cameroun, qui dit : “mouiller, c’est mouiller”. Je me suis donc dit que, tant qu’à y être, autant essayer de vivre mon aventure au maximum. J’ai eu la chance de me retrouver avec mon tam tam (rires) et ma carrure de jeune femme camerounaise parmi le top 10 final, ce qui était juste inimaginable !

D’autant plus que tu y étais dans une période où l’actualité géopolitique était quelque peu compliquée en Indonésie ? 

Absolument, c’était une élection qui était très suivie médiatiquement parce que tout se déroulait dans un pays musulman. Une partie du peuple indonésien avait considéré le fait que la compétition se déroule à Djakarta comme une attaque à leurs mœurs intimes, à leurs croyances religieuses. Devant les polémiques et réactions en chaîne, le concours avait finalement été déplacé sur l’île de Bali. Pour anecdote, ma mère qui était très inquiète pour ma sécurité me répétait sans cesse : « Reste proche de la Miss USA, personne n’osera s’en prendre à la protégée de Barack Obama » (rires).

Du coup, une fois ton mandat de Miss Cameroun terminé, tu t’es reconcentrée sur ta carrière de mannequin ? 

À vrai dire, au début, je n’y croyais pas trop parce que je suis une personne qui est très réaliste. J’avais commencé ce métier avec un âge avancé puisque j’avais déjà 22 ans lorsque j’ai été découverte pour l’Afrique du Sud. Le fait d’avoir arrêté les podiums pendant un an et demi, à cause de mon sacre, m’a obligée à tout reconstruire. J’ai eu la chance d’immédiatement signer avec une dame qui croit très fort en moi. Elle s’appelle Gocha, elle est mon agent aujourd’hui et est basée à Dubaï, d’où le fait que j’y ai vécu toute l’année 2015 et une bonne partie de 2016. J’ai vraiment eu beaucoup de chance. Encore une fois, je pense que c’est mon caractère, l’aspect communicationnel de ma personne qui a pris le dessus. Je ne voulais pas, une fois mon mandat terminé, être une page de livre qu’on a déjà tournée. J’ai aussi eu l’opportunité de collaborer avec le groupe phare du Cameroun : X-Maleya, sur un projet de clip vidéo. La vidéo est passée en boucle sur Trace Urban, Trace Africa… Et je me suis ainsi ancrée dans la mémoire du public camerounais. Après cela, j’ai eu la grosse chance de signer avec la compagnie Men of black, et mon visage fut placardé sur tous les panneaux des rues du Cameroun. Ce fut une transition forte, qui a permis que je me démarque définitivement de toutes les précédentes Miss Cameroun.

Mannequin noire vivant à Dubaï, était-ce une nécessité pour pouvoir travailler à l’international et avoir une exposition mondiale ? 

Oui, sincèrement. En fait, tout s’est passé d’une manière assez atypique. Je suis partie à Dubaï pour faire une campagne pour des bijoux, juste à la fin de mon règne de Miss Cameroun. Ce jour-là, le styliste m’a trouvée rigolote et pleine de spontanéité. Il m’a alors parlé d’un projet de magazine qu’il comptait lancer et m’a demandé de revenir à Dubaï. Il était persuadé que je pouvais fonctionner à Dubaï, mais j’étais quelque peu sceptique. Je me suis dit : « certes, on est à Dubaï, c’est un endroit très beau, ils sont en train de développer leur fashion industry, ils ont le plus grand mall au monde, ils ont toutes les grandes marques sur place… », mais je ne voyais pas comment j’allais pouvoir travailler en tant que mannequin noire là-bas. Mais Slimy, qui tient justement le Slimy mag, m’a rappelée et a réellement insisté. Je me suis alors dit « okay, let’s try ! ». Je me suis installée à Dubaï un peu par hasard, j’ai commencé à être de plus en plus bookée et ce fut une expérience fabuleuse. En plus, là-bas il n’y a pas d’hiver, je me suis sentie vraiment bien !

Du coup, tu es l’une des rares mannequins noires exerçant à Dubaï? 

Exactement ! Je pense que nous sommes 4 top models black à nous partager les défilés haute-couture à Dubaï. Je suis la seule Camerounaise, il y a une Jamaïcaine  et deux autres filles que je ne connais pas trop.

Peux-tu nous citer quelques marques avec lesquelles tu as collaboré là-bas ? 

J’ai fait D-squared, Emilio Pucci, pas mal de marques locales, Bloomingdales, la galérie Harvey Nichols… Beaucoup de campagnes mode, puis des éditos pour des magazines internationaux, jusqu’en Russie !

Au delà de ta carrière de mannequin, tu mènes également un combat associatif en travaillant aux côtés de Chantal Biya, première dame du Cameroun. Peux-tu nous en dire quelques mots ? 

Oui, avec plaisir. En fait, son Excellence Madame Chantal Biya, première dame du Cameroun a créé une fondation éponyme au sein de laquelle une aide médicale et un soutien psychologique sont apportés aux mamans en difficulté et à leurs enfants. J’ai eu le grand honneur d’être appelée à ses côtés dans la réalisation de certains de ses projets, avec entre autres le 16 juin dernier, la célébration de la Journée Mondiale de l’Enfant Africain organisée par l’UNICEF.

Revenons sur ta carrière de mannequin. La prochaine étape est New York ? 

Exactement ! Mon agent a pour objectif de me faire pénétrer les marchés européens et new yorkais. J’ai fait des castings à Milan, à Paris et maintenant on pose nos valises à New York. Mon rêve serait bien sûr de figurer parmi les top models de la New York Fashion Week. Le système est compliqué mais ce n’est pas ce qui va nous empêcher d’y arriver, d’autant plus que New York est sans doute le meilleur endroit au monde pour un mannequin noir voulant bosser. Leur marché a tendance à encourager les femmes avec des formes ou en muscles, tandis que les marchés européens privilégient les femmes filiformes.

Si tu avais un message à adresser à la jeunesse afropolitaine qui va te lire, lequel serait-ce ? 

Par rapport à mon expérience personnelle, mon message est d’y croire. Je crois réellement que l’on vit dans un univers interconnecté et les mots que l’on prononce, en y croyant fort, finissent par se réaliser. Aujourd’hui, avec Internet, l’information est à la disposition de tous, donc rien n’est impossible ou inaccessible. Chaque objectif fixé a un cheminement bien précis. Et même s’il y a des embûches, il ne faut pas qu’un seul arbre sur ton chemin t’empêche de voir la clairière. Cela m’évoque les mots suivants :  force, identité et réussite.

Édition : ROOTS n°17