Contrôle d’identité s’il vous plaît ?
Je m’appelle Maëlys, sur les réseaux sociaux Fille du placard. J’ai 30 ans, je suis Algérienne-Guadeloupéenne et je suis responsable marketing France de Pretty Little Things (PLT).
Quel est ton parcours ?
J’ai fait des études dans la communication. Je me suis un peu retrouvée dans la mode par hasard dans la mesure où je n’avais pas d’objectif de vie défini. Ce que je voulais, c’était créer des stratégies de marque pour celles qui en avaient besoin. Je voulais vraiment travailler en agence, mon rêve était de rentrer chez Publicis mais, j’ai directement travaillé chez l’annonceur. J’ai fait beaucoup de stages, je suis partie vivre à l’étranger, en Allemagne, à Munich, pendant un an. J’ai travaillé pour les salons Who’s Next et Première Classe, c’était du B2B toujours dans la communication. Petit à petit, chemin faisant, je me suis retrouvée chez PLT.
As-tu senti une grosse différence entre les façons d’opérer en France et en Allemagne ?
La différence réside dans la gestion du travail. Tu vas travailler de 9 heures à 17 heures et on a besoin que tu sois vraiment efficace sur ce temps donné. Il n’y a pas beaucoup de place à la rigolade et ça m’a manqué quand j’ai travaillé là-bas. Par contre, ça m’a aidé à avoir une grande rigueur au boulot et d’être concentrée sur ce que je fais. Cependant, mon côté un peu latin et parisien fait que j’apprécie le petit café de 10 heures et la pause déjeuner qui tire un peu en longueur (rires).
L’obtention du poste de responsable marketing France de PrettyLittle Things était un concours de circonstances ?
J’ai postulé sur LinkedIn, et ce fut un cabinet de chasseur de tête qui m’a recrutée. On ne m’a pas dit pour quelle marque je passais mon entretien. Cependant, j’étais très heureuse lorsque j’ai appris que j’étais embauchée pour PLT. J’ai fait 1 mois de ce qu’on appelle « induction », à Manchester : c’est en quelque sorte ton introduction au travail, on te montre ce qu’on attend de toi. Ensuite, je suis revenue en France. Nous avons fait la soirée de lancement et l’ouverture du showroom au mois de mars 2020. Dès lors, tout est allé très vite. Il a fallu mettre en place très rapidement des stratégies d’influence, travailler avec les agents, les influenceurs seuls, les agences de presse. J’ai dû créer mon petit univers. Actuellement, ça marche très bien.
Comment nouer une relation avec les influenceuses, comment tu te positionnes par rapport à cet univers d’influence ?
À mon avis, ce qui fait que les influenceuses françaises aiment beaucoup PLT est que j’essaye de créer une vraie relation avec elles. Elles viennent assez facilement au showroom et sont toujours en demande de créer du contenu avec les produits de la marque. Il y a quelque chose de très sain et de très pur qui va se créer entre l’influenceuse et PLT. Le but c’est d’être sincère et de les considérer comme des êtres humains et non pas des numéros ou des étiquettes qu’on peut leur coller sur les réseaux. C’est un métier qui demande beaucoup de boulot. Il faut prendre de leurs nouvelles, connaître le nom de leurs enfants quand elles en ont, connaître les dates d’anniversaires… Je pense que c’est de cette façon qu’on arrive à faire des miracles dans n’importe quel métier : en gommant les barrières et en étant très honnête.
Dirais-tu qu’aujourd’hui les influenceuses sont en train d’effacer les médias classiques ?
J’ai moi-même baigné avec les magazines et les médias mais, je pense que la bloggeuse ou l’influenceuse est née d’un besoin du consommateur. Le journaliste parlait d’un produit à un moment donné et l’influenceuse est venue apporter un avis, peut-être, plus authentique et plus rapide. Un magazine ne peut pas tester tous les produits et, en plus, il faut attendre qu’il sorte. Dans cette société de consommation dans laquelle nous nous trouvons, on a besoin que l’influenceuse nous donne vite son avis. Le milieu de l’influence est intéressant car il est venu sur le marché français nous parler de marques qu’on ne connaissait pas du tout. On a complètement effacé cette barrière de la frontière. Aujourd’hui, tu peux tester un produit australien, cambodgien, congolais… peu importe, elle est là la force de l’influence.
Comment positionnerais-tu les influenceuses Afro-caribéennes en France comparées à celles des UK ou des US ?
Je vais retourner la question : pour moi, le problème ne vient pas des influenceuses françaises noires mais, des marques qui doivent permettre aux influenceuses noires françaises de pouvoir a posteriori vivre de leur métier d’influenceuse. Pour cela, il faudrait travailler et c’est les marques qui fournissent le travail. Aux Etats-Unis, des influenceuses comme Cardi B vont pouvoir vivre de leur métier d’influence car les marques leur donnent la parole. Elles leur disent : « Ça te dit de tester nos produits ? Ça te dit une collab ? Une collection capsule ? Tu nous fais une musique ? ». Là où on est en retard, c’est qu’on va encore se focaliser sur de l’influence caucasienne alors qu’il y a plein d’influenceuses métisses, afro et noires. Elles ont plein de choses à nous dire : comment tester les produits, pourquoi utiliser telle ou telle marque. Encore faut-il que ces marques-là soient proposées en France. Donc le problème ne vient pas des influenceuses mais des marques qui sont encore trop attachées à leurs habitudes.
Quel conseil donnerais-tu à une jeune femme qui souhaite devenir influenceuse en partant de zéro ?
Ce qui est important c’est d’avoir une singularité, d’avoir des choses à dire. Il y a beaucoup d’influenceuses donc il est plus difficile de se démarquer. Le marché de l’influence en France est très particulier. Aux UK ou aux US, une photo sur Instagram qui donne envie va pouvoir créer le buzz. En France pas du tout, la consommatrice de base va plutôt être très attentive aux stories, à ta façon d’être et de te comporter… On va vouloir qu’elle nous pousse à consommer tout restant naturelle et en émettant un avis honnête. La Française est née comme ça, avec ce côté très baby doll, bébé pur. Il faut trouver ce juste milieu.
Tes prochains challenges professionnels ?
Réorganiser des évènements. C’est la partie qui me manque le plus dans mon travail et PLT est très fort en organisation d’événements. Le gros challenge pour cette année va être de réorganiser de superbes évènements.
Que t’évoque t’évoque le « black women empowerment » et si tu avais un message à adresser aux femmes, lequel serait-il ?
Ça m’évoque à la fois rien et tout dans la mesure où je ne suis pas pour le fait de sectoriser les couleurs et les femmes. Je fais un métier où je représente toutes les femmes qu’elles soient grandes, petites, avec des formes, skinny, Blanches, Asiatiques, Arabes ou Noires. Au contraire, j’ai presque envie d’effacer tout ça et qu’on ne voit que la femme : son talent, son potentiel, le fait qu’elle soit forte, belle, drôle, maman, pas maman. Pour moi, « Boss lady » ce n’est pas le travail que tu fais, c’est ce que tu es, ton mindset et la façon dont tu lead ta vie. Il y a des mamans qui sont femmes au foyer et qui travaillent probablement plus que moi parce qu’elles éduquent leurs enfants. Donc pour moi, ce n’est pas lié à ton travail le fait d’être une boss lady. C’est le fait d’être une femme indépendante, une femme qui s’assume, qui aime son corps, qui défend des valeurs, qui a des choses à dire, qui se cultive, qui est intelligente et qui a une voix.
Décris-nous ton lien avec la Guadeloupe…
Ça m’évoque mon enfance. J’ai beaucoup été en Guadeloupe en étant plus jeune. Quand tu es métisse, on te demande souvent de choisir ton camp et je dis souvent qu’être métisse c’est à la fois le plus beau cadeau mais aussi le pire parce que tu es ni Noire ni Blanche. À la cour de récréation tu ne peux pas trop être avec les Blancs parce qu’ils sont dans leur bulle tu ne peux pas trop être avec les Noirs parce qu’ils sont aussi dans la leur. Il faut essayer de trouver sa propre identité. Je pense que c’est aussi ce qui fait ma force aujourd’hui : être ni d’un côté ni de l’autre mais d’être les deux à la fois.
Si je te dis le mot « ROOTS », tu me réponds ?
La première image qui me vient à l’esprit est un loft à Manhattan avec un tapis zébré, un gros fauteuil en futon, de la musique lounge en fond et plein de gens stylés.
Édition ROOTS ans
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