Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Patrice, je suis originaire de la Guadeloupe. J’ai lancé un projet de start-up brassicole, Divouba, avec mes deux associés : Jean-Hervé qui nous vient du Cameroun et Boni qui est Congolais. En 2014, nous avons décidé de prendre le pari de le revalorisation d’une bière locale congolaise qui s’appelle le lungwila et qui est à base de canne à sucre fermentée. Le lungwila est une boisson très
populaire dans la région de la Bouenza, où il y a de vastes champs de canne à sucre, et que l’on boit dans tous les « ngandas » (maquis) locaux. Au delà du conditionnement, nous avons aussi cherché à stabiliser le produit, car il est très instable. Un peu comme le vin de palme, il continue à fermenter après sa fabrication, mais nous avons réussi à le bloquer à un certain degré et faire en sorte qu’il soit consommable jusqu’à 5-6 mois après sa mise en bouteille.
Quels ont été les challenges à relever pour implanter une marque locale au Congo ?
On a effectivement dû relever pas mal de défis ! Déjà, se déplacer dans cette région, la logistique avec les bouteilles, les emballages, etc. Il y a eu un grand travail de préparation et, une fois sur place, avec les agriculteurs locaux. Eux, fabriquent, et nous, conditionnons et stabilisons. Du coup, nous avons mis sur pied une mini usine dans la région. Nous sommes dans un esprit “start-up”,
encore en phase de construction.
Au delà de la bière de canne à sucre, Divouba a décliné une série d’autres boissons…
Fin 2014, nous avons lancé le produit au Congo avec nos fonds propres. On a vu qu’il y avait un certain engouement. Sachant qu’il s’agit du secteur de l’agroalimentaire, il s’agit de gros financements et, à un moment, nous avons été limités. Nous avons donc dû revenir en France pour nous refinancer. Pour assoir ce refinancement, nous avons choisi d’élaborer une gamme de produits softs qui seraient confectionnés en France. Il s’agit d’un jus de Bissap, d’un jus de Tangawiss (gingembre), d’un jus de Moukondo (Baobab), d’une infusion de Bulukutu et, pour finir, d’une infusion de Citronnelle. Des produits non alcoolisés, entièrement naturels, très peu sucrés et au sucre de canne, pasteurisés, tout en y apportant une touche bio, dans la tendance actuelle, et avec des
packagings toujours plus beaux. Il faut savoir que la Lungwila est faite principalement à partir de canne à sucre fraîche. Une fois la canne coupée, nous avons moins de 8 heures pour la traiter et lancer la fabrication de la boisson si nous souhaitons en conserver toute la saveur. C’est donc un process très complexe qui ne peut être fait que localement, au Congo. La logistique est donc beaucoup plus aisée pour nos softs produits en France.
Comment vous différenciez-vous ?
Généralement, quand on présente la gamme de bissap, par exemple, on me répond souvent : « oui mais moi, je sais faire ».
J’apporte des éléments supplémentaires. Tout d’abord, la conservation, car nos produits ont une duré de vie beaucoup plus longue qu’un bissap fait soi-même, à la maison ou pour son restaurant. Souvent, au bout de deux jours, le produit est gâté, alors que le nôtre peut se conserver car nous l’avons pasteurisé. En termes d’hygiène et de contenu, nous avons réellement obtenu un produit pointu, sublimé par son packaging novateur. Nous avons donc cherché à proposer des produits originaux, réfléchis et agréables, autant gustativement qu’esthétiquement parlant.
Le dernier né : une gamme de rhum…
Pour rappel, le rhum, certes beaucoup plus alcoolisé, est fait également à base de canne à sucre. Nous restons donc dans l’esprit initial de Divouba.
Cet été, j’ai participé à une guinguette africaine et je me suis rendu compte que le public aimait beaucoup les cocktails alcoolisés et nos boissons softs mélangées à du rhum. Étant originaire des Antilles, le rhum est un secteur que je connais (rires). Quelques temps après, lors d’un voyage en Guadeloupe, j’ai fait la rencontre d’un Congolais de Brazza, installé depuis plus de 20 ans sur l’île et qui y fabrique également son rhum. Je lui ai naturellement proposé d’intégrer sa boisson à la team Divouba. Un rhum que nous allons proposer sous le nom de Saint-Babel…
Édition ROOTS spécial Kongo
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