CHARLES TABU : à l’ombre du showbusiness

Contrôle d’identié, s’il vous plaît ?
Monsieur le policier, mon nom est Charles Tabu Amisi, j’ai 32 ans, je suis originaire de RDC, né en France.
Je suis polyvalent dans l’evénementiel. Je suis à la fois dans le management, le booking, la direction artistique et le développement d’artistes.

Issu d’une famille de musiciens célèbres (fils de Tabu Ley et frère de Youssoupha), était-ce une évidence de te retrouver dans le milieu de la musique ?
Ce n’était pas du tout une évidence et, justement, j’ai des anecdotes à ce sujet (rires). J’étais un peu le petit frère qui était “fan” de ses frères. Je me souviens que j’étais tout le temps avec mon frère Pegguy Tabu. Dans le temps, il bossait avec la Street Fabulous. Ce sont eux qui distribuaient l’ensemble des beats à tout le monde, donc Pegguy bossait beaucoup avec Vita, Diam’s… Il avait l’industrie entre ses mains. À travers lui et Youssoupha, je rêvais mais n’avais aucun talent, je ne chantais pas, je ne jouais pas d’un instrument… J’observais attentivement tout ce qu’ils faisaient et je t’assure qu’une fois j’ai prié pour demander à Dieu quels étaient mes dons. J’étais très jeune, je pense que je devais avoir entre 12-13 ans et je les voyais exceller et évoluer dans leur art, peut-être que je ne voyais pas les difficultés qu’ils avaient dans l’industrie mais, en tout cas, ils me faisaient rêver. Il y a aussi mon frère Philémon qui bossait beaucoup avec MC Solaar, Zazie et Walt Disney sur pas mal de projets. J’avais cette “jalousie” en moi d’avoir à faire face à toutes ces personnes avec autant de dons. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je au milieu d’eux, tout simplement ? Ce n’était pas une évidence, mais une série d’interrogations.

Ce que tu nous as relayé était durant ton adolescence, mais en grandissant, ce sentiment s’est-il estompé ?
Comment as tu réussi à t’intégrer dans le milieu musical d’une autre façon qu’en chantant ?
J’aimerais qu’on recadre le mot « jalousie » car il en existe deux types : la « jalousie » positive ainsi que négative.
Un frère de sang, de couleur ou autre, qui réussit, c’est une jalousie qui permet de peut-être faire mieux que lui ou autant que lui.
Pour revenir à ta question, je me suis intégré dans le milieu musical en y mettant beaucoup d’efforts.
J’étais tout le temps présent dans les affaires de mes frères, prêt à m’investir, à regarder et à demander des contacts, dans un but que je ne connaissais alors pas encore.
En parallèle, je faisais mes études : J’ai fait un BTS Management des Unités Commerciales.
J’étais dans tout ce qui tournait autour de la négociation. Je travaillais beaucoup et de nombreuses personnes me contactaient pour que je les mette en contact avec des personnes de mon réseau musical, comme mes frères, par exemple.
Un jour, je devais mettre en contact Singuila avec un client. Un ami m’appelle et me dit qu’il a besoin de lui aussi pour une date.
Je lui ai donc donné le contact de la personne qui s’occupe de Singuila et mon meilleur ami, qui était à côté de moi, me dit: “Mais tu es bête, pourquoi tu lui passes le contact aussi facilement ?”, je lui ai répondu que : “Je lui donne le contact aussi facilement parce qu’il a besoin de quelque chose, un service c’est un service, je n’attends rien en retour”.
Ça s’est passé plusieurs fois… Toujours avec des artistes qui étaient des amis ou des proches de la famille car c’est l’environnement dans lequel j’ai grandi.
C’est à ce moment précis que mon meilleur ami m’a ouvert les yeux sur la position que je devais occuper dans cette industrie : être le lien entre le commun des mortels et mon entourage si riche au niveau musical.

1907678_10202317250308085_4341932591013437401_n

Quels ont été tes premiers faits d’armes ? Les premiers artistes avec lesquels tu as pu collaborer ?
Mon premier booking a été la Sexion d’Assaut, et en cela je dois beaucoup à Dawala qui n’a pas hésité à me faire confiance dès le départ.
Mon premier management a été avec Ferré Gola. Étant une personne beaucoup plus âgée que moi, j’ai énormément appris à ses côtés. La première chose qu’il m’ait dite était : “Mon petit, le plus important dans la musique ce sont les contrats et la femme. Si tu as la mauvaise femme, tu as un mauvais contrat et tu es foutu” et ça m’a marqué.

En y repensant, je n’étais pas son manager mais plutôt son stagiaire (rires) et c’est comme cela que tout a commencé.
Mon rêve était d’être valorisé aux yeux des personnalités de ma famille afin d’un jour travailler pour eux, les booker et je pense qu’aujourd’hui je peux fièrement dire que j’en suis capable.

Quels sont tes nouveaux projets, ton actualité chaude ?
Je vais continuer le booking parce que j’ai des dates qui arrivent avec de nombreux artistes. Récemment, j’ai booké Kaaris à Abidjan.
Puis, j’y suis retourné aux côtés de Damso pour la fin d’année. Il y a des projets de développement d’artistes qui continuent.
Je peux citer l’artiste D. Ace et j’invite les lecteurs à aller voir son travail. Quand je l’ai rencontré, il avait 2000 abonnés sur YouTube. Aujourd’hui, il en a 120 000.
On a travaillé avec Hiro et bien d’autres… On est sur le marché.
Mon projet, à moyen terme, est de développer au maximum la musique africaine sur le continent et en Europe. Je suis très panafricain et je me sens autant proche des Congolais que des Camerounais ou Ivoiriens.

1414985_10205470180649373_5633029431136666031_o

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaiterait se lancer ou s’investir dans l’industrie musicale ?
De faire les choses dans l’ordre. L’ordre, ce n’est pas d’ouvrir un label. L’ordre, c’est d’abord de connaître les gens, d’être identifié. Il faut avoir les contacts, chercher les contacts, partir dans les cocktails, mouiller son maillot et toujours avoir un produit sur la table. L’industrie musicale, c’est pareil que l’industrie du textile, si tu n’as pas de produit, personne ne te calcule.

Quel est ton attachement avec le Congo ?
Quand je rentre chez moi, je ne mange rien d’occidental. Quand je suis avec un Congolais, de Maître Gims à Keblack, en passant par Gradur, je ne leur parle pas en français, mais uniquement en lingala. Je pars à Château Rouge, je fais mes courses tout seul, voilà qui je suis. Je vais voir le disquaire qui nous a distribué les plus gros albums de Koffi Olomide, je vais voir ceux qui ont fait les plus belles années des théâtres congolais. Je suis celui qui fera en sorte qu’on puisse toujours parler
en bien du Congo. Aujourd’hui, par exemple, j’organise des rencontres, des fans zones de la RDC contre n’importe quelle équipe. L’idée est de rassembler cette diaspora, toujours avoir une attache avec le pays… C’est ce que je suis.

Si je te dis ROOTS, qu’est ce que cela t’évoque ?
Kunta Kinte !

Édition ROOTS n°20 spécial Kongo