Rencontre avec l’un des chouchous de la télévision congolaise.
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Ado Yuhe, je suis originaire de Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Je suis journaliste, spécialiste de la chronique musicale et la chronique politique. Cela fait déjà quatorze ans que je suis dans la presse, j’ai parcouru pas mal de télévisions et, actuellement, je suis sur B-One Télévision, avec l’émission que je présente : Face à la caméra. Je veux être la voix des sans-voix.
Qu’est-ce qui fait votre différence dans le métier ?
Ma particularité est que je pose des questions qui troublent, pour faire ressortir la réflexion de la personne. J’ai une autre conception du traitement des invités, mais cela va plus loin. Chez nous, en ce qui concerne la chronique musicale, on respecte seulement les artistes à succès. Je n’hésite pas à aller à la rencontre des anciennes gloires dans mon concept « Que sont-ils devenus ? ». La valeur d’un artiste dépend de ses œuvres, pas de son buzz. Je relance un peu ces artistes pour faire comprendre qu’un artiste reste un artiste. En ce qui concerne la politique, je ramène l’incorruptible à la télévision, ce sont des interviews qui sont brutes et non préparées. Je n’aime pas les émissions de politique qui font la propagande d’un politicien, j’aime au contraire les émissions qui font comprendre au politicien ce qui ne va pas, qui disent ce que pense la population.
Sur quels projets d’émissions travaillez-vous actuellement ?
L’émission Face à la caméra qui montre une facette de nos invités qui sont des hommes politiques, businessmen et artistes. J’anime également l’émission La vraie Source pour les artistes et les politiciens. Enfin, l’émission Bienvenue chez moi, où on essaie un peu de montrer l’artiste dans son intimité, comment il vit et occupe ses journées. Comme je vous le disais précédemment, j’aime mettre en avant des personnages qui sont oubliés par la nouvelle génération, j’essaie un peu de relater l’histoire pour que la jeunesse comprenne qui ils sont et ce qu’ils ont fait à travers le monde pour parler de l’Afrique.
Parmi tous les artistes que vous avez pu recevoir, lequel vous a le plus impressionné ou inspiré et pour quelles raisons ?
J’ai reçu pas mal d’artistes et celui qui m’a le plus impressionné est Papa Wemba. Premièrement, c’est la simplicité incarnée. Pendant notre entrevue, il a relaté des vérités qu’il n’avait jamais dites, notamment à propos des conflits, il a été sincère avec moi. Il m’a montré autre chose que l’image d’un artiste, il m’a montré l’image d’un parent, d’un père de famille, d’un ami, d’un Congolais conscient. Il m’a fort impressionné ! Je pourrais aussi citer Youssou Ndour, ainsi que Lokua Kanza, un artiste qui fait peu de bruit mais qui a produit de l’art, avec un grand « A ».
Vous faites un métier où les élus sont rares. Selon vous, quel est le secret d’un bon animateur et la recette pour passer à la télévision congolaise ?
Le journaliste s’adapte en fonction de la culture. Chez nous, le journalisme est une pratique rare, en réalité. C’est une activité difficile et la rémunération est faible. Il faut dédicacer une personne, un individu qui devient ton partenaire et te donne quelque chose, pour espérer s’en sortir. La presse congolaise est dépendante des mécènes. C’est uniquement en ayant un sponsor, des partenaires valables, que tu pourras être autonome et faire ton travail. Le succès dans notre profession est un processus qui se construit lentement. Aujourd’hui, j’ai la chance de m’être fait un nom, Ado Yuhe est une marque forte, donc lorsque je fais une interview on me donne du respect. C’est ça le Congo. Si tu n’as pas encore de nom, que tu sois professionnel ou très intelligent, il y aura toujours ce complexe et tu obtiendras difficilement le respect. La presse congolaise souffre de ces problèmes et de la corruption.
Que peut-on vous souhaiter pour 2019 ?
Vous savez, j’aime apparaître là où on ne m’attend pas. J’ai toujours été parmi les meilleurs sur le terrain mais, en 2019, je serais l’unique et je vais frapper très fort parce que l’émission Face à la caméra est devenue une émission de référence. Je veux ajouter cette touche de professionnalisme, cette « bourgeoisie » qui manque dans la presse congolaise. J’espère également une diffusion sur Congomonkili, un site axé sur la diaspora. Mais vous savez, je suis noir, je suis Africain et fier de l‘être, et je ne me limiterai donc pas uniquement aux Congolais. Cela doit devenir un passage obligé pour tous les personnages Africains, en général.
Si je vous dis le mot ROOTS, que cela vous évoque quoi ?
Un proverbe dit : « si tu veux cacher quelque chose à un Africain, écris-le dans un livre », car on sous-entend que l’Africain n’aime pas lire. Mais avec ROOTS Magazine, on lit et on regarde. La beauté des photos, l’écriture, le message : c’est formidable. Les paroles s’envolent, les écrits restent, alors longue vie à votre magazine !
Édition ROOTS spécial Kongo
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