Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Almamy Kanouté, j’ai 39 ans et suis Franco-Malien. J’ai grandi dans le Val de Marne et j’y suis encore aujourd’hui. Je suis éducateur spécialisé et actuellement intervenant pédagogique et éducatif, dans le public et dans le privé. À côté de cela, je suis comédien. J’ai commencé dans l’aéronautique, j’y ai travaillé quelques années, mais les pressions discriminatoires étaient tellement intenses que j’ai changé de voie. Heureusement, en parallèle, j’avais déjà créé mon association donc j’étais très bien impliqué dans le social. Je suis allé là où je me sentais plus à l’aise et plus épanoui, dans ce que je pouvais apporter en tout cas. Ce qui m’a forgé un état d’esprit de battant dans mon parcours professionnel, et dans la vie en général, est le fait de m’être confronté aux injustices et aux inégalités très tôt. Je me suis interdit d’être une victime et de toujours essayer de faire mieux que les anciens, tout en respectant ce qu’eux ont pu apporter. Aujourd’hui, je suis considéré comme un activiste politique, puisque je suis engagé politiquement. Les gens ne savent pas ce que je fais exactement et pourquoi je le fais. On peut me voir en pleine mobilisation dans la rue, sur les plateaux télé, on peut me voir intervenir dans des débats ou dans des patelins qui n’ont rien à voir avec les quartiers populaires, en Haïti, au Kenya. Jeune Français d’origine malienne, ayant grandi et évolué dans une société européenne blanche, comment est-ce que je fais ma place et comment aussi je contribue à l’évolution de mes racines, de mon continent l’Afrique ? C’est tout ce qu’on peut retrouver à travers mes actions et ce que je peux exprimer et affirmer au quotidien.
Vous sentez-vous un rôle de grand frère auprès des plus jeunes générations ?
L’appellation grand frère me dérange. Je me considère juste comme un référent pour nos jeunes issus de quartiers populaires. J’aurais aimé, dans mon adolescence, rencontrer des adultes ayant une majorité de points communs avec mon parcours, mes racines, mon histoire… Quand on ouvre les livres d’histoire et qu’on commence à nous enseigner sur les ancêtres les Gaulois, on peut se sentir étrangers à la conversation (rires). Heureusement qu’il y a l’enseignement au sein du cercle familial, avec des anciens qui nous disent ce qu’ils ont vécu et expliquent pourquoi nos parents ont dû quitter leur pays d’origine pour aller ailleurs. Tout ça pousse à une certaine réflexion où on passe par différentes phases de rejet, d’exclusion et de violence sur le plan social. Et quand on commence à mûrir, qu’on fait des recherches, là on découvre une part de nous. Cela ne fait que renforcer cette dignité, cette fierté qui, aujourd’hui, me permet de marcher la tête haute et le torse bombé. L’assurance que j’ai aujourd’hui, je l’ai gagné par moi-même. J’ai été la chercher. Quand je m’adresse aux jeunes, je les mets face à leur réalité. Plutôt que de leur apporter un plateau complet, l’objectif est de leur expliquer comment se retrouver avec les bons outils afin qu’ils soient dans une forme d’autonomie, apprennent à se débrouiller, se défendre seuls, être solidaires et tendre la main. Je leur explique aussi que ce n’est pas parce que demain tu vas réussir, que tu es supérieur à ceux que tu as laissé derrière toi. La jeunesse, par manque de repères et de références, s’auto-exclut alors que la société s’en charge déjà suffisamment bien.
Qu’est-ce que représente le Mali pour vous ?
Le Mali, sans mauvaise prétention, est l’une des parties du continent qui a fait que l’Afrique a encore sa part de dignité. On avait des empires, des royaumes, de grandes femmes et de grands hommes… Cette zone que représente le Mandé est une richesse qu’on ne peut pas négliger. C’est une richesse culturelle qui m’a aidé dans la construction de ma personne, ma personnalité et permis d’assumer pleinement ce que je suis, ce que je représente dans la société. De plus, le fait que je porte le nom d’un guerrier mandingue, Almamy Samory Touré, me permet de me sentir encore plus fort (rires). Aujourd’hui, mon objectif principal avec mon association Attitude est d’assurer une transmission par tous les moyens nécessaires pour aider à construire la future génération.
Quels sont vos projets pour 2019 ?
Pour 2019, j’apparais dans deux longs métrages qui ont été tournés en 2018. Mon frère, produit par Sadia Diawara – que vous avez aussi interviewé par rapport à Road Trip – et réalisé par Julien Bram de La Cité Rose, avec MHD en rôle principal et où je figure en tant que comédien et que coscénariste. Le 2ème film sera Les Misérables de Ladj Ly, avec Vincent Cassel et toute l’équipe. Il y aura aussi la sortie d’un court-métrage, Mama Lova, où j’ai aidé un ami en tant que régisseur général et qui a été tourné à Fresnes. Puis, j’espère la sortie de mon livre que je devais commencer il y a 2 ans déjà, mais qui se fera dans la foulée. Il n’a pas encore de nom mais il sera présenté sous 3 formats : écrit, audio et court-métrage.
Enfin, je veux développer ma nouvelle association Attitude qui résume ce que j’ai pu évoquer, c’est-à-dire créer des socles avec des ambassadeurs et ambassadrices.
Édition ROOTS n°21 – Spécial Mandé
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