C’est dans le petit village de Great Barrington, situé dans le Massachusetts, que William Edward Burghard (W.E.B.) Dubois a vu le jour, le 23 Février 1868. Né libre, 3 ans après l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis, ce garçon d’origine haïtienne allait connaître une destinée bien plus riche que la plupart de ses semblables, et cela grâce aux études.
Pourtant ses premières années ne furent pas toutes roses, abandonné par son père à l’âge de 2 ans, c’est seul avec sa mère Mary Dubois (née Burghard) qu’il grandit dans la pauvreté.
Malgré les difficultés financières, dès son plus jeune âge WEB Dubois se démarque de ses camarades, à seulement 15 ans il est le correspondant local du journal New York Globe. Doué intellectuellement, ses professeurs le soutiennent et l’encouragent, il obtient une bourse d’étude et l’aide financière de quelques amis. Ainsi en 1885, l’année même où sa mère décède, il emménage dans le sud et intègre l’université Fisk à Nashville dans le Tennessee. C’est dans cette ville, loin de son petit village paisible, qu’il prend conscience de l’oppression que subit le peuple noir: la ségrégation est instituée et les actes racistes sont courants. Une fois son Baccalauréat obtenu il poursuit ses études et intègre la prestigieuse université d’Harvard.
Fortement influencé par William James, son professeur de philosophie, il décide de s’orienter plus précisément dans l’étude des sciences sociales.
En 1892, dans la continuité de son parcours scolaire, il emménage à Berlin en Allemagne. Ses déplacements dans les grandes villes d’Europe, lui ouvrent un peu plus les yeux sur la condition des Afro-Américains car contrairement aux Etats-Unis les minorités n’y subissent pas de si grandes oppressions.
A son retour il regroupe dans un livre les résultats de son enquête sociale, « The Philadelphia Negro », littéralement Le Noir de Philadelphie (ville qui au XIXème siècle abritait la plus forte concentration de noirs). C’est en 1895, qu’il inscrit enfin son nom dans l’histoire en devenant le premier Afro-Américain à décrocher un Doctorat à Harvard.
Les offres d’emplois affluent désormais pour WEB Dubois, il enseigne dans les grandes universités américaines notamment à Atlanta. Pour autant l’histoire ne s’arrête pas là, même si son nouveau statut lui permet de mener une vie tout à fait convenable et paisible, il décide d’œuvrer en faveur des siens et d’autres minorités.
En 1900 à Londres il participe à la toute première conférence panafricaine, le but étant de protester contre les agissements des colonisateurs sur le continent africain.
Le mouvement visant à réunir les africains ainsi que leurs descendants est lancé. Trois ans plus tard paraît son deuxième ouvrage: The Soul of Black Folks (L’âme du peuple Noire), qui met en lumière le double statut qu’occupe un homme noir et américain.
En 1905 il participe au Mouvement du Niagara, à un débat concernant l’appel au suffrage universel, l’élimination de toutes formes de ségrégation et la généralisation de l’enseignement pour tous.
Quelques années plus tard, il prend part à la création du mouvement National Association for the Advencement of Colored People, plus souvent désigné par son sigle NAACP. Fondée en 1909, cette organisation est encore de nos jours l’une des plus influentes dans le domaine de la défense des droits civiques aux Etats-Unis. Son idéologie est «Promouvoir l’égalité des droits et éradiquer les préjugés raciaux ou les préjugés de classe parmi les citoyens des Etats-Unis; promouvoir les intérêts des citoyens de couleur; leur garantir des élections impartiales; accroître leurs capacités à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, à obtenir une éducation pour leurs enfants, et à trouver un emploi, en fonction de leurs compétences et dans le respect d‘une complète égalité de tous les citoyens devant la loi». Il devient même l’éditeur du magazine affilié à la NAACP: The Crisis.
Dans les années 20, Web du Bois contribue à la reconstruction culturelle d’Harlem, durant cette période que l’on
nomme Harlem Black Renaissance. Il prône le développement de la littérature et de l’art noir, il organise et participe également à des concours et défilés dans le quartier.
Il crée aussi des coopératives regroupant producteurs et consommateurs noirs afin de mettre en place une économie parallèle face aux commerçants blancs racistes.
En 1951, en pleine Guerre Froide et alors que les Etats Unis vivent les grandes heures du maccarthysme, il est poursuivi par la justice américaine qui le soupçonne d’être un sympathisant du parti communiste et d’agir pour le compte d’une puissance extérieure. Cet événement va changer sa vie, désillusionné par son pays c’est 10 ans plus tard qu’il rejoint officiellement le parti communiste et s’expatrie au Ghana.
Agé de 93 ans il décide même de se faire naturaliser ghanéen. Incité par le président ghanéen, Kwame Nkrumah, il entame la rédaction d’une encyclopédie africaine. Cependant il décède avant d’avoir achever son œuvre le 27 Août 1963 à Accra.
La même année nait l’O.U.A. (Organisation de l’Unité Africaine) rebaptisée en 2001 Union Africaine.
Certes, W.E.B n’est pas aussi connu que Rosa Parks, Martin Luther King ou Malcom X, mais tâchons de ne pas oublier que ses actes, son engagement et son combat leur a assurément ouvert la voie.
«L’histoire ne peut ignorer WEB Dubois car l’histoire se doit de refléter la vérité, et le Dr. Dubois était non seulement un explorateur infatigable mais aussi un analyste doué dans le domaine de la société… Rares sont les intellectuels qui ont étudié de manière objective le peuple Noir et il a essayé de combler cet immense vide. La qualité de ses observations révèle la grandeur cet homme.» Martin Luther King Jr.
Par Tamandra Geny
Édition : ROOTS n°5
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