TITIA KANDOLO : La mode & bien plus

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Laëtitia Kandolo, 25 ans. Je suis styliste et directrice artistique. J’ai opté pour un Bachelor en Fashion Business dans la prestigieuse ESMOD (école supérieure des arts et techniques de la mode). Depuis 3 ans, je suis designer et j’ai lancé ma marque Uchawi, au Congo Kinshasa. Si les Brazzavillois veulent bien m’accueillir, je traverserai le fleuve sans aucun souci (rires).

Revenons un peu sur ton parcours. Comment as-tu atterri dans le milieu de la mode ? Est-ce venu par hasard ou étais-tu prédestinée à évoluer dans ce milieu ?
Honnêtement non, je ne pense pas que j’étais prédestinée à faire de la mode parce que, contrairement à la plupart des gens qui répondent à ce genre de questions, ce n’était pas une passion lorsque j’étais plus jeune. J’ai commencé à m’intéresser à la mode à l’âge de 17 ans, mais j’aimais les arts en général. À cette époque, je faisais de la danse. J’ai commencé à découvrir l’univers du spectacle et j’ai été captivé par les costumes. C’est à ce moment là que j’ai plongé mon nez dans la mode.

Quels ont été tes premiers pas dans le milieu de la mode ?
En 2011, c’était ma première année en école de mode. J’ai fait un premier stage en bureau de presse et, suite à cela, j’ai commencé à travailler avec la fondatrice du magazine Ghubar. S’en est suivie une collaboration avec Mario Faundez pour le WAD Magazine. J’ai notamment fait un stage avec deux grandes stylistes américaines qui, à l’époque, travaillaient pour les Black Eyed Peas. Ils mettaient en place leur dernière tournée et je les ai assisté sur cette aventure. On va dire que cela a été la grande ouverture sur le reste des artistes avec lesquels j’ai collaboré, par la suite.

Quelle a été ton expérience la plus marquante ?
Je dirais que ce sont les 3 années passées avec Kanye West. En 3 ans, j’ai beaucoup appris. De son vestiaire personnel à son mariage, tu pénètres tout de même dans sa vie personnelle. J’ai assisté sur ses concerts, ses events, ses marques, ses collaborations avec Adidas. En fait, tu vois tout. Tu fais du shopping pour la personne dans sa vie normale, en même temps tu travailles sur le personnage qu’il est sur scène. Tu vas aussi travailler sur ses lignes de vêtements et toutes les recherches qu’il y a derrière chacune des pièces… Contrairement à ceux que les gens disent, Kanye West est ce qu’il est aujourd’hui parce que le mec taffe comme un dingue, il se réveille très tôt le matin et se couche tard, il n’y a pas de secret. Ce n’est pas un super héros, juste un humain qui se donne la peine de réussir. Du coup, cela te motive derrière à faire ton propre projet !

Quel état des lieux fais-tu du marché de la mode en Afrique ?
Aujourd’hui, l’urgence est de construire les infrastructures de base dont la mode a besoin. On entend souvent que les Africains, en général, ne sont pas qualifiés et les finitions mauvaises, mais ce que les gens ne précisent pas est qu’il n’y a pas de marques locales et pas d’opportunités. Les gens n’ont pas l’opportunité d’évoluer, ils apprennent et, ensuite, ils font les choses dans leur coin. Alors qu’en Occident, on a la possibilité d’apprendre à l’école, puis dans une entreprise et ensuite on peut se lancer. Le problème en Afrique est qu’on n’a pas l’entre-deux, il n’y a pas d’entreprises qui font que quelqu’un puisse grandir dans sa tête au-delà d’un point de vue scolaire. Il est clair que tant qu’on n’aura pas les marques sur place, ni les manufactures, nos productions seront toujours limitées et on ne pourra jamais produire en grande quantité…

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Ton parcours ferait rêver des milliers de jeunes femmes parce que la mode est un secteur est très bouché. Quels conseils pourrais-tu donner ?
Il faut prendre le temps d’apprendre. Il faut prendre le temps de faire mûrir le projet dans lequel on veut se lancer. Il y a des personnes pour lesquelles cela pourra prendre 6 mois, d’autres 5 ans, mais il ne faut pas avoir peur et ne surtout pas se comparer aux autres.

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Il s’agit d’un spécial Kongo. Quelle part occupe-t-il dans votre vie ?
Disons que je n’ai pas trop eu le choix. J’ai deux parents Congolais donc j’ai toujours grandi avec un pied en France et un pied au Congo. Je dis souvent que le Congo est la moitié de ma vie : c’est le lingala, c’est la musique et c’est une culture qu’on ne peut pas négliger. C’est un pays qui, d’un point de vue culturel, a beaucoup marqué l’Afrique. Ce sont des courants qui ont profondément impacté le reste de l’Afrique, je pense par exemple à l’Abacost de Mobutu qui n’était pas juste un costume mais une vraie revendication face à l’Occident. Pour moi, le Congo, au-delà du fait que ce soit mon pays d’origine, est le centre de l’Afrique, c’est un pays clé. Comme le disait le célèbre Frantz Fanon : “l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo”.

Quels sont tes projets pour 2018 ?
Une nouvelle collection et une série de petits documentaires sur tout ce que je fais. Cela m’évitera de faire des interviews étant donné que je n’aime pas ça (rires). Disons que cette une série de documentaires va permettre aux gens de mieux comprendre ce qu’est mon métier, voir les hauts et les bas, les paillettes, les crises…

Si je te dis le mot “ROOTS”, cela t’évoque quoi ?
Une Afrique unie et qui avance, main dans la main.