Très vieille tradition datant au moins du XVIIIème siècle, la scarification (haabré en langue ko) est un rituel qui consiste à inciser la peau à l’aide d’une lame bien aiguisée, recouvrir la plaie alors ouverte de beurre de karité, de suc ou cendres de plantes médicinales ou de boue, et ainsi laisser se former un motif sur la peau.
Ces balafres et incisions abdominales et dorsales sont particulièrement présentes chez les peuples d’Afrique occidentale et équatoriale. Elles auraient été apportées au Sahara et en Afrique subsaharienne par les peuples métissés d’Égypte.
Historiquement, la scarification était utilisée par les tribus sur le champ de bataille pour distinguer le partenaire de l’ennemi. Au fil des siècles, elle a gardé sa signification ethnique notamment chez les Bambara du Mali, qui l’utilisent pour se distinguer des autres ethnies. Des signes faciaux et corporels peuvent néanmoins, par coïncidence, être partagés par des tribus.
Peu et à peu, ces incisions ont revêtu de nouvelles valeurs : telles des cartes d’identité griffées à même le corps, les scarifications ont été utilisées pour afficher son statut social ; elles ont aussi été considérées comme des accessoires de beauté notamment chez les femmes ghanéennes. Certaines tribus leur attribuent même des vertus médico-religieuses : les incisions au niveau des articulations aideraient à lutter contre les rhumatismes, d’autres seraient des protections contre les mauvais esprits. Pour les Houeda du Bénin, la scarification est un moyen de renouer avec leurs racines et ancêtres et revêtent une valeur commémorative du passé de leur village.
Néanmoins, la scarification fait aussi l’objet d’un débat de plus en virulent quant au maintien de ce rituel. En effet, le manque d’hygiène fréquent des sculpteurs scarificateurs posent le problème du risque de contamination du VIH ou du tétanos. Au Nigéria, la scarification des enfants a été interdite au nom des droit des enfants. Car oui, il ne faut pas le négliger : la scarification demeure pour de nombreuses tribus un acte imposé par les parents à leurs enfants comme chez les Sara du Tchad, qui utilisent l’incision comme rite de passage de l’enfance à l’âge adolescent, et la pratiquent aussi sur les enfants de bas âge.
Ces scarifications ont actuellement été mises sous le feu des projecteurs et transformées en objet d’art notamment à travers le livres de photos Scarification de l’artiste belge Jean-Michel lajot, publié en 2008, puis par l’exposition de Joanna Choumali qui s’est achevée fin août à Jaborandi. Il n’est pas étonnant de voir que les principaux modèles paraissent tous avoir plus de 30 ans.
De plus en plus de jeunes hommes et femmes rejettent effectivement la scarification, la qualifiant de rite archaïque et dépassé.
Dès lors, les scarifications soulèvent bien le problème du tiraillement de la jeunesse entre modernité et poursuite de certaines traditions.
Édition : ROOTS n°13
Commentaires