Diane Audrey Ngako, 25 ans, est ce que l’on appelle une entrepreneure créative partagée entre son travail de journaliste, sa passion pour la photographie et son site Visiterlafrique.com. En mai 2016, le magazine Forbes l’a classée parmi les 30 jeunes de moins de 30 ans les plus influents du continent africain. Elle est née et a grandi à Douala qu’elle a quittée à l’âge de 12 ans pour débuter une nouvelle vie en France et aux Etats-Unis 6 ans plus tard. EN août 2016, elle retourna s’installer chez elle, au Cameroun, afin d’inspirer les jeunes à croire en leur potentiel et celui du continent.
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Diane Audrey, j’ai 25 ans. Je suis née au Cameroun, je suis arrivée en France à l’âge de 12 ans dans un petit village du Loiret où j’ai eu mon bac. Après l’obtention de celui-ci, je suis partie aux États-Unis durant une année pour suivre des études de politique et de sociologie. C’était en 2009, soit un an après l’investiture de Barack Obama. Après avoir effectué un stage qui m’a amenée à la Banque Mondiale, je me suis rendue compte que j’avais un profil plus proche de la communication. C’est comme ça que je suis revenue en France reprendre mes études. J’ai eu en juillet 2015 mon Master 2 en Communication Stratégique. Entre temps, j’ai travaillé à la rédaction du magazine Roots de juin 2011 à juin 2014. En juillet 2014, Le Monde m’a contactée pour intégrer sa rédaction et développer son nouveau projet : Le Monde Afrique. Je suis aussi sur TV5 Monde depuis janvier 2015 où je tiens deux fois par mois des chroniques au Journal Afrique. Et naturellement mon plus beau projet, que je défends depuis deux ans, est Visiterlafrique.com que j’ai monté le 30 juin 2014.
Raconte-nous ton enfance… Tu es née au Cameroun et tu as rejoint ta mère dans le Loiret à l’âge de 12 ans. Comment s’est passée ton intégration ?
Ce n’était pas évident ! Lorsque je suis arrivée en France dans ce petit village où il y avait 1500 habitants, nous n’étions que 3 noires: ma mère, ma sœur et moi-même. La première année, il y avait beaucoup de racisme. Je me suis renfermée sur moi-même durant cette période et c’est ainsi que j’ai squeezé mon africanité. Et je suis devenue la “blanche/noire”, ce qu’on appelle traditionnellement “la bounty”. C’est après mon année aux États-Unis que je me suis rapprochée de ma culture et mes origines. Travailler chez Roots m’a notamment aidée à rencontrer des africains de tous horizons et toutes ces histoires reçues m’ont aidée à comprendre qui j’étais et d’où je venais.
Qu’est-ce qui explique tes études dans la communication ?
Je pense que je suis née pour faire de la communication. J’aime l’idée de fabriquer des idées pour connecter les marques avec le monde qui les entoure.
Quelles sont les dimensions que tu aimerais donner à Visiter l’Afrique à court, moyen et long terme ?
À la base, je voulais créer Visiter le Cameroun mais en discutant avec deux amies, je me suis dit qu’il était mieux de voir grand et j’ai ouvert à l’Afrique. Visiter l’Afrique est une plateforme numérique, interactive et collaborative, dédiée au tourisme et à la culture sur le continent africain. Des voyageurs y publient leurs carnets de bord. Des habitants racontent leur quotidien et nous font découvrir leur village, leur ville et leur pays.
Aujourd’hui, l’Afrique est principalement représentée par des non-Africains via divers médias. Ils présentent souvent une
Afrique misérabiliste, où seuls famine, guerre, pauvreté et autres fléaux règnent. Après avoir voyagé dans plusieurs pays africains, on se rend compte que l’Afrique a plusieurs facettes : ses beaux paysages, sa vitalité, son peuple chaleureux et accueillant, ses multiples opportunités tout comme ses vastes défis.
Le site Visiter l’Afrique a donc été une évidence :
Il fallait montrer l’Afrique telle qu’elle est vraiment, en repensant son image, loin des stéréotypes, sans nier ses problèmes, mais plutôt en mettant en avant ses atouts et ses opportunités.
As-tu rencontré des difficultés dans ce projet ? Si oui, lesquelles ?
Pas vraiment ! Le plus dur est de réunir les gens pour qu’ils croient en tes projets. Mais lorsqu’ils voient que sur le long terme tu travailles bien et que tu es constante, ils te suivent.
Pensais-tu que Visiter l’Afrique allait prendre une aussi belle tournure ?
Non, mais la vie nous réserve souvent de belles surprises et celle-ci en est une. Ce projet m’a donné envie de rentrer m’installer sur le continent entre 3 pays : le Cameroun, la Côte d’ivoire et le Sénégal.
Quelle est la dimension que tu aimerais donner à Visiter l’Afrique à court, moyen et long terme ? Que souhaites-tu améliorer ou mettre en place ?
Notre but est de développer notre audience anglophone. Ils nous connaissent bien sur les réseaux sociaux mais nous souhaitons que ces internautes deviennent des visiteurs réguliers de notre plate-forme. Il y a un marché en particulier qui nous intéresse : le Nigeria, le pays le plus peuplé du continent.
J’y vais justement dans quelques mois pour pouvoir développer cette destination sur le site et nous faire connaître localement. À moyen terme, nous sortirons un magazine papier dédié au tourisme
et à la culture. L’année prochaine, on va sortir un premier guide touristique sur une ville africaine. Dans la foulée, nous plancherons sur une levée de fonds pour passer à une autre étape avec Visiterlafrique.com.
Quelles différences fais-tu entre Diane, l’ancienne entrepreneure et la nouvelle entrepreneure ?
Il y a encore un an, je ne considérais pas ce que je faisais comme de l’entrepreneuriat. J’aidais les entrepreneurs à atteindre leurs objectifs sans me dire que j’étais une entrepreneure. C’est lors du succès de la campagne de crowdfunding de Visiterlafrique.com, où nous avons récolté 17.000 euros, que je me suis dit que je me lançais vraiment dans une aventure.
Mes expériences aux côtés d’autres entrepreneurs m’ont permis de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’eux en anticipant certains éléments. En un an, j’ai appris à travailler avec une équipe, j’ai mis en place un management linéaire ce qui laisse penser que les filles de mon équipe sont mes associées. Je prends le temps de former, de guider tout en laissant à chacune la possibilité de rêver et s’épanouir.
Quel message ou conseil pourrais-tu donner à la diaspora africaine qui vit en France ?
Je leur dirais de croire en eux et en leur potentiel. Il y a une citation de la productrice américaine Shonda Rhimes que j’aime beaucoup : “They tell you : Follow your dreams. Listen to your spirit. Change the world. Make your mark. Find your inner voice and make it sing. Embrace failure. Dream. Dream and dream big. As a matter of fact, dream and don’t stop dreaming until your dream comes true. I think that’s crap. I think a lot of people dream. And while they are busy dreaming, the really happy people, the really successful people, the really interesting, powerful, engaged people ? Are busy doing.”
Quelles sont tes inspirations ?
Je pense que je tiens mon caractère naturellement de ma mère Léocadie Logmo Ducrot et sa soeur Lisette Moume. Je suis également inspirée par Oprah Winfrey car elle nous montre qu’on peut partir de rien et tout construire. C’est un peu ça l’histoire de mon père qui a été orphelin très tôt et qui a réussi dans la vie en étant bon élève. Je m’inspire de mes rencontres, de ceux qui m’aident à construire mes souvenirs de voyage.
Les gens me disent souvent que je suis chanceuse mais je leur réponds toujours : « Je ne suis pas plus chanceuse que toi. Je suis simplement intelligente, talentueuse, je saisis les opportunités qui s’offrent à moi et surtout je travaille dur. »
Si je te dis « Roots », cela t’évoque quoi ?
Mes origines, le Cameroun, mon Afrique. Vous savez, nos origines sont comme un rétroviseur sur une voiture, il nous faut constamment avoir l’oeil dessus, regarder derrière pour pouvoir aller sereinement de l’avant. L’origine est toujours une bonne base de départ dans la vie.
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