CHRIS MACARI, il a mis le rap français à ses pieds

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Chris Macari, 36 ans, réalisateur d’origine antillaise. J’ai grandi en Martinique jusqu’à l’âge de 18 ans pour mes études. J’ai étudié à la prestigieuse école du 6ème arrondissement. D’ailleurs je passe un salut au directeur M. Alain Rouleau qui m’a beaucoup aidé.

Comment es-tu arrivé à la vidéo ?

J’étais fan de hip-hop américain, de leurs visuels et j’ai appris sur le tas. À l’école, on apprenait des logiciels d’effets spéciaux tels que After Effect, j’ai commencé comme cela. En même temps, je faisais des recherches sur Internet, je lisais des bouquins sur Spike Lee, etc.

Tu es dans le “game” désormais depuis combien de temps ?

De façon réellement professionnelle, cela fait 10 ans avec ma boîte Tchimbé Raid que j’ai ouverte en février 2006. J’ai débuté avec des clips de zouk, même si je faisais quelques clips de rap, mais c’était plus de l’apprentissage. J’ai rencontré Princess Lover, Aly Angel, etc. Le bouche à oreille a fonctionné jusqu’à ce que je rencontre Mac Tyer.

Par la suite, était-ce une volonté délibérée de t’orienter vers le rap ou cela s’est-il imposé à toi par la demande ?

Je suis fan de rap, je n’écoute quasiment que cela. J’ai fait mon site internet, puis je suis allé démarcher les rappeurs, notamment au Quai 54 où j’ai fait la rencontre de Mokobé et Manu Key, ainsi que de Booba.

Aujourd’hui, toute personne fan de hip-hop sait de quoi il s’agit lorsque l’on dit « Chris Macari ». Mais qu’est-ce qui fait « la touche Chris Macari » ? 

Je ne sais pas si je pourrais y répondre. Je dirais que j’ai une certaine habileté à caler les images sur le rythme du morceau et, peut-être, un étalonnage particulier. J’essaye de faire vivre les images, mais je ne serais pas assez objectif pour décrire une touche Macari.

Ton nom est automatiquement affilié à celui de Booba. On a l’impression qu’il y a une longue histoire d’amitié entre vous. Comment décrirais-tu vos rapports professionnels ?

J’ai connu Booba en 2008. On communique énormément, on parle régulièrement de cinéma, de clips qu’on a vus. On a à peu près les mêmes goûts aussi bien musicaux qu’au niveau de l’image. C’est quelqu’un de professionnel et de très strict et qui sait ce qu’il veut. Tu dois être assidu et perfectionniste quand tu travailles avec lui. Notre relation est professionnelle mélangée à de l’amitié et cela fonctionne bien depuis 2009.

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Ton clip préféré avec Booba ?

Peut-être « 92i Veyron ». On avait privatisé un boulevard à Los Angeles. C’était « ouf » de pouvoir faire cela dans une telle mégalopole ! Ce clip est exactement la vision que j’avais du son, c’était vraiment toutes les idées que je lui avais proposées car Booba n’avait pas trop d’inspiration sur ce morceau. Il voulait simplement quelque chose d’intimiste et c’est ce que j’ai essayé de reproduire. Le gars revient du futur avec sa Lamborghini, il se pose en pleine ville, parle au peuple et, ensuite, il se casse et repart dans son futur (rires). Booba a vraiment « kiffé » et ce morceau me marque particulièrement car c’est l’un de ceux que j’ai monté le plus vite, en seulement 3 jours. J’aime aussi énormément « Bakel City », qui est un clip vraiment très street. En fiction, je dirais  « Validé », en featuring avec Benash. C’est difficile de faire un choix car ces dernières années nous nous sommes beaucoup amusés et de nombreux clips me tiennent à cœur. J’oublie évidemment « Comme les autres » avec le grizzly.  Dans le Montana, sous -12°C. Nous avons tourné ce clip en janvier 2016 et l’ours était en pleine période d’hibernation. Il n’était pas drogué, mais juste un peu endormi. C’est un grizzly qui est souvent utilisé pour les pubs, les longs métrages et il est habitué à l’homme. Booba s’est familiarisé avec l’animal et lui donnait des boulettes de viande pour qu’il retienne son odeur.  Du coup, il était cool avec nous !

“ Mon clip préféré ? « 92i Veyron ». On avait privatisé un boulevard à Los Angeles. C’était « ouf » de pouvoir faire cela dans une telle mégalopole ! ”

Tu collabores également avec les artistes qui évoluent dans la sphère de Booba. On pense à Damso, 40 000 gang et Kalash, notamment… Est-ce que ce sont les chanteurs qui se greffent à ton univers ou t’adaptes-tu au leur ?

Je m’adapte aux artistes. Kalash n’a rien à voir avec l’univers de Booba, c’est un artiste antillais qui a fait ses preuves bien avant que je ne travaille avec lui. J’essaye de m’adapter à ce qu’il veut et à ce que je vois de ce qu’il fait. Pareil pour Damso, c’est un jeune artiste mais qui a déjà marqué son univers avec des titres forts comme « Autotune ». J’essaye de m’adapter au maximum.

Il y a 3 ans, dans les pages de ROOTS, tu nous confiais avoir des envies de courts et longs métrages. Où en sont ces projets ?

J’ai fait un court métrage en 2013. Il est fini et dans la boîte. On ne peut pas le sortir pour des soucis juridiques mais il est là. Après, les propositions de courts métrages ou cinéma arriveront. Je suis patient, je suis toujours sur mes clips vidéos mais j’écris des choses à côté, je réflechis à d’autres concepts. Je pense que cela arrivera un jour, je ne suis pas inquiet.

Si tu pars sur du long métrage, tu t’inspirerais d’un Spike Lee, Tarantino… Ou seulement du 100% Chris Macari ?

Du Chris Macari, évidemment. Il y a de très grands réalisateurs qui m’ont inspiré et qui m’inspirent toujours, mais je ferai en sorte de toujours garder ma touche. Ce ne sera pas forcément des films de gangster, je peux m’adapter à tout. J’aime beaucoup les comédies romantiques, les thrillers, les films d’action. J’aimerais toucher à tout, mais le seul truc qui me fait un peu peur est la science fiction car il faut que tout soit complètement carré pour être crédible.

Quel est ton regard sur le manque de diversité dans les fictions françaises ?

Le cinéma français n’est pas encore prêt à avoir un cinéma afro « sérieux ». Je ne dis pas que tout ce que Ngijol & co ont fait n’est pas sérieux, au contraire, mais je pense que pour avoir des films d’action avec des acteurs noirs en premier rôle, il faut que l’on commence à faire des films indépendants. Personne ne le fera à notre place.

Le public est-il prêt ?

Oui. Le dernier film dans lequel jouait Kaaris, les gens sont allés le voir car ils voulaient voir comment un artiste issu du milieu rap s’est débrouillé. Pareil pour Joey Starr dans Police. Le public est prêt mais il faut que les acteurs majeurs du cinéma français le veuillent. Cela va prendre le temps qu’il faut, mais les choses vont bouger.

Si je dis “Roots”, cela t’évoque quoi ?

Je suis fan ! Je reprendrais l’interview de Georges Pau Langevin lue dans votre magazine et qui s’enthousiasmait d’une telle oeuvre, qui met aussi bien en avant notre culture, dans toutes ses composantes : artistiques, politiques, culturelles… Et avec autant de professionalisme et de créativité !