Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Ibrahim Diakité, j’ai 34 ans et je suis d’origine malienne, de la région de Kayes. Je suis le fondateur de la marque Wéré Wéré Bazin.
Comment est né Wéré Wéré Bazin ?
C’est lorsque je suis parti au mariage de ma sœur en Côte d’Ivoire, il y a une dizaine d’années. Pendant le mariage, on nous a mis un bazin comme tout le monde, hyper balèze, les manches hyper mal cintrées et une broderie qui ne voulait rien dire (rires). Quelques jours après, je suis parti voir un tailleur pour cintrer mon bazin et il m’a dit : « ah mais c’est trop serré, ça fait trop féminin, etc. » Je me suis alors rendu compte que tout était stéréotypé dans le bazin. En général, tu as un bazin pour toute l’année, tu ne choisis pas si tu veux un bazin couleur saumon, rouge, avec une borderie, etc. J’ai alors décidé de retoucher ma tenue et le tailleur a été le premier convaincu. Puis, j’en ai fait une seconde. À force de poster sur les réseaux mes propres tenues en bazin, les gens ont commencé à me demander si je pouvais vendre pour d’autres. À ce moment là, j’étais à la fac. Je m’y suis mis petit à petit, pour rigoler, pour la famille et les amis. Disons que cela fait 12 ans que je commercialise des bazins pour la famille et les proches, et 9 ans de façon réellement professionnelle.
Pourquoi le nom Were Were ?
À la base, ce n’était pas ça, c’était Ibrahim & Doussou Couture. Il s’agissait de mon prénom et de celui de ma femme. Le nom Were Were est venu de la diva Oumou Sangaré, avec qui je collaborais et discutais beaucoup à ce moment-là. Elle a chanté un morceau qui était axé sur le bazin : « Were Were Bazin » et j’ai gardé le nom pour lui rendre hommage. Were Were bazin, c’est le fait de se comporter, c’est le « swagg » en bazin. On dit toujours que tu peux avoir un superbe bazin mais qu’il faut savoir le porter et l’accessoiriser.
Et vous conseillez aussi le client sur ce qu’il doit choisir, sur ce qui lui va le mieux ?
Oui voilà exactement. C’est un service personnalisé, sur-mesure et adaptés aux besoins des mariés ou autres clients que nous avons. Tous les modèles ne vont pas à tout le monde. Par exemple, quand un client vient, je peux l’orienter et lui dire : « mon frère je ne te conseille pas ce modèle, parce que ça ne passera pas avec ton teint car tu es trop foncé ou trop clair, ou non pas ce modèle car tu n’es pas assez galbé, etc. » On ne ment pas aux gens, parce que c’est leur image et la nôtre qui sont en jeu. C’est souvent la future mariée qui me contacte en premier lieu. Je demande alors l’origine du mari, étant donné le nombre croissant de mariages mixtes. Cela va me permettre de mieux conseiller et proposer des couleurs qui iront aux deux membres du couple. Ensuite, on prend le rdv et on se voit. Je les conseille par rapport à leur morphologie, leur teint, leur taille, le décor de la salle et par rapport au type d’évènement. On me connaît pour ça, je ne prétends pas être le meilleur mais, en France, j’ai été le 1er styliste Franco-Malien à véritablement modernizer le port du bazin. Ils savent qu’en venant chez nous, qu’ils soient Indiens, Chinois ou Maghrébins, on pourra toujours s’adapter à ce qui leur correspond le mieux.
Vous avez habillé de nombreux artistes : Oumou Sangaré, MHD, Mokobé, Fally Ipupa, etc. Quelle personnalité vous a le plus marqué ?
Oumou Sangaré ! Je l’aime depuis que je suis tout petit. Sa personne, ce qu’elle fait pour le Mali, ce qu’elle dégage, ce qu’elle chante… C’est pour ces raisons que je l’aime énormément. La 1ère fois qu’elle m’a contacté sur Facebook, je me suis dit : « C’est pas possible ! Ce n’est pas elle ! ». Nous l’habillons depuis 8 ans maintenant et elle nous donne toujours autant de force. J’espère que, dans 20-30 ans, on pourra dire la même chose de moi : « Ibrahim a été le styliste Franco-Malien qui a donné beaucoup de force, une ouverture aux futurs artistes et designers ». Les gens qui ne me connaissent pas pensent que je suis totalement inaccessible parce que j’habille des artistes, mais au contraire, ma volonté est d’être dans l’entraide.
Si vous aviez un message à adresser à la diaspora malienne ?
Foncez ! Moi-même j’ai connu des moments très durs, il y a des moments où je me disais que ce n’était pas possible, que je ne pouvais pas y arriver, qu’il fallait obligatoirement être un « gosse de riche », avoir des parents ou des potes qui peuvent te donner une grosse somme d’argent pour commencer. Mais il faut juste persévérer, c’est ce qui a été ma recette ces 9-10 dernières années. On a bossé sur de nombreux mariages, beaucoup d’artistes nous ont sollicités mais, du coté financier, ça n’a pas toujours été rose. dur. Ça peut prendre 1 an, parfois 3 ans, 5 ans… Donc si vous avez un rêve, tenez bon, ne lâchez rien. Tant qu’il y a un peu d’espoir, un peu de force, avancez, avancez, avancez !
Si je vous dis le mot « Roots », cela vous évoque quoi ?
Pour moi, le terme Roots signifie la renaissance. Un espoir pour l’Afrique.
Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof
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