Contrôle d’identité s’il vous plait ?
Je m’appelle ABD AL MALIK et je suis un artiste.
Vous sortez en date du 6 novembre prochain un nouvel album intitulé “Scarification”. Un mot qui en dit long ou pas assez sur votre projet. Alors dans quel univers nous emmenez-vous et pourquoi ?
Disons que l’on descend au plus profond, d’une certaine manière on va dans “ma nuit intérieure”. En se disant que si la nuit existe, le jour égale- ment. Et donc il ne faut pas avoir peur de l’obscurité car après la pluie vient le beau temps. Il s’agit d’un album particulier que j’ai réalisé avec Laurent Garnier, chacun a amené son monde. Le mien étant le hip-hop alors que le sien est celui de la techno, de la musique electro. Il y a donc une rencontre assez forte entre ces deux univers distincts qui j’espère donnera quelque chose de différent. Vous savez, j’ai toujours ce besoin d’aller dans des zones où personne n’est encore jamais allé. Là particu- lièrement, car nous étions tous les deux dans le même état d’esprit de confronter les deux univers.
Vous n’êtes pas seulement une célébrité mais un homme engagé dans votre foi. D’ailleurs, Abd Al Malik signifie « serviteur du Roi ». Pourquoi avoir choisi ce pseudo ? Mes parents sont chrétiens catholiques, je suis moi-même né catholique et mon prénom de baptême est Régis qui signifie roi en latin. En entrant dans l’Islam, j’ai voulu montrer la continuité de mon pélerinage spirituel et non sa rupture. Malik signifie “roi” en arabe. J’ai voulu démontrer que l’être humain est en constante évolution avec des perspectives de vie différentes.
Nous nous souvenons de votre film « Qu’Allah bénisse la France », dans lequel vous défendiez d’ailleurs un Islam réfléchi, plein de tolérance, d’acceptation de l’autre et surtout d’intégration. Pensez-vous qu’aujourd’hui plus qu’hier, nous avons besoin de tels messages à la vue de cette effervescence autour de la religion musulmane ? Je pense que c’est global et que c’est de notre ressort à tous, en tant qu’artiste. Évidemment, nous sommes différents, par nos cultures, nos couleurs et nos religions mais, au delà de ça, notre condition d’être hu- main, doit primer. Et l’art dans sa pluralité permet de voir ce qui nous rapproche et non ce qui nous sépare. En ce sens, oui, nous avons de nous rappeler que nous sommes tous liés et interconnectés les uns aux autres. Ce qui montre notre ressemblance et non notre différence, c’est l’art. Bien sûr, j’ai mon histoire de vie, j’ai ma religion mais cela rentre dans quelque chose de plus fort, de plus large : notre humanité.
Revenons à la musique. Nous savons que vous êtes d’origine congolaise. Quel est votre rapport à l’Afrique dans votre carrière musicale ?
Que ce soit en 2015 ou en 1975 année de ma naissance, j’ai toujours cette connexion à l’Afrique, en particulier avec le Congo Brazza- ville. Cela se manifeste surtout à mon rapport à ma famille et mes proches; artistiquement cela évolue. Mes racines sont africaines mais il y a une rencontre de plusieurs facteurs et aujourd’hui ça donne toujours cette mixité et ce rapport à la tribu, à la musique et une forme de nostalgie liée à un lieu. Je peux parler de Braz- zaville, de Pointe Noire car tout cela représente mon enfance. Il y a quelque chose de très fort, d’enjolivé. Dans ma musique, je ne force jamais les choses, j’aime que tout soit naturel. Par exemple dans mon précédent album qui était teinté de couleurs africaines, c’était en rapport avec mon grand-père maternel décédé. Cela m’a ramené à mes racines, mes sources. Par ailleurs, je peux citer Papa Wemba qui est juste… une légende. Avoir la chance de travailler avec lui fut magique et inspirant.
Et votre retour sur la scène française, c’est pour quand ? Et en Afrique ?
Ça arrive très prochainement. Restez à l’affut. C’est vrai que le disque qu’on amène est assez particulier et on a vraiment envie de le présenter d’une manière particulière. Nous travaillons sans prétention aucune sur quelque chose d’exceptionnel. Concernant l’Afrique, cela fait plusieurs années que l’on devait réaliser des tournées spécialement africaines mais cela ne s’est jamais fait. J’espère que cet album, nous pourrons l’emmener chez nous.
Si je vous dis “Roots”, vous me répondez ?
Je dis Afrique, histoire de vie profonde puis forcément Alex Hayley, Kunta Kinté. Je pense aussi que lorsque l’on dit “Roots” à n’importe qui, quelque soit son origine, il pensera à l’Afrique, et c’est ce qu’il y a de beau. D’une manière ou d’une autre, on est tous connecté à l’Afrique et il est temps de la magnifier comme elle se doit de l’être. Pas juste dans les mots, mais aussi dans les actions fortes et con- crètes. Pas seulement économiques, mais également culturelles et intellectuelles.
Édition : ROOTS n°15
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