C’est lors du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage que la ville de Nantes a décidé de créer un lieu de commémoration, inauguré en grande pompe le 30 mars 2012 avec les présences entre autres de l’actuel premier ministre et ancien maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, l’actuelle Garde des Sceaux Christiane Taubira, l’ancien président du Bénin Nicéphore Soglo ou encore de l’ancien footballeur et très engagé Lilian Thuram. Car Nantes détient la palme peu flatteuse du premier port négrier français, des millions d’esclaves issus du commerce triangulaire ayant transité par ce port. De ce business humain, la ville s’est enrichie. Situé au bord de la Loire, afin de rappeler d’où amarraient les esclaves, le mémorial souhaite montrer que la lutte pour la liberté fut difficile. Du XVI ème siècle au XIXème siècle, l’esclavage des “nègres” était jugé normal, d’un point de vue philosophique comme religieux, l’Homme noir étant considéré comme un bien. Un bien matériel transmissible et négociable : propriété de familles riches françaises, notamment en Loire Atlantique et Vendée. Ce n’est qu’au XVIIIème siècle, que les philosophes des Lumières protestent contre la condition de nos esclaves. « Liberté » et « Egalité » sont les valeurs prônées par ces derniers, ce qui, vous le conviendrez, colle assez mal avec le projet esclavagiste. Finalement, il faudra une révolte des esclaves des Antilles françaises, accompagnés du français Victor Schoelcher, député français de la Guadeloupe, pour que toutes ces « joyeusetés » ne cessent. Ce politicien va contribuer à l’adoption du décret sur l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848 en France. Aux Etats-Unis, l’abolition de l’esclavage sera proclamée le 1er janvier 1863 par le président Abraham Lincoln. A Nantes, l’artiste polonais Krysztof Wodiczko a souhaité faire de ce mémorial un témoignage d’un engagement profond pour les droits humains. Ce lieu de mémoire rappelle à chacun que derrière ses valeurs de liberté, égalité et fraternité, la France a tout de même connu un lourd passé et qu’aujourd’hui elle semble regarder dans les yeux. Espérons désormais que l’engouement pour ce lieu se démocratisera auprès du plus grand nombre (visiteurs issus de la diaspora ou non)… pour ne jamais oublier.
Par Aurelia Elunda
Édition : ROOTS n°10
Commentaires