Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je pensais qu’on était dans un truc entre frères où on n’avait pas d’histoires de papiers (rires) ! Je m’appelle Waly Dia, j’ai 28 ans, je viens de Grenoble. Je suis comédien et humoriste.
Comment ont réagi tes proches à l’annonce de ta volonté de devenir humoriste ?
Je n’ai rien dit à mes parents. Je leur ai dit que je partais à Nantes pour mes études et ils m’ont cru (rires). Je faisais de la danse hip-hop new style, et dans tous les spectacles que je faisais, j’essayais toujours de faire rire les gens, j’aimais cette réaction. Je me suis donc tourné vers le sketch.
Quelle est ta source d’inspiration pour écrire tes sketchs ?
Tout ce qui peut m’arriver, du moment où je me réveille jusqu’à ce que je me rendorme. Tout ce que je vois peut être un sujet pour mes sketchs.
Tu es en tournée avec ton spectacle Garde La Pêche et à l’affiche au cinéma dans Père Fils Thérapie. Comment arrives-tu à gérer ta notoriété ?
Tu sais… On est encore au début. Aujourd’hui, être connu de la communauté jeune, c’est très simple et ça ne veut pas dire grand chose. Le vrai combat n’est pas d’être connu mais d’être estimé. Je préfère être moins connu, mais fournir un travail plus estimé.
T’étais-tu imaginé à cette place, aujourd’hui, après ton passage à On n’demande qu’à en rire ou au Jamel Comedy Club ?
Pas du tout. En fait, avec le Jamel Comedy Club, tu sais plus ou moins ce que cela peut t’apporter, puisqu’il y a eu une génération précédente qui a percé : Ngijol, Eboué, etc…alors qu’avec On n’demande qu’à rire, c’était un projet nouveau où tu pouvais aussi bien te faire éclater la gueule devant 1 million de personnes à chaque émission que faire un truc qui allait être génial et que tout le monde allait aimer. Donc tous les jours, on se remettait en question. Tu pensais juste à la semaine d’après, pas à ce que tu allais faire dans 2/3 ans.
Que retires-tu de ces deux expériences ?
Disons qu’avec On ne demande qu’à en rire, c’était plus de souffrance. Toutes les semaines, tu devais écrire un sketch sur un sujet imposé, tu n’es pas bien, tu es gris (rires), tu ne vis pas. Durant les deux saisons, je ne vivais que pour ça, quand je sortais, je me disais “merde, je n’ai pas taffé sur ci ou ça”. C’était en quelque sorte une formation accélérée grâce à laquelle j’ai pu gagner 10 ans, puisqu’il fallait écrire des sketchs toutes les semaines, chose que tu ne fais pas si on ne te l’impose pas.
Le Comedy Club, c’était plus du kiffe. Tu es en famille, introduit sur scène par Jamel, tu racontes ce que tu veux. Ce sont donc deux écoles différentes.
Aujourd’hui, comment sont tes relations avec Jamel ?
C’est mon producteur donc il ne vaut mieux pas que nos relations changent (rires) ! Ça va très bien, c’est un artiste assez généreux. T’imagines le nombre de personnes qu’il a mis en avant?! C’est vraiment sa façon d’être.
Tu es à l’affiche d’un film dont tu as le rôle principal, mais si tu devais choisir entre la scène et le cinéma, quel serait ton choix ?
C’est comme choisir entre sa mère et son père. C’est le même métier pour moi, même si honnêtement, je ne pensais pas arriver aussi vite au cinéma. Il faut tout de même se rendre compte que, de base, faire un sketch devant des gens était quelque chose d’inimaginable si on remonte quelques années en arrière.
Je sortais de ma ville, je jouais dans la cave d’un bar devant des mecs bourrés et je me disais : “là, c’est bon tu l’as fait”. Pour moi, cela pouvait en rester là, mais les choses se sont enchaînées. A un moment, tu te rends compte qu’il y a des gens qui ont envie de venir voir tes spectacles, mais surtout de payer pour venir te voir, et c’est là que tout devient fou !
Quel est ton point de vue sur la place des acteurs noirs dans le cinéma français ?
Tu as Omar Sy qui est l’arbre qui cache la forêt, qui donne l’impression de voir plus de noirs au cinéma, mais non. Tu as quelques personnes comme Marc Zinga ou Thomas Ngijol – et encore Ngijol, c’est dans ses propres films, sinon on le voit peu, c’est donc qu’il y a encore un truc qui ne va pas bien.
Aujourd’hui, on a des rôles de noirs faits pour les noirs, mais on n’a pas encore de rôles de gens lambda interprétés par des noirs et voici tout le problème ! C’est justement pourquoi j’ai été fier de jouer dans Père Fils Thérapie, car mon personnage pouvait être joué par n’importe qui, parce qu’il n’y avait aucun rapport avec la couleur de peau. Voici ce qui manque au
cinéma français.
Penses-tu que c’est parce qu’il y a un manque d’acteurs noirs potentiels postulant ou bien parce que ceux qui ont les manettes du cinéma français pensent que le public n’est pas prêt ?
En fait, c’est un cercle vicieux. Tu as un “pôle dirigeant” qui, je pense, ne voit pas l’intérêt marketing de mettre des noirs dans des films français, ce qui fait qu’il y a plein d’acteurs qui pensent qu’ils n’ont pas leur place et donc n’osent même plus aller aux castings.
Maintenant, si on regarde 10 ans en arrière, je pense qu’il y a eu une réelle évolution. Il y a certes encore beaucoup de choses à faire, mais n’oublions pas que la communauté noire en France n’est pas la même qu’aux États-Unis, de par son antériorité d’implantationn et de par son histoire. Mais c’est en train de changer. Aujourd’hui, on commence à me proposer des choses et, en 2017, il y aura de plus grandes initiatives cinématographiques mettant en avant ce qu’ils appellent “ la diversité ”. C’est d’ailleurs un mot que je déteste, la diversité signifie que nous sommes différents et c’est comme si l’on nous faisait une faveur : “allez, vous pouvez venir, on vous accepte”, alors que c’est une réclamation juste normale !
Justement qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette année 2017 ?
La base : la santé, le kiffe, le bonheur, que la famille aille bien. et puis on a plein de projets en route et on espère que le public va aimer et qu’on va continuer à pouvoir exercer ce métier. On bosse sur le 2ème spectacle, c’était une volonté d’enchaîner tout de suite. Il y a des projets télé et cinéma qui sont cools donc on va essayer de faire en sorte que tout cela fonctionne !
Si je te dis “Roots” …
Forcément, il y a la série Racines qui revient très vite. Je trouve que c’est un nom très fort de sens et on sait d’emblée ce qu’on va lire en feuilletant votre magazine.
Édition : ROOTS n°18
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