Contrôle d’identité, sil vous plaît ?
Je suis Rougui Dia, 36 ans, née à Paris, d’origine sénégalaise et chef au restaurant Petrossian.
Comment avez-vous integré Petrossian ?
C’était en 98 et j’ai integré Petrossian parce que M. Conchi qui était le chef à ce moment-là avait proposé à toute la brigade où je me retrouvais rue Mar- beuf, dans les Persiennes, de venir au Petrossian. J’ai accepté de redescendre de grade. J’etais seconde ce moment là et je suis redescendue chef de parti. J’ai fait un peu tous les postes chez Pe- trossian et lorsque le scond est parti, on m’a proposé le poste. Et enfin, en 2005, M. Petrossian m’a proposé le poste de chef de cuisine, suite aux années pas- sées avec eux à prouver ce que j’étais capable de faire.
A quel moment vous êtes-vous découvert ce talent ?
Cela se découvre petit à petit. La base que je tiens de ma mère, sans toutefois l’égaler, est de savoir assaisonner.En- suite, on essaye sans cesse, même en étant chef. Je me remets sans cesse en question. « Est-ce que les papilles que j’ai vont plaire à tout le monde ? »
Vous êtes chef dans un grand restaurant de gastronomie russe, en quoi votre mère et la cuisine de vos origines vous aident dans votre travail?
Au départ, l’idée était de faire goûter la cuisine traditionnelle au personnel. Je voulais montrer qu’au Sénégal aussi il existe une vraie gastronomie, contrairement à ce que je pouvais souvent entendre. Et cela leur a tous beaucoup plu. J’ai grandi avec des maghrébins, des africains, des personnes de tout horizon et je voulais les faire voyager et qu’ils arrêtent avec les idées pré-conçues qu’il n’y a qu’en France qu’on est bon. Montrer que parmi les com- munautés avec lesquelles on vit, il y a aussi une belle gastronomie qui peut se mélanger à de l’européen.
Votre carte est donc une fusion de saveurs ?
Aujourd’hui, vous pouvez trouver sur la carte du restaurant de la banane plan- tain qui accompagne un pigeon rôti au praliné ou de l’hibiscus qui accom- pagne un foie gras. Je mets également beaucoup de curry dans mes plats car c’est un produit que j’aime particulièrement.
Ces innovations n’ont-elles pas effrayé les propriétaires de Petrossian ?
C’est vrai que j’ai eu le droit à une reflexion la toute première fois que j’ai proposé un plat ethnique. C’était en plat du jour une rascasse qui accompagnait un concassé de tomates à la française avec des bananes plantains, mais pas frits, je les faisais juste poêler pour faire un intermédiaire. Aujourd’hui, on me demande de refaire ce plat et même de faire du riz yassa, ce que je refuse car j’ai toujours voulu faire de la cuisine française en utilisant soit des ingrédients soit des petites techniques comme l’utilisation de la légine, un pois- son des mers australes qui rappelle beaucoup le thiof. j’y mets une farce à base de crevettes, de la crème etc donc vraiment un système à la française mais je l’intégre comme si je faisais un riz au poisson où on va mettre la farce à l’intérieur pour donner du goût au poisson. Cette technique africaine est appliquée au restaurant et a de suite plu.
Femme, noire et grand chef. Cela interpelle encore ou est-ce devenu « normal» ?
C’est quelque chose qui marque encore les gens. On pense d’emblée que je suis une chef qui fait de la cuisine ethnique. Je m’empresse alors d’expliquer que je ne fais pas de cuisine sénégalaise mais que mon ouverture d’esprit me fait toucher à tout et donner envie de voyage. Par exemple, le navet qui est très présent dans le couscous, je vais essayer de le mettre en tarte tatin, pour toujours interpeller et montrer qu’on peut l’apprécier autrement. On aime me donner des surnoms, comme «la Perle Noire». Moi, je suis Rougui Dia et la seule perle noire est le caviar.
Votre plat européen préféré ?
La blanquette en rapport aux valeurs qu’elle représente : le partage, le côté cuisine rustique et familial. C’est à la fois simple et très bon.
Votre plat africain préféré ?
Le soupe kandia que l’on retrouve au Sénégal, au Brésil et en Louisianne. C’est du riz blanc avec une sauce gombo et de l’huile de palme. accompagnant une viande ou un poisson.
La touche culinaire de l’été ?
En ce moment, j’utilise beaucoup l’hibiscus et la menthe.
Vos petites adresses dans Paris ?
Pour les épices, je conseille d’aller 8 rue du Champs de Mars (75007). C’est une épicerie fine de passionnés où on ressent la recherche. Sinon, «Israel» qui est l’endroit où beaucoup de restaurateurs vont. C’est une caverne d’Ali Baba avec des murs qui sont tapissés de produits !
Si je vous ROOTS, vous me dites…
Le voyage !
Édition : ROOTS n°5
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