Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Ousmane Dabo, je suis un ancien footballeur professionnel, j’ai 44 ans. Je suis métisse d’un père d’origine sénégalaise et d’une mère Française. J’ai grandi à Laval, puis je suis passé par le centre de formation de Rennes où j’ai commencé ma carrière professionnelle. J’ai joué dans de nombreux clubs dont l’Inter Milan et Manchester City, pour citer les plus prestigieux.
Vous avez basculé de façon assez surprenante du sport à l’industrie du textile en co-fondant la marque French Deal. On connaît Steeven Kodjia qui est le designer et le visage généralement mis en avant par rapport à la marque. Comment vous êtes-vous embarqué dans cette aventure ?
C’est par amitié pour Steeven. Dans les années 2000, il faisait de l’import-export de vêtements hip-hop entre les États-Unis et la France et j’étais un de ses clients. On s’est lié d’amitié et, petit à petit, il m’a fait part de son projet de créer sa propre marque. Ça m’a parlé et je me suis lancé dans l’aventure avec lui ! Ensuite, Ian Mahinmi (joueur NBA) s’est joint à nous. Notre trio s’est ainsi formé et nous avons accéléré les choses !
Vous étiez déjà un grand fan de mode ?
À la base non, je ne suis pas spécialement un fashionista, mais mon passage en Italie m’a éveillé à la mode. Là-bas (Milan), ils font vraiment attention à comment ils s’habillent. Dans les vestiaires, si tu t’habilles mal, ils accrochent tes affaires et en rigolent (rires). Le rapport à l’esthétisme, au beau et à la mode y est vraiment poussé et cela a fait grandir en moi le désir de m’investir dans ce domaine. Je cherchais des projets pour l’après-carrière et le projet de Steeven m’a immédiatement enthousiasmé.
Comment French Deal a été accueilli par votre entourage, notamment auprès des anciens et actuels footballeurs professionnels ?
Ils m’ont encouragé, mais m’ont aussi prévenu que cela allait être difficile, parce que souvent les gens préfèreront acheter des marques mondialement connues pour montrer qu’ils ont de l’argent. Chez French Deal, nous avons fait le pari de la qualité et de l’originalité, c’est ainsi que nous voulons convaincre le plus grand nombre.
Vous êtes sur un positionnement haut de gamme, avec des matériaux de grande qualité et le prix s’en ressent. Est-ce une marque destinée quasi uniquement aux sportifs de haut niveau que vous avez dans vos réseaux ?
Ce n’était pas notre démarche première. L’idée était de se positioner haut de gamme parce qu’on ne voulait pas être une énième marque de streetwear. C’est vrai qu’on n’a pas choisi la voie la plus facile, les prix sont élevés et cela crée forcément un phénomène de niche. Mais les gens, de tout rang social, n’hésitent pas à se faire plaisir avec des pièces de qualité chez les grandes marques de luxe traditionnelles, ils peuvent donc se faire ces mêmes plaisirs avec du French Deal. Il suffit de comprendre l’identité de la marque, le travail pointu qui est derrière et le fantastique mélange du savoir-faire français avec des influences street et africaines pour être convaincu.
Nipsey Hussle portait une veste French Deal pendant l’un de ses derniers lives. Racontez-nous cette expérience…
Je ne l’ai pas rencontré personnellement, c’est Steeven qui a fait la connexion. Toute l’équipe French Deal était vraiment très triste. Nous avions l’idée de collaborer sur du long terme avec lui. Au-delà de sa performance, c’est une personne qu’on adorait artistiquement mais aussi humainement, par rapport à tout ce qu’il faisait dans la communauté afro-américaine. C’est une énorme perte, mais ça reste une fierté d’avoir pu collaborer avec lui, même dans un court instant de son parcours.
Quel a été le moment le plus marquant depuis la création de French Deal ?
Notre défilé (23 juin 2019) ! Ce fut le couronnement d’une première étape qui a été longue, faite de bons moments et d’autres plus durs, mais on s’est toujours accroché ! Faire un premier défilé au Palais de Tokyo… c’était quelque chose de grandiose !
Ce numéro est un spécial Afrique de l’Ouest. Quel message voudriez-vous transmettre à la diaspora ?
Essayez de mettre en valeur la tradition africaine, que ce soit au niveau des vêtements ou dans la culture. Soyez vraiment fiers de vos racines et exportez-les au mieux.
Que représente le Sénégal pour vous et pour la personne que vous aspirez à devenir ?
Le Sénégal a une énorme influence sur moi. Comme vous le savez, je suis métisse et j’embrasse pleinement mes deux côtés. Mon père m’emmenait au Sénégal, mais j’étais en centre de formation, je n’avais pas trop l’occasion d’y aller tous les étés comme certains autres jeunes. Dès que j’ai eu un peu de vacances, après mon premier contrat pro, j’ai pu y retourner et j’ai vraiment découvert le pays de mon papa. Je suis même allé à Ziguinchor (en Casamance dans le sud du Sénégal), la ville natale de mon père, où j’ai ouvert mon école de foot. J’ai vraiment un lien très fort avec le Sénégal, je suis très attaché à ce pays. En ce moment, je suis davantage à Paris, mais je fais la navette entre les deux. Ma femme est également d’origine sénégalaise et j’essaye d’apprendre le wolof (rires), c’est très difficile, mais cela démontre mon envie d’être au plus proche de mes racines.
www.frenchdeal.biz
Édition ROOTS Afrique de l’Ouest
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