Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Lynnsha, premier prénom Sophie. J’ai 38 ans, je suis née et je vis à Paris, je suis d’origine Martiniquaise. Auteur, compositeur, interprète, j’ai été aussi productrice d’une émission culinaire dans laquelle j’étais animatrice.
J’ai également fait de la radio, un peu de cinéma. J’ai plusieurs cordes à mon arc et tout ce qui est en rapport avec la musique et l’image me passionne. Je ne me fixe aucune limite.
Revenons sur ton parcours. Peux-tu nous raconter comment tu es arrivée à la musique ?
Mon père voulait que je passe mon concours d’infirmière. Mais j’ai toujours aimé chanter, j‘ai eu de la chance d’apprendre à chanter très jeune. Mon père était directeur de chorale et je chantais à l’église tous les samedi. D’ailleurs, toute ma famille chante, que se soit dans le zouk, le gospel, le r’n’b… Je chante depuis l’âge de mes 7 ans, à 14 ans dans les
chorales, puis tu te retrouves à chanter dans les fêtes communales, fêtes de la musique, les mariages… De fil en aiguille, on t’appelle pour aller en studio, et les choses s’enchaînent naturellement. À la base, c’était plus une passion qu’autre chose, je ne pensais pas en vivre. À un moment donné, j’ai dû travailler pour subvenir à mes besoins, et j’ai alors commencé chez Macdonald’s. C’est là qu’un beau jour, j’ai fait la rencontre de Kaysha. Cette rencontre a changé ma vie sur le plan musical. Il faisait une production musicale avec Passi, il m’emmène avec lui pour faire les chœurs et je signe avec Passi. Au même moment, je réalise un duo avec Lord Kossiti « lova girl » qui est le premier titre que j’ai posé sur un format CD et qui a été numéro 1 dans toute la Caraïbe. J’ai fait énormément de scènes avec ce morceau : Martinique, Guadeloupe, Guyane et je me suis même retrouvée au Canada ! À 18 ans, j’ai su que j’allais en faire mon métier.
Tu es aujourd’hui une référence du paysage musical caribéen. Qu’est-ce qui a fait la « touche » Lynnsha ?
J’ai déjà une bonne équipe autour de moi. J’ai aussi eu la chance de faire, au bon moment, de belles rencontres dans le hip-hop, la dancehall, le zouk… C’est ce qui a fait ma force à mes débuts. De par l’église, j’ai appris à chanter du gospel très harmonieux, très mélodieux ; chez moi un peu de variété ; chez le voisin un peu de raï, un peu de musique africaine… Tous ces mélanges, à cette époque, étaient mal perçus par les gens. On me disait : “tu es Antillaise, pourquoi ne te concentres-tu pas sur le zouk ?”. Cela en dérangeait certains quand j’étais chez Warner. J’aspirais à vouloir me référer à ces stars afro-américaines telles que Whitney Houston que je voyais à la télé. Je m’estime multicasquettes et je ne voulais pas être enfermée dans un genre musical bien précis comme les quelques vedettes caribéennes de l’époque : Édith Lefel, Tanya st Val…
Quels sont les meilleurs souvenirs de tes prestations en Afrique ?
J’en ai plein, notamment une tournée avec Nèg’ Marrons et Singuila organisée par Trace TV. On est allé à Lubumbashi, Yaoundé… On a chanté devant 5000 à 10 000 personnes qui connaissaient nos morceaux par cœur ! Il y avait une telle ferveur, une telle chaleur, c’est un réel plaisir de chanter en Afrique. Je me rappelle une phrase que m’avait dite Jacky : « quand tu doutes de ta carrière et te poses des questions, savoir si tu dois continuer ou non, quand tu es blasée… Vas en Afrique et tu retrouveras l’amour de ton métier ». Des gens qui aiment ta musique, qui te respectent en tant qu’artiste et te font te dire que tu sers à quelque chose, quand tu apportes de la joie et leur permets de s’évader.
Ce numéro est un spécial Côte d’Ivoire, pays où tu as fait ta première scène en Afrique…
La Côte d’Ivoire est le premier pays que j’ai visité en Afrique noire et cela a été mon coup de cœur. Je m’y suis retrouvée pour un festival de hip-hop avec une artiste qui s’appelle Donia et je faisais ses chœurs. À cette époque, on nous dépeignait un visage de l’Afrique comme si on voulait qu’on en ait honte ou pitié. La première fois que j’y suis allée j’avais 20 ans et on n’avait pas accès à internet comme maintenant. Il fallait aller sur place pour voir à quel point l’Afrique est grande, riche et généreuse… À tel point que j’ai même envie d’habiter là-bas, que mon fils connaisse l’Afrique dans 2-3 ans, entre 2 élections (rires). J’en rigole, mais c’est bien sûr triste. La Côte d’Ivoire est un pays que j’aime, j’y ai beaucoup d’amis, j’ai côtoyé pendant un long moment Didier Drogba, Salomon Kalou… Des gens vrais et humbles. Je suis d’ailleurs la marraine de l’association Salomon Kalou pour les dialysés. À dire vrai, je considère la Côte d’Ivoire, mais aussi la RDC et le Cameroun comme étant « chez moi ».
Revenons à ton actualité musicale, que nous prépares-tu pour 2017 ?
Pour resituer un peu les choses, j’en suis à mon quatrième album « il est mwen ». J’ai préparé un EP en attendant le cinquième album qui s’appelle « in love ». Il reprend cinq titres, dont trois singles et le dernier qui vient de sortir il y a quelques semaines : « an sèl chimen », qui veut dire « un seul chemin » en créole.
C’est un morceau que j’ai écrit et chanté en créole avec Mainy. C’est un titre important pour moi parce qu’il est vrai que, même si je peux chanter en créole, ce ne sont quasi jamais des morceaux qui sortent en single. Lorsque j’écris toute seule, c’est du créole légèrement « francisé » étant donné que je suis née et vis à Paris. Mais là, c’est du créole « bien gras ». J’ai fait le clip en Martinique, j’avais à cœur de faire découvrir à nouveau mon île magnifique à ceux qui ne la connaissent pas. Dans « an sèl chimen » je parle d’une histoire d’amour, des aléas de la vie, des hauts et des bas… À un moment, je fais une métaphore en disant que « notre bateau a prit de l’eau mais n’a pas coulé », pour montrer qu’il y a des hauts et des bas et qu’il faut peut-être ce relief-là, sinon on n’oublie que la vie elle est belle. Ce n’est pas parce qu’on chute qu’on ne se relève pas.
C’est une sorte de témoignage de mes expériences que j’avais envie de partager.
En ce qui concerne la scène ?
J’espère qu’il y en aura bientôt… Ayant chanté beaucoup de r’n’b, on m’appelle pour les clubs, alors que pour le zouk on m’appelle d’avantage pour les lives.
Je te donne une baguette magique avec quel artiste vivant aimerais-tu avoir la possibilité de travailler ?
Oh mais pourquoi vivant (rires) ? J’allais dire Henri Salvador ! Mais sinon, ce serait Brandy dont j’ai tuoujors apprécié et respecté le travail.
Édition : ROOTS n°19
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