On a réussi à créer un sacré empire, avec de nombreux trophées à notre actif. Mais on ne lâche rien, on est seulement à 30%, comme dirait Gims
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Joss Mundele, connu sur les réseaux sociaux sous le nom de Joss Stinson. Je suis d’origine congolaise et togolaise. J’ai 31 ans, j’habite à Paris, je suis producteur, manager et éditeur dans l’univers musical.
Revenons sur votre parcours dans l’industrie musicale…
J’ai mis un premier pied dans la musique, il y a maintenant 10 ans, au sein du label Nouvelle École, là où un de mes meilleurs amis a débuté : S.Pri Noir. Je suis issu du 20ème arrondissement de Paris, on a commencé dans notre quartier d’enfance. À cette époque, j’avais un boulot alimentaire et la musique n’était qu’un hobby. On allait dans les maisons de quartier, on faisait des freestyles…
J’ai toujours eu ce goût de gérer et planifier ce qui se passait autour des artistes. De fil en aiguille, on a commencé à devenir de plus en plus sérieux, je me suis occupé de S.Pri, puis Still Fresh lui aussi issu du 20ème, j’ai continué avec Lefa, Abou DeBeing, Franglish et c’est devenu de plus en plus gros.
Quand avez-vous décidé d’en faire votre métier ?
Lorsque j’ai décidé quitter le label Nouvelle Ecole, car j’avais ma propre façon d’envisager le game. J’ai compris qu’il fallait que je construise mon propre label et que je parte en guerre avec. C’est ainsi qu’est né Lutèce Music, en 2013. Mon style a commencé à plaire et j’ai décidé de foncer tout droit.
Quels étaient les premiers artistes de votre label ?
Il y avait Franglish, mon petit frère ; Abou Debeing, qui était chez Wati B et pour qui je ne faisais que du management, à l’époque ; Enfin, Dadju. On a commencé à se construire, à créer une base où on ne faisait que des collaborations entre nous. Et vous connaissez la suite, le vaisseau a décollé.
L’apothéose avec la sortie du 1er album solo de Dadju ?
La révélation fut effectivement sur l’album de Dadju. Honnêtement, je sentais que son album allait fonctionner, dès les premières écoutes, mais je ne me doutais pas de l’ampleur. Je n’aurais jamais imaginé qu’on remplirait des salles de concerts en quelques minutes, qu’on ferait des tournées internationales… Mais je m’étais tout de même préparé au fait que l’album aurait un beau succès car nous avions bien bossé. Dadju s’était trouvé, les thèmes abordés étaient pertinents et travaillés, quand on postait de petits extraits sur les réseaux sociaux on était convaincu que ça allait plaire. Pareil pour Franglish. Quand on a poussé ses premiers clips, on a senti que la direction qu’on prenait était la bonne.
Puis le bébé a grossi et vous avez signé de nouveaux artistes ?
Exactement, on a signé de nouveaux artistes, collaboré avec de nouvelles structures. On s’est associé avec l’équipe d’Indifférence Prod qui manage Gims. On est monté dans le même navire pour avancer ensemble. On a créé d’autres labels, Dadju a créé sa structure, on a créé également un label pour Abou Debeing qui a signé Imen Es, par la suite. Je suis toujours un peu derrière à chapoter les différents projets. On a réussi à créer un sacré empire, avec de nombreux trophées à notre actif. Mais on ne lâche rien, on est seulement à 30%, comme dirait Gims (rires).
Vous êtes un peu le personnage de l’ombre. Avez-vous des modèles de référence ?
Je regarde beaucoup les documentaires sur ceux qui ont marqué ma profession : Swizz Beatz, Jay-Z, etc. Je trace ma propre histoire, mais je suis un grand fan du travail accompli par P.Diddy, en quasiment 30 ans de carrière dans le game. Ce que j’aime chez ses personnalités, c’est leur façon de bosser avec du monde, s’entourer de personnes en qui tu as confiance et avec qui tu montes des projets.
Comment la crise du Covid vous a-t-elle impactée ?
Quand le confinement est arrivé, beaucoup de choses ont été annulées, mais j’essaye de garder une attitude positive et la tête haute. Malgré les contraintes, j’essaye tout de même de labourer le terrain et d’élaborer des stratégies. Préparer des projets en fonction du covid, qui font qu’on est toujours sur le devant de la scène. Plutôt que de me dire qu’on est bloqué, je préfère envoyer les artistes en studio, préparer des albums. Comme pour Franglish, son album « Mood » est sorti pendant le 1er confinement et il est aujourd’hui presque Platine, alors qu’on n’était pas forcément parti pour cela, vu la situation. Quoiqu’il arrive, les gens continuent d’écouter de la musique, il faut s’adapter.
Des conseils pour quelqu’un qui souhaiterait entreprendre dans le domaine musical ?
Crois en toi et en tes rêves. Ne lâche pas, accepte la critique. Il faut savoir prendre beaucoup de recul sur soi-même car c’est un métier dans lequel tu peux galérer pendant 10 ans et, d’un coup, exploser pendant un an et disparaître l’année d’après. Il faut être réactif sur les tendances du moment, savoir se remettre en question et se réévaluer en permanence.
Vos 3 plus beaux souvenirs ?
1) On était en Afrique avec Dadju, c’était la première fois qu’on ouvrait la billetterie de nos concerts. On avait un stress incroyable car on n’avait jamais vendu de places de concerts avant. On a ouvert la billetterie à 10h et, à 10h10, la moitié des salles étaient complètes ! La Cigale, on l’avait remplie en 6 minutes, j’étais sous le choc ! On n’y croyait pas, Dadju et moi. C’était un truc de fou ! 2) Lorsque j’ai signé Franglish chez NCA (Universal). Pour moi, cela représentait beaucoup, c’était énorme de lui faire signer un deal en maison de disque. 3) Le disque d’Or de Franglish, qu’on a décroché avec son EP « Mood », issu de l’album « Monsieur ». J’ai eu des certifications avec Dadju, des Platines, des doubles Platines, des Diamants… Ça m’a beaucoup touché, mais ce disque d’Or plus que les autres, parce que c’était son premier et que c’est mon petit frère.
Que le représente le Congo ?
Ça représente tout pour moi. J’ai grandi dans cette culture, je parle lingala, je suis très impliqué dans ce qui se passe au Congo. On a une association, avec Dadju et Nasser, qui s’appelle Give Back Charity et qui vient en aide aux femmes au Congo. C’est une façon de vivre, de voir les choses, de parler, de s’habiller. C’est aussi une façon d’appréhender et d’écouter la musique.
Si je vous dis le mot « Roots », vous me répondez ?
Ma mère. Elle m’a inculqué tellement de valeurs dont je me sers, aujourd’hui encore, dans mon travail. Donc quand je pense Roots, je pense à ma Queen Mother.
Édition ROOTS spéciale Afrique Centrale
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