Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Adama Diallo, 32 ans. Rappeur, producteur, musicien, compositeur, interprète. Originaire de la Guadeloupe et du Sénégal, plus précisément dans le Nord, la région du Fouta. Fouta, qui signifie «rassemblement », est le lieu où tu trouveras tous les Peulhs et, chez nous, c’est le Fouta-Toro.
Revenons à la genèse de Sexion d’Assaut…
C’était une bande de potes qui a grandi dans des quartiers voisins. Notre quartier de rassemblement était Anvers, dans le 9ème arrondissement de Paris, mais tu avais des mecs du 18ème, du 10ème, du 3ème, du 94. Notre point commun était que l’on rappait tous et on recrutait, naturellement, les meilleurs rappeurs de chaque quartier. À cette époque, on avait 14/15 ans. Au départ, on rappait juste par plaisir, mais quand on s’est mis en mode Sexion d’Assaut, c’était pour faire carrière. On voulait fumer le monde ! On était ambitieux dès le début du groupe et c’est pour cela qu’on prenait les meilleurs.
Vous avez eu des inspirations de groupes ?
Saïan Supa Crew, on s’en est beaucoup inspiré pour la présence scénique, mais c’est clairement le G-Unit (groupe du rappeur 50-Cent) qui a changé la vie de la Sexion d’Assaut. Quand ils sont arrivés dans le game, avec leurs refrains chantés, cela a décomplexé notre groupe. Il y avait déjà Gims qui chantonnait, mais quand on a vu 50-Cent le faire, cela a crédibilisé notre démarche. Il a rendu le chant accessible aux rappeurs. À partir de là, tout a changé. Il y a une autre anecdote, tirée du film Get Rich or die trying. Quand on a vu 50-Cent graver des CD et les vendre dans la rue, ça nous a donné envie de faire la même. On est sorti du cinéma, on est parti faire une mixtape chez un pote et, en deux semaines à peine, on a gravé et vendu dans la rue quasiment 1000 exemplaires à 5 euros ! On donnait aux petits de chez nous, qui allaient ensuite les vendre. Quand je parle des petits, aujourd’hui ils sont grands, il y avait par exemple Abou De Being, avec leur équipe L’Institut.
Votre plus beau souvenir avec la Sexion ?
Les concerts en Afrique. La première date en Côte d’Ivoire fut l’une des plus belles. On était accueilli comme des rock stars, logés dans de grands hôtels… C’était la première fois pour le public africain d’accueillir de cette manière un groupe de rap. Il y avait bien le Bisso Na Bisso (collectif réunissant des membres Congolais du Secteur Ä tels que Passi, Benji…) qui l’avait fait quelques années avant, mais ce n’était pas la même chose. Leur musique s’inspirait de l’Afrique, alors que la nôtre pas spécialement, c’était du pur hip-hop français.
Quelle a été votre réaction au moment de la scission du groupe ?
On s’était tous dit que Gims partirait en solo. C’était une évidence, mais il l’a fait plus rapidement que ce que j’aurais imaginé. C’est un mec qui déborde d’inspiration et il ne pouvait pas aller au bout de son art en étant dans un groupe. Il était déjà prêt à faire carrière solo, ce qui n’était pas le cas pour tous les autres. Je me suis mis dans l’ombre, j’ai bossé avec Gims sur l’écriture de son premier album. Par la suite, j’ai fait la même chose avec Black-M, j’ai co-réalisé tout son premier album, je l’ai accompagné au maximum, puis j’ai fait de même avec Masca et Dry avec qui j’ai bossé en sous-marin. J’étais toujours présent dans le milieu musical, mais en off. 3 ans plus tard, quand Lefa – qui est mon acolyte dans la musique – est revenu, cela m’a redonné goût et je me suis également lancé.
Quelle est votre actualité pour 2019 ?
2018 a été une année creuse, car c’est une année où j’étais énormément en studio. En Février/Mars 2019, je vais certainement sortir le projet et un deuxième qui suivra dans l’année. Ce sera un projet très hip-hop, avec quelques sonorités afro, de temps en temps. Hormis mes propres projets, j’ai signé 3 artistes. Je me fais mon expérience en tant que producteur. Et évidemment, en allant au Sénégal, si je croise des talents, je ne vais pas hésiter à signer. L’objectif est de faire de l’argent et si je peux en faire avec mon peuple, c’est tout bénéf !
Que représente le Sénégal pour vous ?
Déjà, je compte retourner m’installer au Sénégal dans un avenir très très proche. Il faut rapatrier les compétences au pays, tout en continuant ma carrière en France, à l’instar d’un Booba qui est à Miami ou Gims qui vit au Maroc. Je suis Sénégalais/Guadeloupéen, mais on va dire que l’éducation de mon père a pris le dessus. Même ma mère qui est Guadeloupéenne passe quasi toutes ses vacances au Sénégal. Je parle ma langue, je la comprends, je porte des vêtements africains, je connais bien la scène musicale sénégalaise et, quand je suis au Sénégal, je me sens bien, apaisé.
Si je vous dis le mot ROOTS, cela vous évoque quoi ?
C’est un mot très riche. Je pense à mes ancêtres, à mes grands-parents… Du côté de la Guadeloupe, ce sont les ancêtres esclaves et du côté du Sénégal, ce sont les nobles guerriers.
Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof
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