« Cet album est placé sous le signe de l’élévation, c’est la lumière du soleil. »
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je suis Alpha Blondy, Kone Seydou à l’état civil. Je suis chanteur et, avant tout, je suis un amoureux de la vie et de l’Afrique. L’Afrique est la matrice du monde et, Dieu merci, j’ai eu la chance de naître en Afrique. Dieu merci.
Vous êtes actuellement à Paris pour la promotion de votre tout nouveau projet RISE. Pourquoi cette envie de revenir ? Quel est le nouveau message que vous aviez envie d’envoyer ?
Pas la peine d’aller chez le coiffeur, parce que mon projet décoiffe (rires) ! Comme d’habitude, j’y ai mis tout mon cœur. Cet album est placé sous le signe de l’élévation, c’est la lumière du soleil. Élévation du continent africain, élévation de l’Homme africain, élévation de l’espèce humaine. En général, je souhaiterais que l’on sache que l’esclavage et la colonisation ne résument pas toute l’histoire de l’Afrique. L’Afrique a eu une histoire riche bien avant tout cela. Je voudrais que l’Afrique sorte de ce Grammy Award de la souffrance, parce que nous sommes la matrice du monde. Nous sommes l’espoir du monde parce que Dieu nous a doté de cette mélanine. Le monde entier est issu de nous. Nous avons cette responsabilité et tout ce que nous avons enduré était prévu. Je ne veux plus être la risée de ce monde. Je veux des mathématiciens, des ingénieurs, des informaticiens… Je veux une Afrique qui va développer ses propres technologies, fabriquer ses propres voitures. Une Afrique où on n’est pas obligé d’aller appeler quelqu’un pour changer une ampoule.
À quoi doit-on s’attendre en termes d’inspirations ou sonorités ?
Il y a beaucoup de positivité. J’ai d’ailleurs un featuring avec mon frère Koffi Olomidé, j’ai décidé d’enterrer toutes les haches de guerre et de ne plus me fâcher. En termes de sonorités, je dirais que c’est une greffe entre le reggae et la rumba, ça mérite le détour.
Aujourd’hui, en 2025, êtes-vous toujours le même panafricaniste d’antan ? On a parfois pu lire, ici et là, des panafricanistes vous attaquer sur les réseaux sociaux, remettant en cause certaines de vos positions. Qu’est-ce que vous leur répondez ?
Ils se trompent et ont raison à la fois. Je n’ai pas la science infuse. Je peux maîtriser des sujets et parfois, je me plante. Aujourd’hui, je ne me classe pas dans la rangée du panafricanisme. Non, moi, ce que je faisais, c’était une révolte qui m’était propre. Il y a 40 ans, on a parlé du futur, mais ce futur est là aujourd’hui. Nous rêvions d’assister à un éveil. Je sais que la mouvance panafricaniste m’a souvent cité, mais en vérité, ce sont eux les acteurs du changement. Ils ont l’arme la plus puissante, le savoir. Savoir que je n’ai pas. Donc quelque part, j’accepte les critiques, vraiment, parce que j’apprends tous les jours. J’apprends à me découvrir, mais j’apprends aussi à faire attention à mes propos car la parole est puissante. Tu crois dire quelque chose mais le contraire est compris. Puis, tu essaies de te rattraper et c’est trop tard. Ce n’est pas évident, mais j’assume cela complètement.
Par exemple, j’écoute souvent ma petite sœur Nathalie Yamb. Une panafricaniste qui a l’art de décortiquer une situation mieux que moi ou beaucoup d’autres ne saurions le faire. Quand je la vois, je suis fier. Et même si je ne suis pas obligé d’être d’accord avec tout ce qu’elle ou d’autres
disent, ils soulèvent de nombreuses vérités qu’on ne peut pas nier. Il est vrai que parfois nos chefs sont écorchés, mais ce n’est pas grave. Nos chefs ont aussi besoin d’être bousculés pour comprendre davantage ce qu’on attend d’eux. Toute cette émulation fait partie de cette prise de conscience, de cet éveil tant attendu.
Si vous aviez un message à adresser à la diaspora ?
Je voudrais que les frères de la diaspora ne se découragent pas. Ils sont les enfants de l’Afrique, ils sont en mission et chacun doit comprendre, à son niveau, qu’il a un rôle à jouer dans la valorisation de notre continent.
Je suis très fier de ce que j’entends et de ce que je vois.
Ensuite, et comme je ne suis ni sourd, ni aveugle, j’ai bien vu que certaines de mes déclarations avaient pu soulever des questions. De ce fait, je leur demande de me pardonner mes travers ou mes frasques. Je ne suis qu’un homme. Ma seule conviction est que je ne veux pas d’une Afrique qui pleurniche. Nous ne sommes en compétition avec personne.
Après une carrière aussi riche et longue que la vôtre, on a envie de vous poser la question : Qu’est-ce qui vous challenge encore ou peut vous faire rêver ?
Je te dirais que mon programme appartient à Dieu. Je serais prétentieux de te parler du futur. Je n’en ai aucune idée. Dieu a fait en sorte que je me retrouve face à toi, aujourd’hui en interview, chez ROOTS magazine. C’était peut-être prévu longtemps avant ma naissance, longtemps avant ta naissance. J’appartiens à mon créateur et chaque jour est un nouveau chantier.
Je vous fais visualiser une situation : Vous êtes à Assinie, posé sur un transat, en train de boire un cocktail et vous vous remémorez votre carrière. Quels sont pour vous les trois moments les plus marquants et pourquoi ?
Je vais te dire, mon frère, au début, je racontais les galères qu’on a vécues, mais en vérité, ce sont les épreuves que Dieu met sur ta route pour te former. J’appelle ça le service militaire de Dieu.
Je n’ai pas de moments en particulier. Il y a des moments. Déjà, le jour de ma naissance. Ensuite, Dieu m’a donné une grand-mère qui m’a gâté et appris l’essentiel de la vie. Ma mère m’a eu à l’âge de 15 ans. Un bébé qui fait un autre bébé… Du coup, ma grand-mère s’est chargée de mon éducation. Elle m’a inculqué la foi en Dieu et la foi en l’espèce humaine. J’ai suivi l’école coranique, avant que ma grand-mère ne décide de m’envoyer à l’école catholique. Être confronté à tous ces univers a été une chance. Et puis, il y a eu la rencontre avec Fanta Diallo, un amour du lycée, et qui inspirera plus tard l’un de mes plus grands tubes. Toutes ces étapes-là sont importantes pour moi.
Puis, je suis à New York, imagine un gaou qui est là, qui passe son temps dans la fumette – je précise que cela fait 28 ans que je ne fume plus – et qui traîne à Central Park. Un jour, il y a le reggaeman Burning Spear qui joue à côté et j’ai une révélation en le voyant. J’étais à la croisée des chemins: que vais-je faire de ma vie ? Les études, ce n’était pas trop ça, donc pour un Africain ambitieux, il était inenvisageable de partir aux Etats-Unis et revenir musicien.
Et pourtant, c’est d’Afrique que ma carrière va démarrer. C’est de là que Dieu a mis sur ma route mon frère Roger Fulgence Kassi qui m’ouvre les portes de la télévision
ivoirienne, avec son émission Première chance. Décollage de ma carrière avec Mr. George Benson, qui était dans le même bureau que Roger Fulgence Kassi, tu vois un peu le concours de circonstances ? Une carrière qui ne s’est jamais arrêtée et que je mène jusqu’à nos jours.
Et puis, mon divorce, qui m’a fait douter de toutes me convictions. Qu’ai-je fait ? Qu’aurais-je dû faire ?
Enfin, il y a eu mon mariage avec ma compagne actuelle. Ce fut un jour très lumineux. Dieu m’a redonné le goût et envoyé un guide, une partenaire de vie pour continuer à aller de l’avant. Voilà, en gros, le résumé de certains moments clés de ma vie.
Originaire de Côte d’Ivoire, que cela représente-t-il ?
Je serai toujours redevable envers la Côte d’Ivoire. C’est le pays où Dieu m’a fait naître, la terre où mon cordon ombilical est enterré. C’est la Côte d’Ivoire qui me donne de l’épaisseur, de la force, mais c’est à double tranchant car on m’a confié un rôle très délicat, celui de leader d’opinion ou ambassadeur. Mais comment être un leader d’opinion consensuel dans la mesure où chacun attend que tu exprimes quelque chose qui aille en sa faveur ?
Comment faites-vous pour gérer cette pression populaire ?
C’est tout le problème. Il y a des jours, il y a un camp qui te glorifie. Et d’autres jours, ces mêmes personnes te voient comme un traître. Je le répète, je ne suis qu’un humain. Je ne suis pas un politicien. Je veux donc demander pardon, aux uns et aux autres, à ceux que j’ai offensés. Sincèrement. Mon but n’a jamais été de chercher à offenser qui que ce soit. J’appartiens à toutes les familles ivoiriennes, parce que ma carrière d’Alpha Blondy est née devant tout le monde, à une époque où il n’y avait qu’une seule chaîne de télé. Voilà pourquoi tout le monde m’a adopté.
Avec les élections qui approchent en Côte d’Ivoire, je sens les réseaux sociaux bouillonner et ça donne déjà très, très chaud. Je voudrais qu’on soit tolérant les uns envers les autres. Je voudrais que la famille politique ivoirienne comprenne que c’est à elle de trouver des solutions politiques à des problèmes politiques. Ce n’est pas à Alpha Blondy, je suis désolé.
Si je vous dis « Roots », vous me répondez ?
Dimbokro, mon village, avec le fleuve N’Zi. J’ai même commencé à écrire une chanson dessus : « Nous sommes les enfants de la rivière. Nous sommes les enfants de l’eau. Nous sommes les enfants de la rivière. Nous sommes les enfants de Dimbokro. »
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