Rues, stations de métro, collèges et bien d’autres structures françaises portent aujourd’hui le célèbre nom d’Alexandre Dumas. Et bien qu’il trône sur les murs de nos institutions, et que ses oeuvres garnissent toujours les bibliothèques ou nos programmes scolaires, peu de gens savent qui était vraiment cet écrivain.
L’auteur des Trois Mousquetaires – entre autres oeuvres – est né à Villers-Cotterêts dans l’Aisne, le 24 Juillet 1802, soit deux mois après le rétablissement de l’esclavage par Napoléon.
Petit-fils d’une esclave noire de Saint-Domingue et d’un marquis blanc (du côté de son père), il est ce que l’on appelle un quarteron. Élevé par ses grands-parents maternels, il est rapidement repéré pour sa calligraphie exceptionnelle et se fait engager au sein d’une étude notariale en tant que coursier.
Adolescent, il fait la rencontre déterminante d’Adolphe de Leuven qui lui permet de plonger dans la poésie et l’écriture de vaudevilles pour la toute première fois.
En 1822, alors âgé de 20 ans, il décide d’aller vers de nouvelles aventures et de s’installer à Paris. Arrivé dans la capitale avec seulement 53 francs en poche, il fait la connaissance de l’acteur Talma, et parvient à subvenir à ses besoins en travaillant un temps pour le duc d’Orléans. Ce nouveau revenu lui permet de faire venir vivre sa mère à ses côtés, mais également de courtiser assidûment les dames de la capitale.
En effet, coureur de jupons, il engendre deux enfants légitimes (dont Alexandre Dumas fils, auteur lui aussi) et au moins deux autres non reconnus (dont Henry Bauër, également homme de lettres), tous nés de mères différentes. Heureusement son goût pour les femmes, ne lui fait pas perdre son amour de la plume, bien au contraire; en plus de son talent, il se distingue comme étant l’un des auteurs les plus prolifiques de son temps (avec à son palmarès plus de 150 oeuvres à la fin de sa vie).
Cependant, il est indéniable qu’une telle production littéraire n’aurait été possible sans l’aide de quelques hommes de l’ombre; autrement (mal) dit des « nègres littéraires » [terme utilisé encore aujourd’hui, pour désigner des personnes qui écrivent dans l’anonymat pour des auteurs réputés. D’ailleurs, l’emploi de ce mot tire son origine de l’exploitation et de la déshumanisation des noirs d’Afrique].
Engagé politiquement (notamment aux cotés de Garibaldi en Sicile) et culturellement (par l’ouverture de son propre théâtre – qui rapidement fait faillite), il reste cependant en proie à de nombreux problèmes financiers, et se heurte aux remarques déplacées de certains de ses contemporains sur ses origines. À l’un d’eux qui avait insinué qu’il devait bien s’y connaître en « nègres » – triste jeu sur le double sens du mot – Alexandre Dumas avait rétorqué : « Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur, que ma famille commence où la vôtre finit. »
Ainsi, sans que cela ne soit particulièrement revendiqué, Alexandre Dumas n’a jamais cherché à dissimuler ses origines, malgré un contexte quelque peu difficile.
À sa mort en 1870, ses oeuvres, lues dans le monde entier, ont fait de lui un monument de la littérature; si bien qu’aujourd’hui encore, sa renommée dépasse les simples frontières de l’Hexagone. Le cinéma lui a d’ailleurs rendu hommage à de multiples occasions en adaptant nombre de ses écrits à l’écran; et parfois de façon engagée, comme en atteste le film Django (réalisé par Quentin Tarantino), dans lequel une cinglante réplique rappelle les origines, ou plutôt la couleur noire du célèbre écrivain.
Le nom d’Alexandre Dumas atteint définitivement le firmament, lorsqu’en 2002, (à l’occasion du bicentenaire de sa naissance), sa dépouille est transférée au Panthéon, parmi les personnalités les plus illustres. À ses côtés, repose d’ailleurs aujourd’hui deux hommes que la génération ROOTS connait bien, à savoir Félix Éboué et Aimé Césaire.
Par Tamandra Geny
Édition : ROOTS n°16
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