Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je suis Adama N’Diaye, plus connue sous le nom d’Adama Paris. Je suis Sénégalaise, j’ai 41 ans et je suis une entrepreneure culturelle.
Depuis votre première Dakar Fashion il y a 16 ans, de l’eau a coulé sous les ponts… Racontez-nous le déploiement de vos fashion weeks itinérantes.
Effectivement, on a été en République Tchèque, en France, au Brésil, au Canada… Outre mes événements, nous sommes aujourd’hui reconnus sur le continent et produisons annuellement 5 à 6 événements qui ne sont pas les nôtres. Depuis 4/5 ans, je produis l’Angola Fashion Show et un show en Gambie, on est également intervenants dans des défilés comme la Brazza et Congo Fashion Week.
À l’époque, il y avait le Labo Ethnik et la Black Fashion Week qui étaient les événements mode afro référence à Paris. Aujourd’hui, tout a été stoppé. Pourquoi avoir déserté la capitale de la mode ?
Tout simplement parce que Paris, c’est naze (rires). Les noirs de France peuvent se rendre compte eux-mêmes que si ça marchait tant que ça, personne n’irait ailleurs. Or aujourd’hui, tout le monde part en Afrique pour trouver l’eldorado. Je fais beaucoup plus d’argent sur le continent que je n’en aurais jamais fait en France. J’ai également perdu ma sœur à cette époque, et je n’avais plus envie de retourner à Paris. Après mûre réflexion, je me suis dit : pourquoi insister sur Paris alors que, par exemple, une ville comme Montréal est beaucoup plus propice pour générer plus d’argent, avoir plus de considération et moins de problèmes. J’ai désormais décidé de travailler sans la pression ni des médias ni de qui que ce soit. Du coup, j’ai mis Paris quelque peu en stand by. Ça n’avait pas de sens de faire un event juste pour faire plaisir aux gens. C’était donc un gros ras-le-bol de la France…
Votre show en septembre dernier « We Wax the World » avec Daniel Hechter n’était pas en quelque sorte une mini Black fashion week parisienne ?
D’une certaine manière oui, on peut dire. L’équipe de Daniel Hechter m’a contactée car ils avaient suivi mon parcours et vu ce que j’avais fait auparavant en Afrique. Ils voulaient utiliser mon nom et mon image afin de collaborer sur la première ligne de wax qu’ils comptaient lancer. À la base, je ne suis pas spécialement une grande fan du wax. Je préfère faire la promotion des tissus fabriqués en Afrique. Étant donné qu’une grande partie du wax utilisé par Daniel Hechter est fabriquée en Afrique, leur démarche m’a fait plaisir et rassurée. J’ai fixé mes conditions, à savoir faire partie du processus de création (sélection des tissus, moodboard…) et ils ont accepté. J’ai d’ailleurs fait shooter tout le lookbook Daniel Hechter en Afrique, avec des photographes africains, en utilisant des mannequins africains… Tout le monde a pu en profiter. Ensuite, pour le show qu’ils souhaitaient faire avec Adama Paris, je leur ai proposé de ne pas défiler toute seule et de mettre en avant d’autres créateurs.
Avec toutes ces activités, comment trouvez-vous le temps de créer ?
Créer est ce que je fais continuellement, toute seule, que je voyage ou non. Pour les autres activités, je suis entourée et j’ai la chance de bosser avec la même équipe depuis 15 ans, à quelques personnes près, donc nous avons nos automatismes. Il faut juste être bien organisée.
Vous êtes une jeune parisienne rentrée au Sénégal et semblez épanouie comme jamais ! Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait rentrer s’installer à Dakar ?
Je suis la preuve concrète que le rêve africain existe et que lorsque l’on veut quelque chose et qu’on s’en donne les moyens en travaillant dur tout est possible. Je suis à fond pour l’entrepreunariat, mais l’entrepreunariat ce n’est pas critiquer tout ce qui se passe en Afrique derrière son clavier d’ordinateur, et c’est ce que je reproche à beaucoup d’Africains de la diaspora. Il faut juste se retrousser les manches et oser y aller.
Quel est votre état des lieux de la mode au Sénégal ?
Elle se porte à merveille. Nous sommes un géant silencieux. En comparaison avec nos voisins, nous sommes pourtant un petit pays de seulement 13 millions d’habitants, mais l’activité mode et artistique est très dynamique. Nous avons de supers créateurs comme Selly Raby Kane, Bulldof et plein d’autres jeunes que j’ai vu naître et croître via la Dakar Fashion week que j’organise depuis 16 ans !
Si je vous dis le mot “ROOTS”…
Mon foyer, mon clan, ma tribu… Le Sénégal !
Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof
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