Tout commence le 6 janvier 1890. Le prince hériter Kondo, chef de l’ethnie Fons est couronné roi d’Abomey au royaume du Dahomey. Alors âgé de 45 ans, il succède à son père, le roi Da-da Glélé Kini-Kini et change de nom. Désormais, on l’appelle le roi Béhanzin. Ce dernier prend pour symbole le requin, le poisson qui dévore les hommes qui s’avancent trop loin dans la mer.
Lorsque Béhanzin accède au trône, le royaume est prospère. En effet, le roi Ghézo, son grand-père, avait réorganisé l’administration de l’empire, constitué une armée puissante et lancé le commerce de l’huile de palme. De plus, le nouveau roi profite du commerce des esclaves. La situation est positive. Sauf que, bientôt, les problèmes surgissent. Pour en comprendre certains, il faut légèrement retourner dans le passé.
Début des tensions
A l’époque du règne de Glélé, une querelle de succession au royaume de Porto-Novo oblige le roi Toffa à se réfugier auprès de la cour de Glélé. Ce dernier l’aide militairement pour accéder au trône en 1882. Son objectif réussi, Toffa mène sa diplomatie. Il se rapproche également de l’armée française qui est très puissante sur la côte des esclaves grâce à ses mariniers et ses canonnières. Les Français obtiennent de Glélé la possibilité de s’installer à Cotonou.
Le contexte français expliqué, attaquons-nous aux Anglais. Au temps du roi Béhanzin, à l’est de son royaume, les Anglais développent une opulente colonie à Lagos, dans l’actuel Guinée. Ils ont une zone exclusive définie par le traité de Berlin, en 1885. Ensuite, il y a les Allemands qui sont au Ghana et vers le Cameroun. Ils souhaitent étendre leurs colonies au dépend des Français. Pour se faire, ils envoient des gestes et des missions diplomatiques vers le Dahomey pour avoir accès à la zone convoitée. Enfin, les Français se développent à Cotonou. Des commerçants se sont installés dans la ville d’Ouidah et des factories (permettant l’échangent avec les commerces locaux) ont été mis en place. L’armée française n’est plus censée vendre des esclaves alors que les Allemands et le Dahomey continuent ce traffic. Cela provoque des tensions entre la France et le royaume.
D’ailleurs, Béhanzin estime que les Français sont allés au-delà des autorisations données par son père sur la ville de Cotonou. Il souhaite donc qu’ils reconnaissent sa souveraineté et qu’ils paient des impôts. Seulement, les Français ne veulent pas se soumettre estimant que le roi en demande trop. Dès lors, ce dernier décide de passer à l’action.
Confrontation sanglante
Le 24 février 1890, les Européens d’Ouidah sont pris en otage par Béhanzin. Ces derniers remarquent que la force armée du Dahomey est composée de femmes : les Amazones. Le 04 mars 1890, les soldats du royaume convergent vers Cotonou. Ils attaquent à l’aube. Ils parviennent à surpasser les puissances de feu de l’armée française et entrent dans les fortifications. Au corps-à-corps, ils faiblissent à cause de la puissance de tir des armes. Le bilan est le suivant : 29 morts du côté français contre plusieurs milliers du côté du Dahomey. Le 03 octobre de la même année, les otages sont libérés et un règlement est établi pour Cotonou. Cependant, les deux parties ne parviennent pas à un accord satisfaisant. La perspective d’une nouvelle guerre se dessine.
En 1892, le roi Béhanzin envoie une lettre à Victor Ballot, le gouverneur français de Porto-Novo pour le prévenir qu’il est prêt à combattre. En France, le parti colonial veut se défaire du roi et de son royaume pour empêcher les Allemands de menacer leurs intérêts commerciaux dans la région. Le président de la République, Sadi Carnot, envoie le colonel Alfred Dodds commandant le 4e régiment d’infanterie de la marine. C’est aussi le petit-fils d’un Sénégalais de Saint-Louis. Il arrive le 28 mai 1892 à Cotonou avec 800 soldats. Le 23 août, deux navires français débarquent avec des milliers d’hommes. De plus, il obtient l’aide du royaume de Porto-Novo. Sa stratégie est de suivre les fleuves à l’aide d’une canonnière, remonter vers l’intérieur, déposer ses soldats et défiler victorieusement à Adomey.
De son côté, le roi Béhanzin se prépare en se procurant des carabines, des mitrailleuses et des canons Krupp. Seulement, son armée n’est pas assez entrainée pour mener à bien une stratégie de combat à l’européenne. Les Amazones sont beaucoup plus fortes au corps-à-corps et même si les Belges et les Allemands aident au combat, cela n’est pas suffisant. Lorsque la deuxième guerre éclate, les Français ne cessent de gagner bataille après bataille. Celle du Dogba en septembre, celle de Poguesa le 04 octobre et celle d’Adégonle le 06 octobre. Cette dernière se termine par l’extermination du corps des Amazones.
Vers l’exil
Toutefois, Béhanzin ne fléchit pas. Il rassemble les dernières Amazones restantes, chasseuses d’éléphants et libèrent des esclaves en leur promettant la liberté. Mais, ils périssent. La route d’Adomey est donc ouverte pour le colonel Dodds devenu général. Béhanzin veut négocier, mais il est trop tard. Bientôt les troupes françaises atteignent le palais. Le 16 novembre, le roi quitte la ville. Parallèlement, les soldats français arrivent par colonne aux faubourgs de la ville et entrent dans la cour du palais royal le lendemain. Le 18 novembre 1892 Dodds annonce la victoire.
L’empereur se cache dans la savane avec quelques-uns de ces fidèles, mais sa situation est intenable. Après un ultime festin avec les principaux de ses chefs et alliés et quelques mots d’adieu, il se dirige vers les Français. Fait prisonnier, un long exil l’attend. En 1894, il est déporté en Martinique et, après des années, il est renvoyé en Afrique. En Algérie. Son désir est de retourner dans son pays, mais on l’en empêche. Le 10 décembre 1906, il décède d’une maladie pulmonaire. Sa bravoure, son courage et sa ténacité sont aujourd’hui salués par les Béninois. De même par le général Dodds, à l’époque.
Par Nicky Kabeya
Édition ROOTS Afrique de l’Ouest
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