Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Sadia Diawara, j’ai 39 ans, originaire du Mali et plus précisément de la région de Kayes. Ma mère est Peulh et mon père Soninké. J’ai grandi à La Cité Rose, à Pierrefitte dans le 93. Je suis actuellement directeur du centre d’animation Curial dans le 19ème arrondissement, producteur de cinéma et président de l’association Road Tree’P avec laquelle nous menons des campagnes de plantation d’arbres à travers le monde depuis 10 ans. Nos actions sont entièrement autofinancées et co-construites avec les populations concernées.
Racontez-nous la genèse de Road Tree’P ?
Road Tree’P c’est avant tout un rêve d’enfance ! Depuis mon plus jeune âge, je me suis toujours dit que j’allais faire la route de Paris à Bamako. Lorsque j’ai décidé de sauter le pas en 2008, j’en ai parlé à mon père en lui disant que j’aurais souhaité mettre en place une action utile et concrète au Maroc, en Mauritanie et au Mali durant la traversée. Mon père, étant très au fait des problématiques majeures en Afrique et dans le monde, m’a tout de suite parlé de la désertification. Après m’être renseigné sur l’ampleur du défi et avoir trouvé des partenaires dans les pays concernés, je me suis lancé en organisant une première mission au cours de laquelle nous avons planté plusieurs centaines d’arbres. À mon retour, j’ai décidé d’en faire une priorité en lançant d’autres missions de plantation et de suivi des actions antérieures.
Quel est votre souvenir le plus mémorable lors de vos sessions Road Tree’P ?
Mon souvenir le plus mémorable est une date : le 20 août 2014. Alors que nous étions sur la route, en Mauritanie, le ciel s’est assombri. On s’est arrêté sur le bas-côté car on ne voyait plus rien. Le jour est devenu la nuit, les secondes sont devenues des heures, le vent s’est levé, la température a augmenté et, tout d’un coup, on a commencé à flipper. On pensait que c’était la fin du monde (rires), mais non, c’était une incroyable tempête de sable ! Il faisait tellement chaud dans le véhicule qu’on pensait qu’on allait cuire sur place et nous faire ensevelir par le sable… Au bout d’une heure, le jour est redevenu le jour, la température a baissé, nos craintes se sont dissipées et, alors que nous pensions reprendre la route tranquillement, une incroyable tempête de pluie s’est abattue sur nous ! Vous vous rendez compte ? Des pluies diluviennes en plein désert ! Et là, le silence, la remise en question, le doute, la tristesse et, en même temps, la joie de se dire qu’on va quitter ce monde durant une bonne action. Heureusement, plus de peur que de mal !
Quel bilan tirez-vous de vos différentes actions ?
En 10 ans, nous sommes passés d’une mission par an à une dizaine de missions par an à travers le monde. Nous avons planté et entretenu près de 40 000 arbres, collaboré avec une cinquantaine d’associations dans une vingtaine de pays et, surtout, nous avons contribué au développement de tous ces territoires en accompagnant nos partenaires dans la création d’activités génératrices de revenus (vente de fruits, d’huiles, de feuilles ayant des verrues médicinales…). Nous essayons à notre humble niveau de lutter contre “l’immigration par dépit” de beaucoup de jeunes qui risquent leurs vies pour rejoindre l’Europe. Nos modes d’intervention se sont également diversifiés : il est maintenant possible d’agir individuellement, en famille, avec une autre association… dans le cadre de nos différents programmes (Ego Tree’P, Family Tree’P, Asso Tree’P…), l’idée étant de responsabiliser et de pousser les gens à agir concrètement contre les conséquences de la pollution et du réchauffement climatique.
Que représente le Mali pour vous ? Y projetez-vous des actions autres que Road Tree’P ?
De l’empire du Ghana à l’empire Mandingue en passant par la proclamation de la Charte du Mandé, l’hospitalité, ou tout simplement le cousinage à plaisanterie, le Mali regorge de richesses culturelles et historiques. Le Mali représente donc pour moi une source de fierté et de détermination pour aller encore plus loin dans les actions que j’essaie de mener au quotidien. J’envisage d’ailleurs de passer à la vitesse supérieure sur plusieurs projets audiovisuels pour notamment contribuer à la transmission du patrimoine culturel et historique du Mali et plus largement de l’Afrique dans les prochaines années, tout en contribuant à la valorisation d’initiatives locales et à la création d’emplois.
Si vous aviez un message à adresser à la diaspora malienne ?
Mali pissanssi, a magni deh ! (rires)
Si je vous dis le mot ROOTS, cela vous évoque quoi ?
Les racines pour l’Histoire, le tronc pour les valeurs, les branches pour la solidarité, les feuilles pour la transmission et les fruits pour un monde meilleur !
Édition ROOTS n°21 – Spécial Mandé
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