Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Kefack Jean-Jules, nom d’artiste Maahlox le Vibeur, artiste rap camerounais. Je suis dans la musique urbaine depuis quelques années, puisque j’ai sorti mon premier maxi il y a 13-14 ans et mon premier album il y a 10 ans.
Une carrière dans le rap, une ambition de toujours ?
J’ai une phrase que je reprends souvent : « ce n’est pas toi qui choisis l’art, c’est l’art qui te choisit ». Avec du recul, je me suis rendu compte que depuis mon enfance, j’avais déjà l’attitude d’un artiste par rapport aux enfants avec qui je jouais. J’étais plus porté sur les activités liées à la musique, à l’art, au dessin, à la peinture. À un moment donné un peu par hasard, j’ai découvert le rap par le biais de l’ami d’un de mes grands frères, qui venait à la maison avec des cassettes de rap. Déjà à l’époque, je baignais dans le monde de la musique car ma mère tenait un grand bar connu dans un quartier populaire de Yaoundé, le Demassi. On allait là-bas jouer les Dj le dimanche profitant de l’ouverture du bar et du fait que ce n’était pas elle qui était au comptoir, pour animer les soirées. Après ma découverte du rap, j’ai décidé de m’y consacrer à fond car je trouvais que c’était le style qui collait le plus à mon attitude et ma personnalité.
Peut-on dire que c’est le morceau « Ça sort comme ça sort » qui t’a vraiment fait exploser et donner une résonnance internationale ?
Dans le panorama de la musique urbaine au Cameroun, je suis un peu l’artiste qui a fait toutes ses classes. De la maternelle en terminale, avec mon premier maxi, j’ai eu un fort succès d’estime au niveau du quartier. Ensuite, mon premier album a connu un succès au niveau de ma ville, Yaoundé. Après, j’ai sorti le morceau La bière c’est combien ici ?, ce fut un succès national et j’ai commencé à avoir une reconnaissance au niveau de la diaspora.
Avec Ça sort comme ça sort, on a assisté à une forte explosion. C’est un morceau qui a pu fédérer toutes les énergies qui avaient déjà été mises sur pied, et rassurer ceux qui avaient misé sur moi au départ.
Quand on sort du studio après avoir enregistré un tel morceau, on se doute qu’on tient « la bombe » ?
On a créé un univers autour de notre label Zone de rap qui est une sorte de plateforme socio-culturelle axée sur le développement de la musique urbaine en Afrique. On est un groupe, un petit cercle qui se réunit régulièrement en studio d’enregistrement. On passe toutes nos journées là-bas, on discute, on boit nos bières. Quand je finis d’enregistrer Ça sort comme ça sort, on dansa sur cette chanson pendant près de 2 heures sans s’arrêter. Les gens sont souvent étonnés du fait que chacun de mes singles soit un succès, mais c’est justement parce qu’il y a beaucoup d’oreilles critiques qui sont au-tour de moi, qui donnent leur avis sur chaque morceau, que lorsque l’on tient un tube, tout le monde est d’accord, tout le monde est à fond. Et ce fut le cas pour Ça sort comme ça sort. Entre nous, c’est comme dans une ambiance de bar, on discute ensemble. À force de danser sur ce morceau quasi non-stop pendant 2-3 jours avant de le sortir, on était quasiment sûr de tenir un futur carton.
L’explosion de Ça sort comme ça sort a coïncidé avec celle de Coller la petite de Franko. On a alors vu le réveil de la musique urbaine camerounaise sur la scène internationale. Était-ce pour toi une fierté ou un regret que les 2 morceaux surgissent en même temps ?
Cela a été une très bonne chose que nos 2 chansons explosent à la même période car cela donnait encore plus de sens à ce que l’on faisait. S’il n’y avait eu qu’une seule de nos deux chansons, les sceptiques auraient dit que c’était simplement de la chance. Le fait que nos 2 chansons aient émergé en même temps a fait que les autres ont commencé à nous suivre avec intérêt. Ceux qui découvraient le style et ce rap camerounais ont pu considérer cela comme un véritable mouvement. Cela a facilité l’exportation de notre style.
“Il y a 3 choses clés dans la vie : croire en Dieu, croire en toi et croire en ce que tu fais. ”
D’où puises-tu tes inspirations, tes punchlines ?
Je ne sais pas car je ne fais pas spécialement d’efforts. Je suis toujours avec mes amis d’enfance, j’ai commencé la musique avec eux. Tous ceux qui connaissent ma carrière ou me sui-vent depuis des années le savent. Bien que j’ai les moyens aujourd’hui, grâce à Dieu, d’aller vivre ailleurs, j’habite toujours dans mon quartier d’enfance. Notre studio est là-bas, notre label Zone de rap est là-bas. Mes punchlines viennent de chez moi, de notre façon de vivre, de nos faits divers de quartier. Je vais vous donner une anecdote : une maman du quartier qui nous voyait toujours autour du studio est venue me voir un jour en me disant « c’est bien vos histoires, mais allez chercher du travail »; je lui ai répondu que nous étions justement en train de travailler. Elle me rétorqua « Ah mais qu’est-ce que tu racontes, de toute façon ce n’est même pas cela que je venais te demander. J’ai un problème d’électricité à la maison, il faut que tu ailles chercher ton frère pour me réparer ça ». Tout cela pour te dire que je vis dans un environnement où j’ai gardé la même rage et la même authenticité qu’au départ. Je discute avec les mêmes gens, dans les mêmes bars. On peut se raconter librement certaines choses, sans égard, sans appréhension. Pour moi, c’est donc un exercice aisé de pouvoir écrire de façon spontanée.
À quoi doit-on s’attendre pour 2017 ?
J’ai eu beaucoup de singles qui ont marché, il faut donc préparer un album qui soit à la hauteur. J’ai signé mon contrat d’édition, ici en France, dans l’optique de bien mettre les choses en place pour la sortie de l’album. 2017 sera donc une grande année avec une tournée nationale « Maahlox le vibeur » et également les projets des autres artistes de Zone de rap à venir. La chanson Le bonheur est dans les billets de ten de J’ai la rime aka Money man arrive bientôt, ce sera du lourd !
Au delà de mon projet perso, je bosse aussi sur ceux de mes gars.
Si je te donne une baguette magique et que tu peux choisir n’importe quel artiste francophone ou anglophone vivant pour un featuring …
En francophone, je dirais Petit Pays. En anglophone, de ma génération, je dirais Mister Leo. Il a un style, une approche, une technique véritablement authentique.
Au niveau national, ressens-tu de l’intérêt de la part du Ministère de la Culture ou des grands médias pour l’éclosion du rap camerounais ?
Oui bien sûr le rap a fait du chemin ! Ce que les gens doivent savoir est que la mouvance du moment au Cameroun est la musique urbaine et plus encore le rap. Statistiquement parlant, ce sont les musiques les plus vues au niveau de Youtube et les plus écoutées en radio. En réalité, les autres rythmes musicaux commençaient déjà s’essouffler, il manquait d’un renouvellement. On avait l’impression que ces rythmiques tournaient un peu en rond. Aujourd’hui, la musique urbaine camerounaise apporte un nouveau souffle. C’est ainsi que des artistes comme moi vont se retrouver à jouer dans de grandes cérémonies officielles aux côtés de stars nationales plus ancrées dans le folklore local, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il y a de cela quelques années, il aurait été inimaginable qu’un artiste comme moi passe devant une Lady Ponce ou Coco Argentée lors d’une cérémonie officielle.
Si tu avais un conseil à donner à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans la musique …
Il y a 3 choses clés dans la vie : croire en Dieu, croire en toi et croire en ce que tu fais. Si Dieu a créé des hommes avec des moyens sans idée, il a aussi créé des hommes sans moyen mais avec des idées. Le succès dépend de cette capacité à croire en soi.
Si je te dis le mot “Roots”, cela t’évoque quoi ?
Je vois l’Afrique et cela me renvoie au mot espoir.
Édition : ROOTS n°18
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