Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Didier Piquionne, j’ai 40 ans, je suis le gérant-fondateur de l’agence Make it Clap spécialisée dans l’évènementiel avec une partie publique et une partie privée. Je suis d’origine antillaise, plus particulièrement de la Martinique.
Revenons sur ton parcours post entrepreneurial…
J’étais chef de projet en agence de communication pendant 4 ans, à la fin de mes études. J’avais un portefeuille de clients spécialisés dans la musique, le spectacle et le cinéma. C’étaient des domaines relativement connexes avec ce qui est aujourd’hui mon métier. J’ai toujours été passionné par le divertissement, par l’entertainement. J’ai pris mon courage à deux mains et à 28 ans j’ai arrêté mon activité principale. J’ai eu la chance de pouvoir reprendre la direction artistique de la Scène Bastille, où j’ai créé notamment un projet qui s’appelait la Rime Shot Party qui a fait date dans Paris. Je faisais mes premières armes en tant que promoteur et producteur d’événements. Par la suite, j’ai monté ma boîte en 2005 : Make it Clap. J’ai été très rapidement rejoint par Alexis Onestas et Cyril Coudoux qui sont restés mes associés pendant quasiment 7 ans et c’est ainsi que tout a démarré. Nos activités s’articulaient autour de l’organisation et production de soirées, concerts, festivals et booking artistes.
Peux-tu nous citer les différents grands faits d’arme de Make it Clap ?
Nous avons été les producteurs de spectacles (tourneurs) d’Admiral-T dont 2 de ses Zénith, les premiers producteurs de spectacles de Kalash que tout le monde s’arrache aujourd’hui, les premiers à faire venir quelques gros noms américains à Paris tels qu’Anthony Hamilton, Rick Ross, August Alsina… De gros évènements en Guadeloupe notamment le festival Music is Love où on a fait venir Busta Rhymes et Beenie Man, un festival Summer Break où nous avons ramené Omarion… Et ce qui reste aujourd’hui sans doute l’événement phare de notre catalogue : La Hip Hop Loves Soul qui a fêté ses 10 ans cette année.
Peux-tu nous expliquer la genèse de Hip Hop Loves Soul ?
La réflexion autour de ce projet était assez simple. Je suis quelqu’un qui navigue dans différents univers, je n’aime pas trop le cloisonnement. J’observais aux États-Unis cet échange permanent entre les différents acteurs de la scène urbaine et j’avais envie de reproduire quelque chose qui ressemblait un peu à cela. Nous avons créé un produit qui n’existait pas à Paris.
Tu avais les gens dans un univers un peu soul, d’autres plus dans un truc bling-bling, show off, etc. Il y avait ces espèces de niches qui ne se retrouvaient pas sur un projet commun et j’ai voulu rassembler toutes ces communautés d’amoureux de soul et hip hop. Pour cela, il fallait la programmation musicale la plus harmonieuse, efficace et pointue possible pour plaire aussi bien aux fans de rap qu’à ceux qui étaient un peu plus groovy.
Vous avez fait parmi les salles les plus mythiques de Paris. Qu’est-ce qui vous a différencié des autres ?
Les autres soirées sont généralement très sectaires dans le sens où elles ne s’adressent qu’à une typologie de clients. Un des trucs qui m’a marqué et fait dire qu’on allait dans le bon sens avec Hip-Hop Loves Soul, c’est quand j’ai vu Erykah Badu reprendre le « A millie » de Lil Wayne sur scène au Palais des Congrès. Le but n’est pas de savoir si t’es un mec plutôt new soul ou plutôt thug de la street, mais : est-ce que lorsqu’on va se mélanger, le concept va être bon ? Nous avons aussi détonné par les endroits choisis pour nos events avec des lieux d’exception où il n’y avait jamais eu de soirées hip-hop auparavant et encore moins avec une récurrence : l’Elysée Montmartre, le Moulin Rouge, le Bataclan…
Le public de la première heure vous a suivi ou est-ce générationnel ?
Je ressens cette fierté de me dire que sur 10 ans, nous avons vu passer 3 générations de personnes, ce qui est énorme pour une soirée hip-hop ! J’ai encore des quarantenaires comme moi qui viennent à Hip-Hop Loves Soul. Cette année on a d’ailleurs décidé de faire des soirées old school pour les aficionados de la première heure et leur apporter ce “kiffe” de retrouver Hip Hop Loves Soul dans des petits lieux avec une approche musicale moins club et beaucoup plus à la cool. Pour revenir à la Hip Hop Loves Soul, cela a toujours été un espace multi générationnel. J’ai des petits jeunes super pointus, super « chauds » et qui représentent la mouvance d’aujourd’hui, comme je vais avoir des anciens qui ont la quarantaine, qui sont encore très connectés et que ça ne dérange pas de se retrouver dans ce chaudron-là.
Ton surnom sur les réseaux sociaux est “FrenchDiddy”. Prends-tu Puff Daddy pour modèle ?
Non. En fait, “FrenchDiddy” car je m’appelle Didier et ma mère me surnommait “Diddy”. Si j’étais procédurié, j’essaierais de voir dans quelle mesure ce type me doit des royalties pour l’utilisation de ce nom (rires). Pour être plus sérieux, il est évidemment un modèle puisque aujourd’hui, avec Dre et Jay-Z, il tient le haut du pavé dans le business du hip-hop, mais ce n’est pas mon modèle dans l’absolu.
Tu as fait tes preuves dans l’évènementiel, quels sont désormais tes projets sur les 5 prochaines années ?
On est effectivement reconnu comme des promoteurs d’évènements de qualité, donc je ne dirais pas qu’on n’a plus rien à prouver mais presque. On va continuer à faire tourner cette activité mais il y a d’autres défis. Au même titre que nous avons réussi à conquérir le public, nous voulons étoffer la partie corporate.
Je suis très fier de dire que nous avons organisé les 30 ans de la marque Jordan l’année dernière. Nike nous a fait confiance et ce fut un moment magique pour l’agence et tous nos petits jeunes qui se sont pliés en 4 pour remporter cet appel d’offre.
Je suis très fier de dire qu’on travaille avec Afrostream, avec Citadium et que tous ces professionnels sont contents du travail qu’on leur fournit. Le défi est donc de développer au maximum le côté agence et proposer des projets toujours plus fous. Par exemple, un produit comme Hip Hop Loves Soul en format festival serait une prochaine étape. Je vais vous donner un scoop : le 27 août nous avons fêté les 10 ans et c’est la dernière fois que nous le réalisons de cette manière. Et ce n’est pas une boutade genre le Black Album de Jay-z. J’ai mûrement réfléchi la chose et les prochains rendez-vous seront dans un format où le spectacle sera au centre de mes préoccupations. L’idée serait un beau festival et nous allons prendre le temps pour cela. Comme c’est un produit exceptionnel, nous allons commencer par la France et ensuite essayer de faire tourner le projet dans les pays limitrophes.
Le magazine promeut au maximum l’entrepreneuriat. Nous l’appelons la “génération Roots”. Quel état des lieux ferais-tu de cette génération ?
J’ai cette sensation que nous n’étions pas super nombreux, dans ceux de mon âge, à prendre des risques. Nous avons été en quelque sorte des pionniers en la matière. Je salue ceux qui sont encore là. Mais les jeunes, c’est incroyable ! Ils prennent leur destin en main et n’attendent pas qu’on les invite à la table, ils s’y installent d’eux-mêmes. Ils savent que s’ils attendent qu’on leur tende la fourchette, il ne va rien se passer. Je suis très content de voir cela car nous allons créer des gens de plus en plus forts, les générations d’après pourront être encore plus organisées et peut-être réussiront-elles à développer une économie de la black culture très forte. Je dirais cependant qu’aujourd’hui, pour les jeunes entrepreneurs que je peux croiser, il manque un peu de formation, de cohésion, mais ça va venir. Il faut dire ce qui est, nous n’avons globalement pas été élevés pour être des entrepreneurs à la base. Nos parents, qui sont des « invités » ici, ont voulu pour nous la sécurité et ne nous ont pas forcément poussés à prendre des risques. Nous, les plus grands qui avons pris ce risque, sommes aussi là pour transmettre les ficelles à ceux qui arrivent derrière nous et j’y travaille. C’est ce que je fais notamment lorsque je prends des jeunes qui n’ont pas forcément de formation mais en qui je sens un potentiel et une volonté et je les forme pour en faire de futurs entrepreneurs.
Si tu avais un conseil pour quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans l’évènementiel ?
D’y aller pour les bonnes raisons. Comme pour tout business, se lancer parce qu’on a eu une analyse rationnelle du projet. Le « truc » de la passion est encore plus dommageable dans des domaines comme le mien. Ce sont des business qui ne sont pas « sizé » comme les autres et si tu arrives uniquement en tant que passionné en pensant que tu vas te faire « kiffer », tu vas très vite te prendre un mur ! Concrètement, il faut avoir une bonne analyse de ce que tu veux faire, une structure qui te permette de pouvoir réaliser tes objectifs et des sous ! Si tu n’as rien dans la poche, ce n’est pas en faisant 2 ou 3 soirées que tu vas créer un empire donc il faut une bonne base de départ.
C’est le numéro anniversaire des 5 ans. Si tu avais un message à adresser à nos lecteurs ?
Ça irait dans le sens de ce qu’on s’est dit préalablement. ROOTS magazine est un des exemples d’entreprenariat à suivre. 5 ans, un projet fort, un projet qui met en avant de façon qualitative la black culture, donc longue vie à tous ces entrepreneurs qui nous tirent vers le haut !
Si je te dis le mot “Roots”, qu’est-ce que cela t’évoque ?
L’équilibre.
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