« L’idée est partie de là, du manque de considération des maisons d’édition franco-françaises pour la littérature afro-américaine. »
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Alexis Onesta, 41 ans, entrepreneur à la tête de O’Maximum holding et originaire de Marie-Galante, en Guadeloupe.
Ce n’est pas votre première apparition dans ROOTS. La première, 10 ans en arrière, concernait votre vie d’acteur dans l’événementiel et la communication. Entre temps, d’autres activités ont été développées, notamment une maison d’édition et c’est le volet que nous allons aborder…
Aujourd’hui, O’Maximum qui était une agence de communication est devenue une holding qui rassemble diverses entreprises dans le marketing digital, la communication, le management et la production de shows de danse, ais également un label et un centre de formation. Ces différentes entités sont réunies sous la partie holding et mon activité principale et personnelle se concentre sur la gestion d’une maison d’édition qui s’appelle O’Max Books et a pour vocation de traduire des livres afro-américains en français.
Question bête, cela n’existait pas auparavant ?
Pour te répondre, je vais t’expliquer comment j’ai monté la maison d’édition. J’avais lu les biographies d’Elon Musk, Bill Gates, Steve Jobs, etc. Mais quand l’agence a atteint son pic et que j’ai commencé à développer différentes structures, j’avais besoin de modèles qui me ressemblent pour savoir où aller et quoi faire par la suite.
J’ai donc entamé la lecture de biographies et livres afro-américains. Plus je lisais et plus je me rendais compte que de nombreux francophones, comme moi, auraient besoin de ce type de contenus. Et, durant un voyage à New York, j’ai été échangé avec des maisons d’édition locales, et je leur ai justement posé la question du pourquoi cette absence de nombreux livres afro-américains traduits en français alors qu’on a Insecure d’Issa Rae qui passe sur OCS, Empire avec Taraji Benson sur M6, Rick Ross ou 50 Cent qui sont très écoutés ici, etc. Elles m’ont expliqué que, lorsqu’elles sortent un ouvrage en anglais, elles ont besoin d’une maison d’édition partenaire pour l’Italie, pour la France, pour l’Espagne, pour les pays asiatiques… Et que les maisons d’édition françaises ne s’intéressaient tout simplement pas à genre de bouquins. Et j’ai saisi l’opportunité. Si nous sommes capables de produire du contenu digital ou des films, la traduction d’un livre ne devait pas être si compliquée. En résumé, l’idée est partie de là, du manque de considération des maisons d’édition franco-françaises pour la littérature afro-américaine.
Du coup, partant de votre background dans l’univers de l’urbain et du hip-hop, vous avez automatiquement choisi de vous orienter vers les personnalités afro-américaines de l’entertainment ?
Pas forcément. Je me suis juste dit que j’allais traduire et amener sur le marché français des livres inspirants que moi, à petit personnel, j’avais lu. Et il s’avère que ce qui m’a intéressé à la base, ce sont des personnes de l’entertainment et du business.
J’ai donc commencé par Issa Rae parce que c’est quelqu’un qui, justement, mêle ces deux aspects. C’est une personnalité qui a un gros aspect business, créatrice de nombreuses structures et à la tête d’un mini empire.
Et, en même temps, c’est quelqu’un de l’entertainment qui est ultra suivie par une communauté bien identifiée, à savoir les femmes afro-françaises.
Décrivez-nous le process…
Au sein de O’max Books, tout est fait en indépendance et nous gérons directement les droits des livres. Nous traduisons, nous mettons en page et nous imprimons en Pologne. Ensuite, nous distribuons les livres via tous nos partenaires : Carrefour, Relay, librairies indépendantes, Amazon, etc. Nous avons lancé la pré commande de notre premier livre d’Issa Rae, le jour de sa date d’anniversaire, le 12 janvier 2021.
Nous sommes désormais en 2024, pouvez-vous nous citer les différentes personnalités afro-américaines que vous avez été amené à traduire ?
Nous avons donc commencé par Issa Rae, puis avons enchaîné avec Common qui a écrit un super livre sur l’amour qu’il a pour ses 3 passions – le rap, le cinéma et sa fille – et comment il réussit à gérer tout cela en même temps.
Nous avons également publié la biographie de Taraji Benson ainsi que l’ouvrage « Quel jour parfait pour devenir un Boss » de Rick Ross, qui est à ce jour notre best-seller avec plus de 10 000 exemplaires vendus. Et enfin, notre dernier bébé avec le livre de 50 Cent : « Comment réussir, échouer et tout reconstruire ».
« Remettre un prix à Rick Ross, en Guadeloupe, pour un livre que j’ai édité… C’était quand même quelque chose de particulier ! »
Jusqu’à présent, quel est votre moment le plus mémorable ?
Contrairement à ce que j’ai pu voir dans la musique, durant ces 20 années de boulot, les livres ont la particularité de ne jamais mourir. Le choix est donc particulièrement difficile. Je ne suis pas à l’abri qu’il m’arrive des choses extraordinaires avec Common ou Taraji que je n’ai pas encore rencontrés personnellement. J’ai eu la chance de rencontrer une fois 50 Cent et à plusieurs reprises Rick Ross.
Dans la musique, j’avais l’habitude de recevoir ou remettre des disques d’or, de platine ou de diamant. J’ai décidé d’utiliser le même procédé pour les livres. Et, à 10 000 livres écoulés, ce qui est énorme pour une maison d’édition indépendante, j’ai fait fabriquer un Livre d’Or pour « Quel jour parfait pour devenir un Boss » de Rick Ross.
Et il s’avère qu’il est venu faire un festival en Guadeloupe, chez moi, fin mars 2024. J’ai donc profité de l’occasion pour lui remettre ce prix. Je ne te cache pas que remettre un prix à Rick Ross, en Guadeloupe, pour un livre que j’ai édité… C’était quand même quelque chose de particulier !
Serait-ce une suite logique de devenir la référence française pour toute personnalité noire voulant éditer son autobiographie ?
Pour le moment, et même si on ne sait jamais de quoi l’avenir est fait, on ne bossera pas avec les auteurs français.
Pourquoi ? Parce que d’autres maisons d’édition le font déjà très bien. Ce qui est intéressant dans notre démarche actuelle, comme dans les labels, c’est que chacun apporte sa touche et la nôtre, celle que l’on a imposée, est d’être la référence en matière de traduction de livres afro-américains.
Je rentre du salon international de la littérature, en Côte d’ivoire, où j’ai été invité d’honneur. Une sorte de récompense par rapport à tout le travail que j’ai pu faire ces derniers temps. Et ça, c’est le futur. Quand j’achète les droits d’un livre, avant même d’avoir vendu un seul exemplaire, je m’assure d’avoir les droits de la version française dans le monde entier et l’Afrique francophone représente un levier de distribution énorme. Voici mon prochain challenge. C’est un travail qui prend du temps parce qu’on le fait en indépendant. À Abidjan, nous avons pu signer des partenariats incroyables avec la Fnac, avec la Librairie de France ou encore avec le Bushman, afin de pouvoir justement distribuer les livres dans un maximum de points.
Vous connaissez notre ADN, la Black Excellence. Si vous aviez un conseil d’entrepreneur à donner à nos lecteurs ?
J’ai lancé O’Max Books en plein vide, au moment où tout le monde expliquait que plus personne ne lisait, dans un pays lettré où la traduction est vue un peu comme la
dernière roue du carrosse en terme de littérature, parce que tu ne fais « que » traduire. Et aujourd’hui, je travaille avec 50 Cent, un des rappeurs qu’on peut classer dans le top 10 de toute l’histoire du hip-hop américain.
Le secret, c’est de croire en son idée, peu importe tous les contre-arguments que ton entourage va t’opposer.
Originaire de Guadeloupe, cela représente quoi pour vous ?
La Guadeloupe représente mon tout, ma base. J’y suis très régulièrement. J’ai monté des business là-bas et j’ai envie de dire que, si ce n’est pas mon présent, c’est mon passé et mon futur.
Si je vous dis le mot « Roots », cela vous évoque quoi ?
Différentes choses me viennent à l’esprit, mais puisque nous parlons de O’max Books, je pense au livre « Roots » d’Alex Haley qui est à classer parmi les classiques.
Incroyable.
Commentaires