Mi-femme mi-poisson, mi-terrestre mi-aquatique, Mami- wata est la mère des eaux. Déesse du culte Vodun au Togo et au Bénin, cette sirène aussi crainte que vénérée, est la seule divinité africaine rassemblant des cultures et des peuples aussi divers que les Ibo du Nigéria, les Ewé du Bénin, les Bamiléké du Cameroun ou les Kongo de la RDC.
Héroïne de contes lacustres et de légendes urbaines, elle recouvre autant de symboles que de cultures, et incarne autant de vertus que d’espoirs, autant de maléfices que de peurs. En plus d’être une créature hybride, Mamiwata est une divinité étrangère aux hommes mais aussi à la nature. Ce qui lui vaut d’être supranaturelle car elle in- carne le croisement entre trois mondes : animal, humain et spiritualité. Cette hybridité qui fait d’elle un monstre lui confère tous les pouvoirs. Crainte des hommes, sur- tout des pêcheurs qui redoutent d’être mangé par la créature, la déesse des eaux est a contrario vénérée pour ses pouvoirs sur la fécondité ainsi que son extrême générosité envers les gens qui lui voue leur adoration.
On ne sait à qu’elle moment elle a fait son apparition dans la culture africaine. Cependant deux écoles s’opposent : Mamiwata existerait depuis la nuit des temps et bien avant la colonisation mais selon des chercheurs, il semblerait que la déesse soit apparue au XVème siècle au moment où les Européens ont foulé le sol africain. La sirène aurait été introduite à la fois par les récits des marins Européens mais aussi par les figures de proue de leurs navires, qui représentaient souvent cette créature fabuleuse.
Bien qu’elle soit l’objet de cultes et de croyances différentes, on peut dire que Mamiwata est une déesse panafricaine ayant traversé l’Atlantique avec les esclaves africains durant près de quatre siècles de traite. L’aspect « étranger » de Mamiwata a d’ailleurs toujours été fortement souligné dans sa représentation picturale, comme symbole des bouleversements culturels apportés par la traite négrière et la colonisation européenne. Mais en dépit de ce mélange d’influences, Mamiwata est bien une divinité africaine représentant la beauté, le désir sexuel, les difficultés économiques mais aussi un espoir d’ascension sociale. Ces paradoxes reflètent avant tout le désarroi des sociétés africaines face au changement, entre tradition et modernité, entre authenticité et aliénation. Le paradoxe de la sirène dans toute sa splendeur.
Par Solange Droual
Édition : ROOTS n°14
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