Collectif Anti-Négrophobie : Au-delà des a priori

Rencontre sans détour avec Franco, membre du Collectif.

L’origine du Collectif Anti Négrophobie…

Notre collectif est né dans le courant de l’année 2005, qui a été particulièrement meurtrière pour la communauté noire de France. Des incendies successifs qui ont entrainé la mort de 52 personnes, essentiellement d’origine africaine dont 33 enfants. C’était la résultante d’une discrimination raciale dans le logement. Cette même année, en Novembre 2005, il y a eu ce que la France a appelé des «émeutes» mais que nous considérons comme des «révoltes» suite aux décès de Zied et Bouna, morts dans des conditions de «faits divers». L’ émotion des gens, leur ras-le-bol , le sentiment d’injustice de la population qui se reconnaissait en ces deux jeunes ont crée les révoltes que l’on connait et qui ont écorné l’image de la France à l’échelle internationale. Ce qui nous a finalement déterminé à créer notre mouvement : la condamnation de Marc Olivier Fogiel pour injure raciale par un tribunal de grande instance. Malgré cette condamnation, ce dernier a été maintenu sur le service public! Et pen- dant ce temps, on continue de payer la redevance TV comme tout citoyen! On s’est rendu compte que la négrophobie n’était pas défendue avec autant de force que d’autres formes de racisme.

Le CRAN ou SOS racisme existaient déjà. Ils ne remplissaient pas leur rôle ?

Peu importe ce que nous pensions mais les faits montraient qu’on était pas suffisamment défendu et que la négropho- bie n’était pas condamnée de la même manière que d’autres formes de racisme. Notre objectif n’est pas de critiquer mais je pense que leur manière de combattre le racisme n’est pas efficace parce qu’ils noyent le problème des diverses formes de racisme dans un ensemble trop vague et indivisible nommé Racisme. Or, il existe différentes formes de racisme comme l’arabophobie, le négrophobie, l’antisémitisme… Chacun d’eux emprunte un cheminement différent et nécessite donc des remèdes différents, même s’il peut y avoir des passerelles pour comprendre l’un ou l’autre. C’est une stratégie bien franco française de noyer la problématique du racisme dans un racisme globalisé pour donner l’impression qu’on s’occupe des choses.

Le Collectif antinégrophobie n’est pas une entité juridique. Cela peut faire peur…

Le racisme est une construction idéologique, une imagerie, on crée des préju- gés et on convint les gens. Tout combat assimilé aux noirs a une connotation négative. Quoi que vous fassiez, vous serez toujours assimilés à la radicalité. L’image du noir a toujours été dénigrée – le mot «dénigrer» venant de «nègre» – alors que risque-t-on en agissant ? Nous sommes là pour aider à déconstruire les a prioris. Il faut que les gens comprennent qu’il y a des conséquences à pratiquer le racisme. Le plus dangereux est le racisme invisible qui se véhicule dans le cliché. Exemple, le terme «homme de couleur» qui sous entend que le blanc est la réfé- rence absolue.

Le grand public vous a connu avec l’affaire Guerlain. Conséquences?

Mener une action ce n’est pas que du tapage! Il y a eu des négociations. J’ai rencontré les PDG de LVMH et Guerlain. Au bout d’un an, nous avons obtenu 600 000 euros pour financer la Drépanocytose à l’hôpital Robert Debré et des actions pour la diversité.

Vous avez été reçu par la direction du magazine ELLE suite à la polémique…

Nous sommes en négociation avec eux et pour l’instant on se comprend bien. Au début, il y a eu beaucoup d’appréhension de leur part parce qu’on était dans un cas typique de racisme inconscient. Ils ne comprenaient pas la dimension raciste de l’article ni les réactions en chaine de la communauté. On leur a dit que ce n’est pas l’auteur de l’article qui nous intéresse mais bien le mécanisme raciste et institutionnel qui promeut ce genre de messages.

Comment vous contacter ?

Le site www.ancfrance.com avec un lien Facebook où vous pouvez nous laisser un message privé. Bientôt on ouvrira un site qui apprend à lire le racisme d’État.

Si je te dis ROOTS, ça t’évoque quoi ?

Le parcours que tout le monde devrait faire. Pour savoir où on va, il faut savoir d’où on vient. Il faut refaire le chemin à l’envers, non pas pour s’endormir dans le passé mais pour comprendre à quel point nous sommes une force.

Édition : ROOTS n°4

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