CHEICK TIDIANE FALL : Légendaire jazman

Une légende du jazz qui a enfanté un prodige du rap, Lefa de la Sexion d’Assaut, se livre sur sa passion de la musique. 

Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?

Je m’appelle Cheick Tidiane Fall, je suis d’origine sénégalaise, je suis un musicien de jazz. Je suis arrivé en France en 1969, où j’ai fait des études de cinéma à l’ENPC Louis Lumière. J’ai dû aller en Belgique et c’est dans ce pays que ma carrière de musicien de jazz a commencé. J’y ai rencontré des cinéastes, dont Delphine Seyrig qui m’a présenté ses amis qui louaient une maison, dans laquelle il y avait un théâtre. Ils m’ont autorisé à l’utiliser, je me suis donc mis à jouer de la conga (tambour africain). Cela a attiré mes amis qui sont venus répéter avec moi. C’est comme ça que j’ai commencé la musique. Plus tard, c’est dans un club de Belgique que j’ai rencontré de très grands musiciens de jazz et c’est avec eux que je suis devenu percussionniste. Dans ce pays, j’ai eu la chance de jouer avec Chris Joris, Paul Van Gysegem ou encore Gérard Montrose.

Vous êtes d’une famille avec de nombreux musiciens et êtes une légende de la musique africaine. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Notre famille a participé comme beaucoup d’autres Sénégalais à l’essor de cette « culture musicale ». Les gens connaissent ma tante car elle a composé des chants traditionnels et religieux et ils référencent notre famille à la musique par rapport à elle. Pour ma part, je comptais faire des études de cinéma, il n’y a eu au départ aucun contact avec la musique. Après la Belgique, quand je suis arrivé en France, j’ai monté un groupe: Assum. Comme j’avais eu de l’expérience dans la percussion et que j’avais du matériel, j’ai monté un groupe avec Agid Dieng et Nana Vasconcelos et le succès fut au rendez-vous ! J’ai commencé comme ça, en montant des groupes. J’ai joué partout dans le monde, on a fait pas mal de tournées, j’ai travaillé avec beaucoup de gens… C’est ainsi que j’ai eu la chance de me  produire dans énormément de pays : Maroc, États-Unis, Japon, Mozambique…

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Quelle collaboration artistique vous aura le plus marqué dans votre carrière ?

Toutes ! Dans la musique, il n’y a pas de jalousie ou discrimination, parce que tout le monde a un caractère différent. J’ai une grande tolérance pour toutes les formes d’expression artistique, les gens ont une créativité qui leur est propre et chaque collaboration m’aura apporté un plus.

Votre fils Lefa a également connu une carrière à succès en tant que membre de la Sexion d’Assaut et maintenant en solo. Quel regard portez-vous sur son ascension ?

En solo, j’adore ce qu’il fait ! Je ne dis pas cela parce que c’est mon fils, mais j’aime bien ce qu’il fait parce que c’est intelligent. C’est ma façon de faire aussi qui, quelque part, a dû jouer un rôle. J’aime particulièrement les titres En terrasse et J’me téléporte. Il a une approche originale de la musique. Je l’écoute et le suis depuis tout jeune. Je me rappelle quand ses amis Barack Adama, Maska et Bilal (Maître Gims) venaient à la maison tous les jours, je les emmenais au foot, je les conseillais et je suis fier d’avoir assisté à leur décollage.

Quels sont vos projets pour 2019 ?

Mon dernier disque a été repris par Socadisc (distrbuteur de musique indépendant) et un autre, plus ancien, par un second label afin de les rééditer et de les vendre à travers le monde. J’ai encore pas mal de dextérité (rires). Je fais une très belle musique, j’ai des très grands musiciens qui ont joué avec moi et qui sont prêts à rejouer avec moi. Si je trouve quelqu’un qui est intelligent, qui peut rentabiliser cela, tant mieux.  Sinon, je le ferai moi-même.

Vous êtes installé depuis un moment en France où vous avez fondé votre famille. Comment décririez-vous votre lien avec le Sénégal ?

Je n’ai jamais abandonné le Sénégal, mes enfants sont allés là-bas, ma mère était là-bas, mes neveux, on a une grande famille et on a une maison sur place. Mon lien avec le Sénégal est resté intact. J’habite à Paris depuis plus de 50 ans, mais quand je vais au Sénégal tout le monde sait où je suis, tout le monde me connaît. Le travail que j’ai fait tout au long de ma carrière, je l’ai fait pour mon pays.

Si vous aviez un message pour la diaspora…

Je dirais : « Continuez toutes vos initiatives, c’est très bien ! Parce que vous êtes en train de sortir vos parents de l’anonymat ». Je suis donc optimiste quand je vois cette jeune diaspora pleine d’initiatives et qui veut valoriser le pays de ses ancêtres.

Si je vous dis le mot « Roots », cela vous évoque quoi ?

Roots, cela me fait penser au nom de mon groupe : « African Roots in Jazz ». Ce sont les Africains qui ont amené le groove dans le jazz, ce sont eux qui ont amené la rythmique, c’est ça Roots.

Édition ROOTS n°22 – Spécial Djolof