Je veux être auteur, réalisateur et acteur. […] Avec notre nouvelle génération, tout est possible. […] Le tout est de trouver la bonne cohérence d’ensemble.
Contrôle d’identité, s’il vous plaît ?
Je m’appelle Wil Aime, je suis de la Guadeloupe, j’ai 25 ans, je suis auteur, réalisateur, et acteur de mes propres films que je poste pour l’instant sur les réseaux sociaux.
Revenons sur votre parcours…
Depuis mon enfance, je suis fan d’histoires que ma mère me racontait. Elle ne me contait pas des fables, mais me retraçait des films. J’ai toujours été un cinéphile sans réellement savoir ce que c’était. Puis, j’ai fait du théâtre, je racontais des poésies et textes de Molière, notamment. Arrivé en faculté de mathématiques, j’ai dû arrêter le théâtre par manque de temps. À la fin de ma 2ème année, je ressentais le vide créé par l’abandon de cette passion. Dès lors, je me suis mis à écrire des Vines sur l’application, des vidéos qui ont commencé à être de plus en plus longues :
15 secondes, 30 secondes, puis 1 minutes et maintenant 37 minutes ! Internet a été le moyen grâce auquel j’ai pu exprimer ma créativité, mes idées, l’endroit où je pouvais raconter tout ce que je voulais.
En débutant vos cours de théâtre, aviez-vous déjà à l’esprit que c’était la voix dans laquelle vous comptiez vous épanouir professionnellement ?
Je n’ai jamais pensé que c’est quelque chose que j’allais faire toute ma vie, c’est une décision que j’ai prise il y a moins d’un an. Pourtant, je fais des vidéos depuis maintenant 5 ans. J’ai toujours été très concentré sur mes études, c’était donc pour moi un moyen d’évasion, un hobby juste pour m’amuser. Mais c’est devenu addictif et j’en veux désormais toujours plus.
Quel a été le moment pivot, ce moment où vous avez compris l’engouement inédit autour de votre travail ?
« Comment sortir de la Friendzone » est une vidéo qui est restée dans l’esprit de tous, mais elle n’a pas été mon premier tournant. C’est avec « L’art de la tromperie » que je suis sorti, pour la première fois, du registre de l’humour et qu’on a pu identifier ma façon d’écrire et de réaliser, reconnaissable de tous. C’est à partir de cela que j’ai su que je tenais quelque chose, car j’ai toujours été détaché de la viralité des réseaux sociaux, mes études étant ma priorité. Le buzz suscité par cette vidéo a récompensé un travail d’ensemble : le format, la réalisation déployée, ma façon de retracer l’histoire… Ça n’avait jamais été fait auparavant et c’est ce qui m’a motivé à en faire une œuvre complète. Je n’avais pas d’arrière-pensées bien définies quand j’ai fait « l’Art de la tromperie », je m’essayais à un genre nouveau et c’était avant tout pour me faire plaisir. Sur le moment, ça n’a pas fait une déferlante. S’en est suivie la sortie de « Comment sortir de la Friendzone » qui a été un carton. Aujourd’hui, c’est amusant de voir que « l’Art de la tromperie » a plus de vues que « La Friendzone », certainement parce que les gens qui m’ont découvert à ce moment sont allés voir mes vidéos antérieures, par curiosité.
Comment gérez-vous cette notoriété qui vous est tombée dessus ?
J’ai géré cette notoriété de façon progressive. Au fil du temps, je m’y suis habitué. En revanche, il y a des choses que tu ne peux plus faire comme prendre le métro ou encore aller en boîte avec tes amis, tu dois être plus vigilant, porter une casquette avant de sortir pour ne pas être vu… Mais ensuite, tu te rends compte qu’il faut s’efforcer de continuer à vivre le plus « normalement » possible, en y englobant toutes ces difficultés. On n’a qu’une seule vie, il faut en profiter. Et puis après tout, même lorsque l’on me reconnaît et qu’il faut prendre des photos, ce n’est que du « love » !
Vos vidéos suscitent d’énormes attentes, parfois même démesurées. Comment ressentez-vous cette pression ?
La pression que les gens me mettent n’est rien a coté de celle que je m’impose à moi-même.
Il faut que la vidéo qui sort soit meilleure que les précédentes. Croyez-moi, je suis la personne la plus pressée de la sortie d’une vidéo, mais il faut que je trouve le temps, la patience et que je sois persuadé d’avoir atteint mon objectif.
Je considère donc cette attente comme quelque chose de positif.
Dans la construction de votre univers cinématographique, de grandes figures noires telles que Spike Lee, par exemple, vous ont-elles inspiré ?
Cela a été progressif, en fonction de mon évolution, j’ai eu des inspirations différentes. Depuis mon enfance, je suis inspiré par Denzel Washington et Will Smith, dans deux registres différents. Peut-être parce que ce sont les seules personnes en qui je pouvais me voir. Il est vrai que je me suis vite réfugié dans la culture afro-américaine qui me faisait rêver, notamment le Prince de Bel-Air (Wil Smith), un grand classique ! Quand j’ai commencé les vidéos, je me suis inspiré de Denzel, sa façon de rendre ses personnages très humains et Will Smith, avec cette proximité qu’il réussit à créer avec les gens. Mais les grands acteurs noirs américains ne sont pas ma seule source d’inspiration. Les vecteurs sont multiples. Une des personnes qui m’inspire également en ce moment est Kylian Mbappé. J’aime son audace. Pour lui, tout est possible malgré son jeune âge. Mais Denzel Washington reste le numéro 1, je l’admire à la fois pour sa carrière, sa foi, son image et son incroyable talent.
A termes, vous orientez-vous davantage vers le
métier d’acteur ou réalisateur ?
Mon objectif est de faire les deux. Vous pouvez même ajouter le métier d’auteur. Je veux être auteur, réalisateur et acteur. Il est très rare de voir un film porté et joué par son propre réalisateur. À l’exception, peut-être, de Clint Eastwood ou Jordan Peele. Mais avec notre nouvelle génération, tout est possible. Quand tu regardes les YouTubeurs et vidéastes d’aujourd’hui, ils sont à la fois compositeurs, acteurs, réalisateurs et mènent et leur carrière de A à Z. Le tout est de trouver la bonne cohérence d’ensemble.
Cette édition sera un spécial Karayib et vous
partagez la couverture avec 5 autres personnes qui excellent dans leurs domaines respectifs. Que cela représente-t-il pour vous ?
C’est tout d’abord un grand honneur, ça me fait énormément plaisir. Ça me met une certaine pression de faire partie des représentants de cette génération de Caribéens. Je m’inspire de la longévité et de l’expérience des 5 autres personnes présentes sur cette cover et ça motive à être meilleur !
Si vous aviez un message à adresser à la diaspora caribéenne ?
Je n’affiche pas particulièrement mes origines dans mes vidéos, mais je suis un vrai Guadeloupéen, patriote et fier de l’être. Je porterai haut nos couleurs lorsque ma voix portera davantage, peut-être lorsque j’irai chercher un premier Oscar (rires).
Que pouvons-nous vous souhaiter pour cette nouvelle année ?
Toujours garder l’esprit clair et ne pas perdre la tête face au succès. Je dois continuer de réaliser ce que j’ai envie de faire et pas ce qu’on veut que je fasse.
Si je vous dis le mot « Roots », cela vous évoque quoi ?
L’esclavage.
Édition ROOTS Karayib
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