TIRAILLEURS : L’ultime reconnaissance

Samedi 15 avril 2017, soit cinquante-sept ans après les indépendances africaines, François Hollande décide de naturaliser vingt-huit « tirailleurs sénégalais » pour avoir combattu dans les rangs de l’armée française en Indochine et en Algérie.
Parmi eux, figuraient vingt-trois Sénégalais, deux Congolais, deux Centrafricains et un Ivoirien. 
Ces vétérans qui se sont battus pour l’armée Française sont nés entre 1927 et 1939 et ont donc retrouvé la nationalité qu’ils avaient perdu à l’indépendance des colonies.

Rappel Historique
Les tirailleurs sénégalais sont des troupes d’infanterie coloniale recrutées en Afrique sub-saharienne.
Les premiers soldats noirs à servir la France sont d’anciens esclaves de confiance, les “laptots”, recrutés, au XVIIIe siècle, pour assurer la sécurité des navires de la Compagnie générale des Indes qui commerce avec l’Afrique.

Le corps des tirailleurs sénégalais est créé, en 1857, par un décret de Napoléon III. De cette date à leur suppression, dans les années 1960, les tirailleurs participent à toutes les campagnes coloniales menées par la France.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, tout comme pendant la Grande Guerre, la France fait appel à son Empire. Des éléments de ses troupes coloniales, parmi lesquels des tirailleurs sénégalais, participent à la campagne de France de 1940.

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Le « combat pour l’honneur »
Le 18 juin 1940, de Londres, le général de Gaulle prononce son fameux appel. Mais, le 19, les Allemands se rapprochent de Lyon, c’est la confusion gouvernementale complète, la situation est désespérée et ce n’est pas pour rien que l’armée française place aux entrées nord de Lyon le 25ème régiment de Tirailleurs Sénégalais, évitant ainsi aux Français le maximum de pertes. Il comprend, outre quelques gradés français, surtout des Africains, notamment Soudanais et Sénégalais. Les officiers savent que ce sera un combat perdu et parlent eux-mêmes de « combat pour l’honneur ».

Une « dette de sang »
Le chef d’État a insisté sur le fait que la France avait une « dette de sang » envers ces anciens soldats.
Il a aussi assuré que « tous les anciens tirailleurs qui résident en France et qui en feront la demande bénéficieront de la même réponse positive ».
Aïssata Seck, adjointe à la mairie de Bondy (Seine-Saint-Denis) a été à l’origine de cette cérémonie grâce à une pétition signée par 60 000 personnes. Elle-même petite fille d’un ancien combattant sénégalais…

Aux Tirailleurs Sénégalais morts pour la France
Voici le soleil
Qui fait tendre la poitrine des vierges
 Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards
Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle. 
J’entends le bruit des canons – est-ce d’Irun ? -
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu.
Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire des futurs morts, on les remercie d’avance futurs morts obscurs
 Die schwarze Schande !
Écoutez-moi, Tirailleurs Sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort
Dans votre solitude sans yeux sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province
Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée, jadis dans les palabres du village
Écoutez-moi, Tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit. 
Nous n’avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l’ardeur des vivants.
Les plaintes des pleureuses trop claires
Trop vite asséchées les joues de vos femmes, comme en saison sèche les torrents du Fouta
Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses. Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mouriez
Nous, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l’amitié de vos camarades d’âge.
Ah ! puissé-je un jour d’une voix couleur de braise, puissé-je chanter
L’amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons.
Écoutez-nous, morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est. Recevez ce sol rouge, sous le soleil d’été ce sol rougi du sang des blanches hosties Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs Sénégalais
 MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE !
Léopold Sédar Senghor, Hosties noires, 1948

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Édition : ROOTS n°19
Par Hyllen Legrè